Sahara: La Russie change de position (média espagnol). Moscou a confirmé un changement d’attitude vis-à-vis du conflit entre le Maroc et le Front Polisario
Ces derniers jours, Moscou a confirmé un changement d’attitude vis-à-vis du conflit entre le Maroc et le Front Polisario. Bien qu’une délégation sahraouie se soit rendue en Russie, suscitant l’inquiétude à Rabat, cette étape ne signifie pas que le conflit se rapproche d’une résolution, la politique de l’administration de Joe Biden restant indissociable de celle de Donald Trump.
Une délégation du Front Polisario s’est rendue à Moscou mercredi, dans un geste inhabituel qui est interprété comme un changement d’attitude de la Russie vis-à-vis du conflit et un retour explicite aux résolutions historiques de l’ONU sur l’ancienne colonie espagnole, un geste qui inquiète le Maroc.
Quelques jours plus tôt, les médias maghrébins ont révélé que l’ambassadeur russe avait soudainement quitté Rabat. Il n’est pas clair à ce jour si l’ambassadeur est parti à la demande de son gouvernement ou à la demande du gouvernement de Rabat, mais peu de temps après, la visite de la délégation du Polisario à Moscou a été révélée, de sorte que les deux pourraient être liés.
La tension entre Rabat et Moscou coïncide avec la récente nomination de Staffan De Mistura comme envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le conflit du Sahara. Dans les prochains jours, M. De Mistura devra décider d’une nouvelle stratégie pour un poste vacant depuis deux ans, António Guterres n’ayant pu trouver un émissaire satisfaisant pour les deux parties.
La semaine prochaine, le Conseil de sécurité, malgré tout son cynisme, reviendra sur le conflit du Sahara, et ce n’est qu’à ce moment-là que De Mistura tentera d’organiser son travail avec les considérations issues de la réunion de New York.
Le rôle que jouera Moscou à partir de maintenant est une énigme. Comme dans le cas de la brutale occupation israélienne, les médiateurs comme De Mistura n’ont aucune marge de manœuvre car les superpuissances, en particulier les États-Unis, ne veulent pas lever le petit doigt pour résoudre des conflits qu’ils préfèrent gérer plutôt que résoudre.
À la fin du mandat de Donald Trump, le premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahu, a dupé ce dernier pour qu’il conclue un autre marché, dans lequel le Maroc reconnaissait Israël en échange de la reconnaissance par les États-Unis de la colonie sahraouie comme faisant partie du Maroc.
L’ingérence active de l’État juif dans les conflits internationaux, qui était déjà importante auparavant, a gagné en intensité au cours du long mandat de M. Netanyahu, de l’Iran à l’Atlantique, et il n’y a guère de pays dans la région où cette ingérence, directe ou indirecte, n’est pas claire et menaçante, du Yémen à l’Algérie.
Il y a quelques jours à peine, les médias algériens ont signalé la présence de deux sous-marins israéliens lors de manœuvres navales dans les eaux algériennes près du Maroc. Et ces dernières semaines, de hauts responsables algériens ont accusé Israël d’activités hostiles à leur pays.
Dans tout ce cirque dangereux, la Russie, qui a un lien particulier avec l’Algérie, joue son propre rôle, et semble avoir parié sur l’Algérie plutôt que sur le Maroc. Moscou, qui met le pied dans des pays d’Afrique du Nord tels que l’Égypte et la Libye, ainsi que dans le Sahel, mène désormais une politique étrangère plus pragmatique que par le passé.
Toujours au sujet du Sahara, la politique du Maroc est erratique. Enhardi par la reconnaissance par Trump du Sahara comme territoire marocain, et par la reconnaissance d’Israël, le roi Mohammed a causé des problèmes à l’Espagne en incitant à une invasion massive de jeunes migrants dans les carrés d’Afrique du Nord, et aussi en mettant à mal les relations avec l’Algérie au point de générer une grave crise dont il ne sera pas facile de sortir.
Les médias marocains ont indiqué que Rabat cherche maintenant à ce que l’Espagne lui envoie le gaz que l’Algérie veut lui couper. Toutefois, Madrid doit se montrer très prudent avec cette approche, très cyclique et motivée par des intérêts à court terme, car le Maroc n’envisage en aucun cas de résoudre la question de l’ancienne colonie espagnole et ne manquera pas de revenir à ses anciennes habitudes lorsqu’il se sentira plus fort.
Dans ce contexte, la délégation russe conduite par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov qui a rencontré le Polisario mercredi a insisté sur la nécessité pour Rabat et le Polisario de respecter les résolutions du Conseil de sécurité, conformément à la position algérienne, et a soutenu le nouvel envoyé personnel de Guterres.
Il est clair que la Russie ne pourra pas, à elle seule, modifier l’inflexibilité du Maroc et qu’un changement dans ce sens dépend uniquement de la volonté de Washington. Cependant, la politique étrangère américaine à l’égard du Moyen-Orient est paralysée par le président Joe Biden et le secrétaire d’État Antony Blinken, à tel point que les médias américains ont souligné que la politique étrangère américaine actuelle ne se distingue pas de celle de Trump, ce qui signifie que toutes les questions, y compris le Sahara, continueront à se détériorer.
Publico, 24/10/2021
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