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Travailler pour le compte du Maroc ? : L’Espagne extrade un espion présumé vers l’Allemagne
Un Marocain espionnerait les membres d’un mouvement de protestation d’opposition en Allemagne depuis janvier 2022 au plus tard. Il a été arrêté en Espagne début décembre et, après avoir été placé en détention en vue de son extradition, il a été transféré vers l’Allemagne. Son complice a déjà été condamné.
Des responsables de l’Office fédéral de la police criminelle ont arrêté un espion marocain présumé à l’aéroport de Francfort. Le parquet fédéral de Karlsruhe lui reproche d’avoir travaillé pour un service secret marocain depuis janvier 2022 au plus tard.
Selon les allégations, l’homme espionnerait les partisans du mouvement dit Hirak depuis janvier 2022. Il s’agit d’un mouvement de protestation marocain d’opposition. Le Marocain était emprisonné en Espagne depuis le 1er décembre 2024 sur la base d’un mandat d’arrêt européen, ont encore annoncé les autorités. De là, il a été transféré mercredi en Allemagne pour y être jugé. Un juge d’instruction de la Cour fédérale de justice a ordonné la détention provisoire. L’âge de l’homme n’a pas été précisé.
L’accusé travaillait avec un autre homme mandaté par la direction marocaine des renseignements extérieurs, la DGED, explique le parquet fédéral dans son communiqué. Le complice a transmis les informations qu’il avait recueillies à ses officiers de commandement. En échange, selon des informations antérieures, les services de renseignement auraient pris en charge les frais de voyage de l’accusé, pour un montant d’environ 5 000 euros. Le parquet avait déclaré à l’époque que ceux-ci servaient également à des fins privées.
L’Office fédéral de la police judiciaire a arrêté cet homme dans la région de Cologne en novembre 2022. Selon les informations, il a déjà été légalement condamné à une peine de prison d’un an et neuf mois avec sursis pour avoir collecté des informations sur des partisans du mouvement Hirak en Allemagne. Il a donc agi pour le compte du service de renseignement extérieur marocain DGED et en a fait part aux officiers supérieurs.
En tant que plus haut procureur d’Allemagne, le parquet fédéral est responsable de l’espionnage ainsi que des affaires liées au terrorisme et au droit pénal international. Plus récemment, elle a par exemple accusé des agents présumés qui auraient travaillé pour les services secrets en Chine, en Russie et en Turquie.
Source : Mouvement Démocratie Nouvelle
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Le représentant en Allemagne espionné par le Maroc
La boite mail de Mohamed Ali Zerouali, alias Jamal Zakaria, était surveillée par des membres de l’Ambassade du Maroc en Allemagne, rapporte une lettre confidentielle envoyée le 9 mai 2013 par l’ambassadeur du Maroc en Allemagne, Omar Zniber.
« L’ancien représentant du Front Polisario en Allemagne « opérait à partir de sa maison en utilisant intensivement le courrier électronique (mails). Cette manière d’agir nous permettait d’être bien informés de ses activités. Par contre, le nouveau représentant préfère des contacts directs et un travail plus discret », souligne la même source.
Les activités d’espionnage des ambassades du Maroc en Allemagne n’ont pas échappé aux autorités allemandes. Au mois de février 2012, la police allemande a arrèté à Berlin, Mohammed B., 56 ans, chargé de surveiller les activités du représentant du Front Polisario en Allemagne. Il avait touché 22.800 euros pour cette mission, selon la justice allemande.
Mais l’affaire d’espionnage marocain la plus médiatisée a été celle de Redouane Lemhaoui, 42, policier hollandais d’origine marocaine. En 2008 il a été arrêté par la police des Pays Bas après la découverte de son recrutement par des agents des services secrets agissant au consulat du Maroc à Amsterdam sous couverture diplomatique. Il avait fourni des informations sensibles soustraites aux dossiers du Ministère de l’Intérieur hollandais.
L’incident s’est soldé par le rappel dans leur pays de deux membres de l’ambassade marocaine aux Pays-Bas.
Pour rappel, le Maroc a dépensé plus de 3 millions d’euros en matériel pour la surveillance des sites et des courriers électroniques, selon des statistiques dévoilées suite à un piratage de la société Hacking Team qui fournissait ce matériel au gouvernement marocain. Des informatios confirmées par des révélations de Wikileaks.
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Le procès d’un espion marocain présumé s’ouvre en Allemagne
DUESSELDORF (ALLEMAGNE), 24 (DPA/EP)
Le procès d’un ressortissant marocain de 36 ans accusé d’avoir espionné des membres du mouvement d’opposition marocain Hirak vivant en Allemagne s’est ouvert lundi à Düsseldorf, en Allemagne.
Le parquet fédéral allemand a déposé un acte d’accusation pour activités de renseignement de pays étrangers contre le suspect, qui a admis devant le tribunal régional supérieur de Düsseldorf qu’il avait transmis des informations sur la partie algérienne des manifestations et ses partisans.
Le mouvement Hirak est apparu en 2016 pour dénoncer la corruption et les abus des autorités au Maroc suite à l’indignation suscitée par la mort de Mohssine Fikri, écrasé par le compacteur d’un camion poubelle alors qu’il tentait d’empêcher que le poisson qu’il vendait soit détruit par la police à Imzouren, près d’Al Hoceima.
« J’ai soutenu le mouvement de protestation du Hirak depuis l’Europe en tant que blogueur, en publiant des informations critiques sur ma page Facebook », a déclaré l’accusé au tribunal.
Il a également expliqué qu’au début de l’année 2020, il s’était rendu au consulat général du Maroc à Düsseldorf pour obtenir un certificat de bonne conduite afin de pouvoir se rendre dans son pays.
Selon l’acte d’accusation, un agent des services secrets l’a alors contacté et recruté. Depuis, il collectait et remettait des informations sur des membres de l’opposition comme cela lui était demandé, en échange d’indemnités de voyage de près de 5 000 euros.
Europa Press, 24/07/2023
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A la recherche de l’espion marocain, par Ignacio Cembrero
Bagdad A. est un marocain de 59 ans, qui évoluait avec aisance au sein de la communauté maghrébine en Allemagne. Il collectait des « informations sur les événements organisés par les groupes d’opposition », selon le parquet allemand. En 2007, il s’était proposé pour travailler pour les services secrets de son pays, affirmant posséder « un vaste réseau de contacts » au sein de l’immigration marocaine. Ils l’avaient donc recruté. Cinq ans plus tard, le 7 décembre, les procureurs de Karlsruhe l’ont inculpé pour ses « activités en faveur de services de renseignement étrangers ».
Bagdad A. est le quatrième Marocain arrêté pour espionnage en Allemagne depuis 2011. Ils s’étaient tous consacrés à surveiller et établir des rapports sur les activités de leurs 230.000 compatriotes marocains résidents en Allemagne, à l’exception de Mohamed B., 56 ans, arrêté en février dernier à Berlin, et qui s’était fait une spécialité de la surveillance des membres du Front Polisario. Selon les procureurs, il avait touché 22.800 euros pour cela.
De tous les agents marocains démasqués ces dernières années en Europe, celui qui avait fait le plus parler de lui en 2008 était Redouane Lemhaouli, 42 ans, policier d’origine marocaine qui avait eu accès aux dossiers du ministère de l’Intérieur des Pays-Bas. C’est là où il avait obtenu des informations sur les « actions contre le roi du Maroc », le « terrorisme » et le « trafic d’armes », pour les communiquer aux espions qui, sous couverture diplomatique, l’avaient recruté.
Le cas de « Re » – le surnom que ses camarades avaient communiqué à la police – avait eu autant d’impact en raison du fait que cet agent avait côtoyé la princesse Maxima, l’épouse du prince d’Orange, ainsi qu’un membre du gouvernement néerlandais. La princesse avait pris place à ses côtés, au premier rang, lors d’une cérémonie au cours de laquelle 57 immigrés, la plupart d’origine marocaine, avaient reçu des diplômes leur permettant de travailler comme personnels au sol à l’aéroport de Rotterdam. « Re » les avaient formés.
Quelques mois plus tard, il avait été radié des rangs de la police, et condamné à 240 heures de travail d’intérêt général. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Maxime Verhagen, avait adressé une lettre aux députés dénonçant « les secteurs et les services exerçant une influence sur les citoyens d’origine marocaine ».
Au total, depuis 2008, on a recensé 10 arrestations et/ou poursuites d’agents, ou encore des expulsions de diplomates marocains en Europe – la Mauritanie ayant également expulsé un onzième agent l’année dernière… un chiffre que seule la Russie a dépassé, avec ses 31 agents expulsés du Vieux Continent.
Les 11 agents marocains travaillaient pour la Direction générale des Etudes et de la Documentation (DGED), le service de renseignements extérieurs dirigé par Yassine Mansouri, 50 ans, le premier civil à occuper cette fonction. C’est le seul service d’espionnage qui dépend formellement du palais royal marocain et qui a même dépassé son rôle pour aller au-delà des activités classiques d’espionnage et de renseignement. La DGED est également un instrument de la diplomatie marocaine, et la personnalité de son patron le montre assez clairement et l’explique encore mieux.
Mansouri fait partie du premier cercle des proches collaborateurs du roi Mohammed VI, en compagnie duquel il avait fait ses classes au Collège Royal. Il est également le seul parmi les intimes du monarque qui n’ait jamais été impliqué dans un scandale politique ou économique.
Sa loyauté à l’égard du futur monarque avait même été la cause de son limogeage en 1997 du poste qu’il occupait au sein du ministère de l’Intérieur dirigé alors par l’ancien ministre aujourd’hui défunt, M. Driss Basri. Ce dernier le soupçonnait de le surveiller pour le compte du prince héritier, que lui-même surveillait au nom de son père Hassan II. Mansouri était néanmoins le seul des amis d’enfance du prince que Basri jugeait compétent. Il a loué à Hassan II sa force et sa capacité de travail et le roi l’avait envoyé aux États-Unis en 1992 pour y être formé par le FBI.
Né à Bejaâd, dans le centre du pays, fils d’un alem (érudit musulman), Mansouri avait reçu une éducation religieuse, ce qui était plutôt problématique pour les amitiés gauchistes de son frère, jusqu’à ce qu’on lui offre une place au sein du Collège royal. Aujourd’hui encore, il reste un homme pieux qui fait ses prières, ne boit pas d’alcool, ne fume pas, et ne fait pas dans l’ostentation.
Sa traversée du désert a pris fin après l’intronisation du Roi Mohammed VI qui, en 1999 l’avait nommé directeur général de la MAP, l’agence de presse officielle du pays, qu’il avait quittée en 2003, pour revenir au ministère de l’intérieur, y entrant cette fois-ci par la grande porte. Pendant deux ans, il avait dirigé la plus importante direction du ministère, d’ou Basri l’avait limogé, la Direction des Affaires générales. De là, il avait fait ses premiers pas dans le monde de l’espionnage et dans la diplomatie parallèle.
Mansouri était ainsi membre, par exemple, de la délégation marocaine qui s’était rendue à New York en 2007 pour soumettre au Secrétaire général de l’ONU la proposition d’autonomie pour le Sahara ; il avait aussi rencontré à plusieurs reprises le Polisario pour négocier et avait secrètement noué des contacts, à Paris en 2007, avec la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni. En 2008, il avait reçu à Rabat le Secrétaire d’Etat-adjoint américain, David Welsh, qui s’était déclaré préoccupé par la fragilité du régime tunisien et la « cupidité » du dictateur Ben Ali, ce qui avait été révélé par la suite dans les messages diplomatiques divulgués par Wikileaks. Trois ans plus tard, Ben Ali a été renversé, et Mansouri figurait donc parmi les rares personnes qui avaient établi un bon diagnostic pour la Tunisie.
A sa création en 1973, la DGED s’était spécialisée dans la surveillance des ennemis en exil de la monarchie alaouite, puis des gauchistes historiques et, aujourd’hui, des islamistes et autres indépendantiste sahraouis. Mais, comme l’émigration marocaine a connu une forte croissance, la DGED s’efforce également de la surveiller pour éviter que l’extrémisme ne se développe au sein de cette communauté, et pour s’assurer qu’elle reste fidèle au trône.
Selon un rapport du Centre national d’intelligence (CNI) envoyé en mai 2011 par son directeur, le général Felix Sanz, à trois ministres, le Maroc a mis au point en Espagne une « stratégie à grande échelle ». « L’objectif est d’étendre son influence et d’accroître le contrôle sur la communauté marocaine sous couvert de religion », précise le rapport. Ce contrôle est exercé par Rabat, selon le CNI, « à travers son ambassade et ses consulats (…), ainsi que le personnel associé », soit des agents de la DGED bénéficiant de l’immunité diplomatique et des informateurs recrutés sur le terrain. La Fondation Hassan II y collabore aussi ; présidée par la Princesse Lalla Meryem, la sœur aînée de Mohammed VI, le budget de cette Fondation n’est pas soumis au contrôle parlementaire.
La preuve de l’intérêt de la DGED pour la religion a été apportée par l’intervention de Mansouri, en novembre 2008, devant un parterre d’imams venant d’Espagne et d’Italie et invités à Marrakech par le ministère des Affaires islamiques. Un an auparavant, Mansouri s’était rendu à Majorque pour rencontrer son homologue espagnol de l’époque, Alberto Saiz, et le mettre en garde contre ce que le Marocain estimait être « jouer avec le feu », à savoir le soutien espagnol offert aux « tablighistes » de Ceuta, un courant islamique d’origine indienne, au détriment de l’islam malékite qui domine au Maroc.
C’est peut-être parce qu’ils souhaitent éviter les tensions avec Rabat ou au nom de la coopération dans la lutte contre le terrorisme – la DGED avait aidé le CNI à dénouer l’enlèvement de trois bénévoles catalans par Al-Qaïda au Mali – que les pays du sud de l’Europe comme l’Espagne, la France et l’Italie, les pays qui accueillent le plus d’émigrés marocains, n’expulsent ni n’arrêtent les agents marocains. « Cela s’est en effet produit, mais sans plus », nuance cependant un ancien collaborateur du CNI qui avait servi au Maghreb.
En 2010, Rabat avait expulsé trois agents espagnols travaillant au Maroc sous couverture diplomatique ; mais durant le dernier quart de siècle, il n’y avait eu qu’une seule affaire d’espionnage marocaine en Espagne qui ait été divulguée: l’infiltration d’une taupe au sein du ministère des Affaires Etrangères, en 1990, qui avait obtenu un rapport sur la conversation du ministre de l’époque, Francisco Fernandez Ordonez, avec un responsable du Front Polisario.
Lire l’article, en espagnol, sur elpais.com
Source: Saharadoc, 8 jan 2013
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Découverte d’un complot d’espionnage marocain au consulat du Maroc à Madrid
MADRID – Le Centre national de renseignement (CNI) espagnol a découvert, juste avant la pandémie de Covid-19, un complot d’espionnage marocain activant depuis le consulat du Maroc à Madrid, à la suite d’une enquête de plusieurs années sur un agent consulaire accusé d’avoir « collaboré » avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne, rapportent lundi des médias espagnols.
Selon les médias, l’agent consulaire recruté par les services secrets marocains s’est vu refuser le mois dernier une demande d’obtention de la nationalité espagnole, mais à ce jour il n’a pas été expulsé d’Espagne. La justice a rejeté, pour la première fois, l’octroi de la nationalité à ce fonctionnaire administratif du consulat du Maroc à Madrid et met directement en cause le chef des renseignements marocains en Espagne, qui opère depuis l’ambassade du Maroc à Madrid.
Le principal service secret espagnol affirme avoir « la certitude de l’étroite collaboration de ‘Don Gabriel’ (pseudonyme donné à cet agent pour ne pas dévoiler son nom), depuis son arrivée en 2016, au consulat du Maroc à Madrid en tant qu’agent local, avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne ».
Les juges donnent pleine validité au rapport du renseignement espagnol. Il ne s’agit pas d’une compilation de « simples suppositions sur la personne concernée ». Les données qu’il fournit sont « suffisamment explicites et concrètes », souligne la sentence, qui met en principe un terme à 12 ans de procédures, par « Don Gabriel », pour devenir Espagnol.
Le CNI, selon le jugement, a commencé à enquêter sur lui en 2011, un an après qu’il ait commencé à travailler comme interprète au consulat du Maroc à Séville, bien avant qu’il ne soit envoyé à Madrid en 2016.
Les chambres contentieuses-administratives de la Haute Cour nationale rejettent, avec une certaine fréquence, l’octroi de la nationalité espagnole aux immigrés marocains installés en Espagne sur la base de rapports du CNI qui invoquent des raisons de « sécurité nationale », sans entrer dans les détails.
« Cette mention n’est généralement pas en relation avec des liens présumés avec des organisations terroristes, mais avec les services secrets marocains opérant en Espagne », expliquent les médias, rappelant un cas similaire enregistré à Las Palmas où « Fabio », un homme d’affaires marocain basé dans l’archipel, s’est vu refuser sa demande d’obtention de la nationalité espagnole pour avoir entretenu, entre 2008 et 2016, « une relation de pleine collaboration avec le renseignement étranger marocain ».
Jusqu’à présent, seule l’expulsion d’un espion marocain d’Espagne, Nourendin Ziani, est enregistrée en mai 2013, à la demande du général Félix Sanz Roldan, alors directeur du CNI. Basé à Barcelone, Ziani avait fondé l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne, financée par le ministère marocain de l’Immigration.
En Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, les expulsions et même les procès de collaborateurs des services secrets marocains sont souvent rendus publics. Le dernier cas connu remonte à juillet 2018, celui d’une femme, Kaoutar Fal, au sujet de laquelle la Sûreté de l’Etat belge a déclaré dans un communiqué avoir été expulsée « pour ses activités d’ingérence et d’espionnage pour le compte de services de renseignement étrangers ».
« Kaoutar Fal et ses organisations s’impliquent énergiquement dans des activités d’ingérence au nom du Maroc », précisait le texte.
Source : APS, 10/10/2022
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L’espionnage marocain en Espagne : de Pegasus aux montages d’affaires de cœur contre Aznar
Le programme malveillant Pegasus, introduit dans les téléphones portables de plusieurs membres du gouvernement, est un nouvel épisode de l’intrusion des services secrets marocains
Par Ignacio Cembrero
Les ‘écoutes’ téléphoniques subies par le gouvernement de Pedro Sánchez sont, pour l’instant, le dernier épisode de la longue histoire de l’espionnage marocain en Espagne. L’ancienne directrice du Centre National de Renseignement (CNI), Paz Esteban, a clairement indiqué que le pays voisin espionnait l’Espagne lors de sa comparution du 5 mai devant la commission des dépenses réservées du Congrès, cinq jours avant d’être destituée. Esteban n’a cependant pas accusé directement le Maroc d’avoir contaminé les appareils gouvernementaux avec Pegasus, selon des sources ayant assisté à cette réunion à huis clos.
L’épisode le plus grotesque de l’espionnage, ou plutôt de la vengeance marocaine, est celui qu’a subi José María Aznar. L’ancien président du gouvernement a ordonné en 2002 l’expulsion du petit contingent marocain qui s’était installé sur l’îlot de Persil, humiliant ainsi Mohamed VI. En 2008, quatre ans après avoir quitté l’exécutif, l’hebdomadaire marocain ‘L’Observateur du Maroc’ a titré en une que l’ancien président était le père de la fille qu’attendait Rachida Dati, alors ministre de la Justice française. Pour donner de la crédibilité à cette calomnie, l’hebdomadaire espagnol ‘Interviú’ a reçu plusieurs photos dans lesquelles on voyait Aznar et Dati se dire au revoir amicalement à Paris, devant la porte d’un restaurant.
‘L’Observateur du Maroc’ est la propriété d’Ahmed Charai, le chargé de relations publiques de la DGED, selon plusieurs documents divulgués en 2014 sur les réseaux sociaux. Aznar l’a poursuivi en justice et, en 2011, l’Audience Provinciale de Madrid l’a condamné à verser 90 000 euros pour ‘préjudice moral’. Aujourd’hui, on sait que le père de la jeune Zohra est l’homme d’affaires français Dominique Desseigne. Dans ces câbles divulgués en 2014, figurent également les noms d’un Espagnol membre du PSOE et d’une Marocaine mariée à un ambassadeur d’Espagne, en tant que collaborateurs réguliers du service secret dirigé par Yasin Mansouri. Ces révélations n’ont eu aucune conséquence pour aucun d’eux.
Le Maroc a de l’expérience en matière de surveillance électronique, qu’il a commencé à exercer en 2011 sur les dirigeants du mouvement du 20 février (20-F), la version locale du Printemps arabe. Rabat achetait alors des programmes malveillants à Hacking Team, une entreprise italienne. Grâce à eux, il a piraté Mamfakinch, le site de référence des jeunes du 20-F. Le formulaire de contact de ce site web contenait un ‘malware’ qui, une fois téléchargé, volait dans l’ordinateur de l’utilisateur ‘tout ce qui les intéressait’, a expliqué lors d’une conférence en 2013 David Barroso, expert en cybersécurité et PDG de CounterCraft. À cette époque, la presse française a révélé que Rabat avait également acquis d’autres programmes auprès des entreprises françaises Amesys et Nexa Technologies. Il y a un an, un juge d’instruction parisien a mis en examen quatre dirigeants de ces deux entreprises pour ‘complicité de torture’ en Égypte et en Libye.
Comparution de Sánchez
Le président du gouvernement, Pedro Sánchez, ne désignera pas le Maroc lors de sa comparution aujourd’hui au Congrès, consacrée au programme malveillant Pegasus introduit dans son téléphone portable fin mai 2021, au plus fort de la crise hispano-marocaine. Ses ministres de la Défense et de l’Intérieur, également surveillés par le ‘malware’ fabriqué par l’entreprise israélienne NSO Group, n’ont pas non plus accusé les services secrets marocains ni critiqué l’entreprise israélienne pour avoir permis une mauvaise utilisation de son programme de surveillance.
La comparution de Sánchez ne met pas fin à l’affaire Pegasus en Espagne. Des dizaines – peut-être plus de 100 – d’indépendantistes catalans attendent que le laboratoire Citizen Lab, lié à l’Université de Toronto, leur communique le résultat de l’analyse forensique de leurs téléphones portables. Si le résultat montre qu’ils ont été infectés, ils se joindront probablement aux poursuites en cours et la polémique politique sera réactivée.
De plus, plus de 200 téléphones portables espagnols étaient déjà en 2019 la cible des agences de renseignement marocaines, selon une révélation du quotidien britannique ‘The Guardian’ le 3 mai. Forbidden Stories, l’association de 17 médias qui, en juillet 2021, a publié une première liste de 10 000 téléphones portables contaminés par Pegasus par les services marocains, s’apprête maintenant, en collaboration avec un journal madrilène, à divulguer les noms des propriétaires de ces deux cents téléphones espagnols. Parmi eux, on sait déjà qu’il y a ceux d’Aminatou Haidar, militante sahraouie ; d’Ali Lmrabet, ‘youtubeur’ marocain basé à Barcelone et critique du régime de son pays, et celui de ce journaliste qui écrit ces lignes.
Quels sont les objectifs de l’espionnage marocain en Espagne ? La directrice du CNI ne l’a pas expliqué, mais ils sont bien connus. Outre l’activité du gouvernement espagnol liée au Maghreb, ils s’intéressent à la détection d’éléments radicaux au sein de l’immigration marocaine ; au suivi de l’activité de l’opposition islamique modérée à la monarchie alaouite, à commencer par le mouvement Justice et Charité ; à l’exil rifain arrivé en Espagne à partir de 2017 ; au Front Polisario et au soutien qu’il reçoit de la part de la société civile, et aux journalistes qui couvrent l’actualité marocaine.
Les politiciens socialistes et du Parti Populaire utilisent généralement, lorsqu’ils sont au gouvernement et également dans l’opposition, un langage mielleux lorsqu’ils évoquent la relation avec le Maroc. Tous les responsables non politiques liés à la sécurité de l’Espagne, des agences de renseignement aux forces armées, s’expriment en des termes très différents. Ils décrivent longuement le harcèlement marocain dans l’espace aérien du Sahara ou du sud de la péninsule, dans les eaux des îles Zaffarines, ou l’agressivité et l’audace de leurs services secrets en territoire espagnol.
Histoire des espionnages
La première fois – après la transition démocratique – qu’une opération d’espionnage marocain en Espagne a été révélée à la presse remonte à mai 1990. Le général Emilio Alonso Manglano, directeur du Cesid – l’agence de renseignement précurseur du CNI – a appelé le sous-secrétaire aux Affaires étrangères, Inocencio Arias, pour l’informer qu’il était certain qu’un télégramme chiffré du ministère était en possession de l’ambassade du Maroc à Madrid.
Le télégramme résumait la conversation du 16 mai de cette année-là entre le ministre des Affaires étrangères, Francisco Fernández Ordoñez, et Bachir Mustafa Sayed, numéro deux du Front Polisario. Une enquête a été ouverte pour savoir qui était la taupe, dans l’entourage de Fernández Ordóñez, qui a fourni le document aux Marocains, mais elle n’a pas abouti. C’était encore l’époque où les ministres espagnols recevaient les chefs de ce mouvement sahraoui qui lutte pour l’indépendance de l’ancienne colonie espagnole. Aujourd’hui, ils ne sont plus reçus ni au gouvernement ni au PSOE, pour ne pas déplaire aux autorités marocaines.
Le directeur du Cesid a appelé le sous-secrétaire aux Affaires étrangères en 1990 pour l’informer qu’un télégramme chiffré était en possession de Rabat
Cet épisode d’espionnage était ‘peccata minuta’ comparé à celui qui a incité le général Félix Sanz Roldán, directeur du CNI, à expulser d’Espagne, en mai 2013, Nureddine Ziani, le seul espion marocain dont l’expulsion a été rendue publique. Ziani a dépassé toutes les limites aux yeux du CNI car il a combiné un travail traditionnel du renseignement marocain – surveiller et contrôler l’immigration musulmane en Catalogne – avec le fait de se mêler aux indépendantistes de Convergència Democràtica de Catalunya (CDC).
Après avoir travaillé pour le consulat du Maroc à Barcelone, il a fondé l’Union des Centres Culturels Islamiques de Catalogne, dont le siège a été installé dans la fondation Nous Catalans, créée par le CDC et présidée par Artur Mas. Le pays voisin, a argumenté Sanz Roldán dans sa lettre demandant au ministère de l’Intérieur l’expulsion de Ziani, ‘a conçu [une stratégie] pour disposer d’un outil qui lui donne une capacité d’influence et de pression lorsqu’il le juge opportun sur l’administration espagnole, perturbant ainsi la politique étrangère de l’Espagne’.
Ziani a été expulsé par la frontière terrestre de Melilla. Une voiture officielle l’a récupéré du côté marocain et peu de temps après, on a appris qu’il occupait un poste au ministère des Affaires islamiques, qui travaille main dans la main avec la Direction Générale des Études et de la Documentation (DGED), le renseignement extérieur marocain. Celle-ci indique au ministère quelles associations islamiques en Europe doivent recevoir ses aides. Le clergé musulman de Ceuta et Melilla figure parmi ses priorités.
Aucune autre expulsion d’Espagne d’agents marocains ou de diplomates ayant collaboré avec la DGED n’a été rendue publique, bien que cela se soit très probablement produit, mais en toute discrétion. Aucun espion du pays voisin n’a non plus été jugé. Contrairement à l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique ont fait connaître des expulsions d’agents et de diplomates – Bruxelles s’est débarrassée en 2018, pour la première fois, d’une femme espionne – et certains ont même été jugés et condamnés. Au cours des cinq années comprises entre 2008 et 2012, il y a eu 10 expulsions ou poursuites d’agents marocains dans l’UE, un chiffre seulement dépassé alors par la Russie.
Rabat s’est également débarrassé en toute discrétion de certains agents espagnols. 2010 a été l’année la plus fertile en expulsions, qui ont touché deux militaires, ayant le statut diplomatique, affectés au consulat d’Espagne à Tétouan, et un troisième affecté à Nador. Ce dernier avait été chargé de la lutte contre l’ETA au Pays basque et ses supérieurs l’ont ensuite envoyé à un poste tranquille où il n’a pas fait long feu.
Le réseau d’espionnage du Maroc en Espagne est mis en évidence par les refus répétés de demandes de nationalité espagnole par l’Audience Nationale à la demande du CNI. Jusqu’à il y a neuf ans, il suffisait au centre d’indiquer que le candidat marocain à la nationalité espagnole représentait un danger pour la sécurité nationale pour que les juges rejettent la demande. Le Tribunal Suprême a statué qu’il était nécessaire qu’il fournisse plus de données sur la dangerosité du candidat. Depuis lors, les rapports envoyés par le CNI à l’Audience indiquent parfois que certains demandeurs de la nationalité sont ‘liés au renseignement extérieur’ du Maroc et que c’est pour cette raison que leur demande doit être rejetée.
Moulay Hicham, cousin germain du roi du Maroc, surnommé le ‘prince rouge’ en raison de ses critiques sur la façon dont Mohamed VI gouverne le pays, a également été surveillé lors de ses déplacements à l’étranger pour savoir ce qu’il faisait, avec qui il se réunissait. Il s’est rendu à Madrid fin janvier 2015 pour présenter son livre ‘Journal d’un prince exilé’ (Editorial Península). La DGED était apparemment intéressée de savoir s’il allait rencontrer ce journaliste, mais n’a pas réussi à les photographier ensemble.
Elle a dû confier cette tâche à un apprenti espion qui s’est trompé de date et a pris des photos d’un autre dîner dans un restaurant plus modeste que ceux que Moulay Hicham fréquente habituellement. Malgré cela, le service secret marocain a jugé indispensable de prouver que le ‘prince rouge’ et le journaliste avaient partagé une table à Madrid. Il a eu recours à un photomontage publié le 12 février 2015 en une du quotidien numérique ‘Le 360’, le plus proche du palais royal. On y voit Moulay Hicham dans la cafétéria de l’hôtel Fouquet’s à Paris, soi-disant assis à côté de ce journaliste. Pour cette supercherie, il a utilisé un cliché du journaliste pris quelques semaines auparavant au Palais du Pharo à Marseille et publié dans le quotidien parisien ‘Libération’.
El Confidencial, 26/05/2022 – 05:00
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