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Le Maroc a averti l’ONU que son secrétariat général porterait la responsabilité en cas d’effondrement du processus politique et du retrait de la MINURSO du Sahara Occidental, ce qui pourrait mener à un conflit armé. Des documents diplomatiques divulgués par un mystérieux lanceur d’alerte révèlent des tensions persistantes entre le Maroc et l’ONU, soutenue par les États-Unis, sur la question du Sahara Occidental.
Ces fuites mentionnent aussi des paiements de services secrets marocains à des journalistes et think-tanks, ainsi que des négociations pour l’achat d’armes. Le Maroc voit ces révélations comme une tentative de saper sa stratégie d’intégration du Sahara et soupçonne l’Algérie d’être à l’origine des fuites (postérieurement, l’on saura que le hacker est un officier de la DGSE française, ndlr).
Les relations diplomatiques du Maroc sont également tendues avec l’ONU, les États-Unis, la France, l’Algérie, la Mauritanie et récemment l’Égypte, tandis que ses liens avec l’Espagne restent cordiaux. Rabat rejette le rapport de Ban Ki-moon sur le Sahara et bloque l’entrée en fonction de Kim Bolduc, cheffe désignée de la MINURSO.
Le Maroc cherche aussi à discréditer Christopher Ross, envoyé spécial de l’ONU, en limitant ses déplacements et en influençant les milieux diplomatiques et médiatiques contre lui. Il souhaite le remplacer par Athar Khan, un haut fonctionnaire de l’ONU jugé plus favorable à ses intérêts. Dans cette démarche, le Maroc a pu compter sur un soutien indirect de l’Espagne.
Les détails dans cet article du journaliste espagnol Ignacio Cembrero :
Bagarre permanente entre le Maroc, l’ONU et les États-Unis
– Les documents révélés par « le Snowden du Maghreb » mettent en lumière la relation tendue
– Obama multiplie les gestes de soutien à l’équipe de Ban Ki-moon face à Rabat
– Le Maroc empêche la chef des « casques bleus » au Sahara de prendre ses fonctions
IGNACIO CEMBRERO, 29/10/2014
Cela pourrait entraîner une « explosion de violence », a répondu, consterné, Ladsous. L’ambassadeur a acquiescé et ajouté : « Ce sera uniquement la responsabilité du Secrétariat, qui (…) fait tout pour attiser la tension et déstabiliser la région, ce qui sera sans aucun doute exploité par la nébuleuse terroriste d’Al-Qaïda » bien implantée au Sahel.
Le Secrétariat général de l’ONU « devra assumer la responsabilité en cas d’effondrement du processus politique et du départ de la MINURSO [contingent des casques bleus] du Sahara », a averti Omar Hilale, ambassadeur du Maroc auprès des Nations Unies, lors d’un échange avec Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix.
Ces avertissements ont été formulés à New York, le 26 avril, et sont consignés dans l’un des nombreux télégrammes diffusés depuis le début du mois par un twittos anonyme qui se cache sous le pseudonyme de Chris Coleman. Ces câbles révèlent que le Maroc et l’ONU, soutenue par les États-Unis, vivent une sorte de conflit permanent à propos de l’ancienne colonie espagnole.


Les documents diplomatiques ne représentent qu’une partie des révélations explosives de ce twittos. Parmi les informations divulguées, couvrant la période de 2012 à 2014, on trouve des courriels concernant des paiements, via un intermédiaire, du service de renseignement extérieur marocain (DGED) à des journalistes et des think tanks, ainsi que des discussions sur l’achat d’armements et de munitions par l’équivalent marocain du ministère de la Défense.
Bien que la presse casablancaise ait à peine mentionné les fuites, les hautes sphères du pays vivent dans un climat de crise, estimant qu’il s’agit d’une vaste opération visant à torpiller leur stratégie pour affermir la « marocanité » du Sahara occidental, que l’Espagne a quitté il y a 39 ans. Les services secrets marocains ont ouvert une enquête sur la fuite, qu’ils soupçonnent d’être orchestrée depuis l’Algérie.
Les voisins africains
À la relation tendue entre Rabat et les Nations Unies, et dans une moindre mesure avec Washington, s’ajoute le conflit déclenché avec Paris fin février, et qui persiste encore. Avec ses deux voisins africains, Alger et Nouakchott, les autorités marocaines entretiennent également de mauvaises relations chroniques. Enfin, elles viennent de se fâcher avec Le Caire, qui a récemment montré un soutien au Front Polisario. Sur le plan politique, le Maroc ne maintient des relations cordiales qu’avec un seul pays : l’Espagne.
« Le Maroc exprime sa profonde déception, sa réelle colère et sa totale incompréhension face au contenu biaisé et tendancieux du rapport » du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, sur le Sahara. C’est ainsi qu’une délégation de haut niveau marocaine s’est exprimée à New York le 18 juin. Le rapport a été amendé avant d’être soumis au Conseil de sécurité.
Cette querelle a des conséquences pratiques. La Canadienne Kim Bolduc, nouvelle chef de la MINURSO, nommée par Ban Ki-moon en mai, n’a pas pu prendre ses fonctions. Rabat la bloque, suspectant qu’elle tentera « de s’ingérer dans des questions de droits humains qui ne relèvent pas de ses attributions ».
« Les États-Unis dirigent le processus politique pour trouver une solution » au conflit du Sahara, a rappelé, le 28 août, David Dunn, ambassadeur américain auprès de l’ONU, à son homologue marocain. Il lui a ensuite exprimé sa « préoccupation » concernant le veto marocain empêchant Bolduc de se rendre au Sahara. Washington a effectué au moins deux autres démarches similaires, mais Rabat n’a pas cédé.

Au début du même mois, l’ambassadrice adjointe Rosemary Dicarlo avait déjà rappelé aux Marocains non seulement le cas de Bolduc, mais aussi la nécessité de légaliser « davantage d’ONG originaires du Sahara », c’est-à-dire celles favorables à l’indépendance, et de « mettre fin aux procès de civils [sahraouis] par des tribunaux militaires ». « Les progrès sont très lents », a-t-elle déploré. Pourtant, tout cela avait été convenu lors de la visite du roi Mohamed VI à Washington en novembre 2013.
Si Bolduc doit être empêchée d’exercer ses fonctions, le diplomate américain Christopher Ross doit être évincé de son poste d’envoyé personnel de Ban Ki-moon pour le Sahara. Depuis la fin du printemps, il a demandé à effectuer une tournée au Maghreb, mais Rabat ne se presse pas de le recevoir.
Contre Ross
« Ross a montré une hostilité prononcée envers le Maroc », souligne le rapport marocain qui fixe la ligne à suivre sur le Sahara jusqu’en avril 2015. « Sans s’opposer ouvertement à lui, il s’agit de le discréditer », conseille-t-il. « Sans le transformer en victime, il faut le pousser à renoncer à sa mission (…) » en appliquant une série de mesures.
Celles-ci consistent, par exemple, à « limiter au maximum ses voyages au Maroc » et, s’ils se produisent, à « le recevoir à un niveau intermédiaire ». Il faudrait également diffuser dans des « cercles non officiels (journalistes, universitaires, parlementaires, etc.) un message sceptique » à son égard : « Est-il vraiment l’homme de la situation ? ». L’ambassadeur Hilale le décrit comme un alcoolique maladroit ayant des difficultés à enfiler sa veste.
Pour le remplacer, Rabat a déjà un candidat : Athar Khan, actuel chef de cabinet d’Antonio Guterres, Haut Commissaire de l’ONU pour les Réfugiés. « Il est intéressé et motivé », écrit l’ambassadeur Hilale à son ministre le 31 août. De plus, Athar Khan a rendu d’innombrables services au Maroc, comme par exemple, s’arranger pour que lors de sa visite à Genève en 2013, Ross ne soit reçu que par des fonctionnaires de rang inférieur au Haut Commissariat.
Dans cette tâche de discréditer Ross, la diplomatie marocaine a bénéficié de l’aide du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo. « Il serait bon qu’il avance plus rapidement sur le dossier et qu’il se concentre sur les questions centrales de ce dossier plutôt que de se perdre dans des sujets accessoires », a déclaré le ministre espagnol à Rabat, en juin 2012, juste après que les autorités marocaines aient lancé leur première campagne contre lui.
El Mundo, 29/10/2024
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