par Ammar Belhimer
«Comment la technologie d’espionnage israélienne se mêle de nos vies ? » se demande Jonathan Cook dans une récente réflexion sur un redoutable « logiciel israélien utilisé sur les Palestiniens (qui) produit de nouvelles cyber-armes rapidement intégrées aux plateformes numériques mondiales».(*)
L’étude n’est point rassurante, y compris pour ceux qui vivent en dehors de l’entité sioniste : « Les armes de l’ère numérique développées par Israël pour opprimer les Palestiniens sont rapidement réutilisées pour des applications beaucoup plus larges — contre les populations occidentales qui ont longtemps pris leurs libertés pour acquis. »
Israël jouit d’une réputation établie et méritée d’innovations en haute technologie, même si elle repose toujours sur un « côté obscur, de plus en plus difficile à ignorer ».
« Aussi petit soit-il, Israël est depuis longtemps un chef de file mondial dans un commerce d’armes extrêmement lucratif, vendant à des régimes autoritaires du monde entier ses systèmes d’armes testés sur le champ de bataille des Palestiniens. Ce commerce de matériel militaire est de plus en plus éclipsé par un marché des logiciels des belligérants : des outils pour mener une cyber-guerre. »
Même si elles datent déjà, les mises en garde de l’analyste israélien Jeff Halper sur la fusion des nouvelles technologies numériques avec l’industrie de la sécurité intérieure remontent aujourd’hui à la surface : le danger, est-il encore relevé, est « que nous deviendrions tous progressivement des Palestiniens ».
Le laboratoire israélien qui fonctionne à ciel ouvert a pour cobayes des « millions de Palestiniens soumis à son régime militaire irresponsable » qui en a fait un « banc d’essai pour mettre au point non seulement de nouveaux systèmes d’armes classiques, mais également de nouveaux outils de surveillance et de contrôle de masse ».
Au registre de la surveillance de masse exercée contre les Palestiniens, on relève « la surveillance des médias, des médias sociaux et de la population dans son ensemble ».
Ainsi, « Israël peut à juste titre prétendre être une autorité mondiale, contrôlant et opprimant les populations sous son règne. Mais il a tenu à garder ses empreintes digitales sur une grande partie de cette nouvelle technologie de Big Brother, en externalisant le développement de ces outils informatiques aux diplômés de ses infâmes unités de sécurité et de renseignement militaire. »
Les recherches militaires et leurs applications civiles israéliennes alimentent généreusement, mais chèrement, les entreprises « développant des logiciels similaires pour des applications plus générales » qui sont de plus en plus courantes dans nos vies numériques.
« Certaines des technologies les plus secrètes produites par les développeurs israéliens restent beaucoup plus proches de leur format militaire original. » C’est le cas d’un « logiciel offensant vendu à la fois aux pays qui souhaitent espionner leurs propres citoyens ou à des États rivaux, et à des sociétés privées qui espèrent gagner un avantage sur leurs concurrents ou mieux exploiter et manipuler commercialement leurs clients. Une fois intégrés aux plateformes de médias sociaux comptant des milliards d’utilisateurs, ces logiciels espions offrent aux agences de sécurité des États une portée potentielle presque mondiale. »
On réalise mieux ici certaines alliances et connexions entre les sociétés de technologie israéliennes et la Silicon Valley, « cette dernière luttant pour prendre le contrôle de ce malware — comme le montrent deux exemples récents et contrastés ».
WhatsApp, une plate-forme de médias sociaux appartenant à Facebook, a engagé un premier recours devant un tribunal californien contre NSO, la plus grande société de surveillance israélienne — fondée en 2010 par Omri Lavie et Shalev Hulio, tous deux diplômés de la fameuse unité de renseignement militaire 8 200 d’Israël.
WhatsApp accuse NSO de cyber-attaques : « Au cours d’une période de deux semaines se terminant début mai et examinée par WhatsApp, NSO aurait ciblé les téléphones mobiles de plus de 1 400 utilisateurs dans 20 pays. Le logiciel espion de la NSO, appelé Pegasus, a été utilisé contre des défenseurs des droits de l’Homme, des avocats, des chefs religieux, des journalistes et des travailleurs humanitaires. »
La NSO a, par ailleurs, octroyé une licence d’utilisation du logiciel à des dizaines de gouvernements, notamment à des régimes réputés qui violent les droits de l’Homme, tels que l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Kazakhstan, le Mexique et le Maroc.
Microsoft a, pour sa part, beaucoup investi dans AnyVision – connue pour sa proximité avec les services spéciaux israéliens en raison de la parenté de son président Amir Kain avec Malmab, le département de la sécurité du ministère de la Défense qui était sous son autorité dans un passé récent — afin de développer davantage une technologie sophistiquée de reconnaissance faciale qui aide déjà l’armée israélienne à opprimer les Palestiniens.
« Le logiciel principal d’AnyVision, Better Tomorrow, a été surnommé «Occupation Google», car il prétend pouvoir identifier et suivre tout Palestinien en recherchant des images du vaste réseau de caméras de surveillance de l’armée israélienne dans les territoires occupés. »
Microsoft est soupçonné de vouloir intégrer le logiciel dans ses propres programmes.
Fers de lance du Mossad à l’étranger, les cyber-entreprises israéliennes ont été de plus en plus entraînées dans les efforts visant à manipuler le discours public sur Israël, notamment en se mêlant des élections à l’étranger.
Deux « exemples notoires de telles entreprises ont brièvement fait les unes de la presse internationale. Psy-Group, qui s’est présenté comme un ‘’Mossad privé à la location’’, a été fermé l’année dernière après que le FBI a ouvert une enquête pour s’être ingéré dans l’élection présidentielle américaine de 2016. Son ‘’projet papillon’’, selon le New-Yorkais, visait à ‘’déstabiliser et perturber les mouvements anti-israéliens de l’intérieur’’. Black Cube, quant à lui, a été reconnu coupable l’année dernière d’avoir exercé une surveillance hostile sur les principaux membres de la précédente administration américaine, dirigée par Barack Obama. Il semble étroitement lié aux services de sécurité israéliens et a été situé pour un temps sur une base militaire israélienne. »
Pegasus« Les logiciels de reconnaissance faciale permettent un profilage racial et politique toujours plus sophistiqué. La collecte et la surveillance secrètes de données effacent les frontières traditionnelles entre les espaces privés et publics. Et les campagnes de doxxing qui en résultent facilitent l’intimidation, la menace et le discrédit des opposants ou des défenseurs des droits de l’Homme. »
A. B.
(*) Jonathan Cook, How the hand of Israeli spy tech reaches deep into our lives, Middle East Eye, 11 novembre 2019.
https://www.jonathan-cook.net/2019-11-11/israel-spy-tech-cyber/?sfns=mo
Le Soir d’Algérie, 26/11/2019
Etiquettes : Israël, Palestine, NSO Group, logiciels espions, Pegasus, Whatsapp, Microsoft, Google, espionnage, Maroc,
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