Le retrait des tirailleurs sénégalais de la Première Armée française en 1944

Les tirailleurs sénégalais sont présents au sein de la 9e division d’infanterie coloniale, sous la forme de trois régiments (4e RTS, 6e RTS, 13e RTS), et dans la première division française libre (1re DFL ou 1re DMI).

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Hérésie stratégique, bricolage politique ou conservatisme colonial ?

Claire Miot

Pour quelles raisons les tirailleurs sénégalais présents sur le sol métropolitain depuis le débarquement de Provence lors des combats de la Libération sont-ils retirés du front à l’automne 1944 ? Les autorités politiques et militaires de l’époque ont évoqué une mesure de prévention destinée à épargner aux soldats issus des colonies les difficultés climatiques de l’hiver. Depuis, les historiens ont remis en cause cette argumentation. Claire Miot ouvre à nouveau le dossier, archives à l’appui, et présente les considérations politiques et culturelles qui ont présidé à cette décision étonnante, voire contre-productive, du point de vue militaire.

À l’automne 1944, plus de quinze mille tirailleurs sénégalais sont retirés du front de la Première Armée française dans la région de Belfort et transférés dans le Sud de la France. Ni véritable relève, ni tout à fait hivernage, cette curieuse opération de « blanchiment », ou « blanchissement » pour reprendre les termes de l’époque? [1]

La Première Armée du général de Lattre de Tassigny, forte de plus de 230 000 hommes recrutés en Afrique du Nord à partir de novembre 1942, a débarqué en Provence le 15 août 1944 aux côtés des troupes américaines. Elle compte alors plus de 50 % de soldats « indigènes »? [2]. Ces hommes sont principalement algériens, tunisiens, marocains, mais combattent aussi des ressortissants d’Afrique noire (Afrique occidentale française et Afrique équatoriale française). Volontaires ou conscrits, ces tirailleurs sénégalais sont, à l’automne 1944, en majorité des soldats expérimentés. Le retrait de 15 000 à 20 000 de ces soldats, alors que s’amorcent les durs combats des Vosges, et que le général de Gaulle veut lancer le maximum d’hommes dans l’assaut final contre le Reich, a donc de quoi surprendre.

Reprenant les arguments de la théorie des « races martiales? [3] et s’inspirant des expériences de la Grande Guerre, les autorités militaires et politiques françaises justifient ce retrait par l’inadaptabilité supposée des soldats noirs à l’hiver européen, une explication qui ne convainc pas Gilles Aubagnac, auteur de travaux sur la question. Selon lui se cachent deux raisons plus profondes : le moral chancelant de ces troupes coloniales? [4], ainsi que la nécessité d’incorporer les soldats issus des Forces françaises de l’intérieur (FFI) alors que l’équipement et l’armement de l’armée française sont fortement contingentés par les Américains.

S’il est indéniable que l’amalgame des FFI à l’armée régulière joue un rôle fondamental dans la décision de retirer les tirailleurs sénégalais du front, l’argument du moral des troupes est plus discutable, au regard de leur ardeur et de leur loyauté démontrées au combat. Ce sont moins la tenue des hommes au feu que les conditions de leur démobilisation qui posent un problème à la hiérarchie militaire. À l’été 1944, rien ne permet de voir au sein des unités « blanchies » les prémisses de revendications nationalistes, ni même de contestations graves qui inciteraient la hiérarchie militaire à se séparer de troupes trop remuantes.

De plus, les archives diplomatiques du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) révèlent les liens entre ce retrait et la planification d’une intervention française en Indochine. En effet, l’engagement des troupes françaises en Extrême-Orient est mise à l’agenda politique dès l’été 1943 au sein du Comité français de la Libération nationale (CFLN), mais reste concurrencée, jusqu’en août 1944, par la priorité absolue donnée à la libération du territoire métropolitain. La question est réactivée à la faveur de la rapide avancée des troupes en France. Le GPRF négocie alors avec les Alliés pour constituer un Corps expéditionnaire en Extrême-Orient, qui serait majoritairement composé de soldats d’Afrique subsaharienne : autant d’éléments qui plaident pour une réouverture du dossier.

« Blanchir » deux divisions

Les tirailleurs sénégalais sont présents au sein de la 9e division d’infanterie coloniale, sous la forme de trois régiments (4e RTS, 6e RTS, 13e RTS), et dans la première division française libre (1re DFL ou 1re DMI). Dans les sources militaires, les soldats noirs sont appelés génériquement « sénégalais », une appellation qui cache une extrême diversité du recrutement puisqu’en 1944 les Sénégalais sont minoritaires parmi les soldats d’Afrique noire.

La 9e DIC, créée en juillet 1943 et placée sous le commandement du général Magnan, rassemble des tirailleurs d’AOF, demeurée sous obédience vichyste jusqu’en novembre 1942. La division est composée de militaires de carrière ou de conscrits recrutés soit au moment de la campagne de 1939-1940, soit à partir de 1943. Ils proviennent surtout du Soudan (Haut-Sénégal et Niger actuels) et de la Haute-Volta. Les régiments de tirailleurs sénégalais vivent leur baptême du feu lors de la prise de l’île d’Elbe, en juin 1944.

A contrario, la 1re DMI, commandée par le général Brosset, constitue, avec la 2e DB, l’une des deux unités de la France libre. Les trois bataillons de marche et les deux bataillons de Somalis (unités majoritairement noires) qui la composent, sont issus des territoires de l’AEF progressivement ralliés à la France libre. Officiellement, ces hommes sont des volontaires, même si le degré de liberté qui préside à leur engagement peut être parfois extrêmement limité? [5]. Ils ont, pour certains, une longue expérience combattante, de la campagne de Syrie (1941) aux combats en Italie (1943-1944), en passant par Bir Hakeim (1942).

La relève de certains tirailleurs de la 9e DIC est envisagée avant même le débarquement de Provence. Le 22 mai en effet, le général Magnan demande à sa hiérarchie que les soldats du 6e RTS qui ont exercé plus de quatre ans sous les drapeaux (soit depuis leur mobilisation en 1939-1940) soient relevés, en vain. L’idée d’un retrait massif et définitif est évoquée pour la première fois par une note du 7 septembre 1944 de l’état-major du général de Lattre de Tassigny, qui considère que « les difficultés d’emploi des troupes sénégalaises sur les théâtres d’opération du Nord-Est pendant la saison froide imposent leur transformation rapide en unités entièrement blanches? [6]. Il s’agit d’une opération originale : ce n’est pas à proprement parler un hivernage, puisque le retour sur le front à la belle saison n’est pas envisagé. Il ne s’agit pas non plus de la relève d’une unité par une autre, mais bien d’une « transformation ». Le texte maintient toutefois une ambiguïté dans la mesure où il envisage des unités « entièrement blanches », tout en précisant que « les Européens affectés aux unités coloniales doivent combler les pertes en Sénégalais, remplacer les Sénégalais malades ou inaptes […], remplacer les indésirables, relever les Sénégalais dont le séjour à l’extérieur excède la durée normale? [7] ». Il n’est donc pas encore clair que tous les tirailleurs sénégalais doivent être retirés du front.

Cette note ne fait dans certains cas que renforcer une pratique déjà en vigueur du fait des circonstances du combat. Ainsi, au 6e RTS, après la bataille de Toulon (21-26 août 1944), les nombreuses pertes sont remplacées par des FFI dès la fin du mois d’août : « Le 9 septembre, lorsque je quitte Toulon, mon régiment est presque reconstitué? [8], rapporte le colonel Salan.

Progressivement, le lien entre amalgame et « blanchiment » commence à être établi. En effet, les tirailleurs doivent être remplacés par des « engagés volontaires, y compris ceux provenant des FFI, les membres d’organisation du maquis, volontaires pour servir dans les troupes coloniales? [9]
. À la 1re DMI, deux bureaux de recrutement sont créés en septembre dans la région de Lyon et de Chalon-sur-Saône pour remplacer les tirailleurs sénégalais? [10]. Le 9 octobre 1944, 3 802 métropolitains ont été engagés de manière individuelle et la 1re DMI peut compter sur 250 engagements supplémentaires par semaine. Plus de 4 000 tirailleurs sénégalais peuvent donc être retirés du front très rapidement? [11]. Pourtant, début novembre, il reste encore 129 sous-officiers et 1 511 hommes de troupes noirs à la 1re DMI? [12]. Le « blanchiment » de la 9e DIC paraît en revanche plus rapide. Les opérations ont commencé dès le 4 octobre au 13e RTS? [13]. Le 8 octobre, 6 016 tirailleurs noirs sont considérés comme étant à « relever? [14] ». Globalement, l’essentiel des opérations est terminé à la fin du mois d’octobre. Au 4e RTS par exemple, les opérations, entamées au début du mois d’octobre, sont terminées le 28 octobre 1944, date du rapatriement vers le Sud de la France du dernier détachement de tirailleurs? [15].

Myron Echenberg estime les retraits à 20 000 soldats issus d’Afrique noire? [16]. Il reprend sans doute le chiffre que donne le général de Gaulle dans ses mémoires? [17]. Le général de Lattre de Tassigny recense pour sa part 6 000 hommes à la 1re DMI et 9 200 à la 9e DIC? [18], mais ne compte pas les 5 500 hommes qui n’appartiennent à aucune division? [19]. Les sources américaines évaluent le nombre de soldats rapatriés à environ 15 000? [20]. Ces chiffres sont peut-être gonflés par les Français, afin d’obtenir des Américains qu’un nombre supérieur d’hommes soit engagé à la place des tirailleurs sénégalais. En effet, dans le même temps, l’état-major français n’évoque pour la 1re DMI que 4 400 Sénégalais à xpédier? [21]
. À la même date, à la 9e DIC, 6 016 Sénégalais sont considérés comme étant à renvoyer? [22], soit un effectif total plus proche des 10 000 hommes. En réalité, après le « blanchiment » de l’automne, des soldats originaires d’Afrique noire demeurent encore quelques semaines dans les troupes de la Première Armée, en particulier dans les unités de service. Ainsi, 250 combattants « sénégalais » servent encore dans le 431e bataillon médical à la fin du mois de novembre 1944? [23]. Manquant de personnel européen formé, l’armée n’a sans doute pas les moyens d’aller jusqu’au bout du processus. Inachevé, le « blanchiment » des troupes noires semble surtout apporter des difficultés supplémentaires à une armée française enlisée dans les Vosges face à une résistance allemande devenue farouche.

Une hérésie militaire ?

Au moment des opérations de retrait, en effet, plusieurs unités de tirailleurs sénégalais se trouvent dans la boucle du Doubs et combattent dans des conditions extrêmement difficiles. L’allocution du lieutenant-colonel Gauvin, adressée aux hommes du bataillon de Guyenne qui doit remplacer le 2e bataillon du 6e RTS, le 9 octobre 1944, résume bien ces difficultés : « Il faut à la fois tenir le secteur qui nous est confié, relever progressivement nos Sénégalais, vous incorporer administrativement et entreprendre votre instruction militaire technique. Chaque unité en ligne a des éléments arrière. Vous relèverez d’abord ces éléments. J’estime qu’en quatre jours […] vous serez aptes à entrer en ligne? [24] » Le 4e RTS, également en ligne, souffre des mêmes difficultés : le colonel décrit ses nouvelles recrues comme une « troupe aux nerfs non aguerris […] ne possédant qu’une instruction rudimentaire qu’il serait criminel de lancer dans une opération offensive? [25] ». L’essentiel des opérations de « blanchiment » du 13e RTS a lieu lors de la prise de Blamont et les hommes sont priés de combattre jusqu’au bout contre les patrouilles allemandes.

Dans d’autres cas, cependant, c’est l’attente et l’ennui avant l’incorporation qui prédominent chez les FFI, comme le déplore le général Brosset dans une lettre adressée dès le 1er octobre au général de Lattre de Tassigny : « Le recrutement de Français ne souffrirait aucune difficulté si les recrues étaient habillées et incorporées aussitôt engagées. Faute de l’être, elles attendent dans nos dépôts ou même dans les échelons avec une patience qui décroît rapidement? [26]. » Surtout, le général Brosset, qui a pourtant appelé de ses vœux le « blanchiment », s’inquiète de la faible valeur combative de ces résistants amalgamés : « Blanchie, cette division sera très loin de sa valeur antérieure, les hommes n’étant pas instruits […]? [27]. »

Le retrait pose aussi de graves problèmes logistiques, dans un contexte de pénurie de véhicules et d’essence et en raison des voies de communication encore largement endommagées par la retraite allemande et les bombardements. Les autorités militaires redoutent qu’un maintien trop long des soldats en arrière des lignes attise les mécontentements : « Nos tirailleurs ne doivent, en aucune façon, avoir l’impression que les départs ont lieu au petit bonheur ou suivant l’humeur de leur commandant d’unité? [28]. » Enfin, les hommes retirés des lignes sont, la plupart du temps, délestés de leurs armes et d’une partie de leur équipement? [29], ce qui risque d’atteindre le moral des troupes? [30]. De même, la question de leur hébergement dans le Sud de la France reste longtemps problématique. Les tirailleurs vivent dans des camps inconfortables et sans ravitaillement suffisant? [31]. Ni les régions militaires, ni le GPRF n’ont les moyens suffisants (à supposer qu’ils le souhaitent? [32]) de subvenir aux besoins des cantonnements de tirailleurs. Enfin, les soldats doivent parfois attendre de longs mois avant d’être embarqués.

Le retrait des tirailleurs est donc coûteux d’un point de vue logistique, peu défendable en termes d’efficacité militaire et comporte des risques pour le moral des troupes. Comment donc le justifier ?

Le froid, un prétexte ?

C’est la raison (souvent unique) qu’invoquent les autorités militaires et politiques? [33]
La supposée inadaptabilité des soldats noirs traduit les représentations et les pratiques de l’armée française depuis le début du 20e siècle. Dès novembre 1914, le froid affecte l’efficacité de tous les soldats coloniaux, et plus particulièrement les soldats originaires d’Afrique subsaharienne. Ces derniers sont donc transférés en hivernage sur la Côte d’Azur, puis à nouveau envoyés au combat, notamment lors de l’offensive du Chemin des Dames, en avril 1917? [34]. Ces pratiques sont réactivées pendant la Seconde Guerre mondiale : les tirailleurs sénégalais des divisions d’infanterie coloniale sont transférés dans le Sud de la France au début de l’hiver 1939-1940? [35]

Lors de la nouvelle mobilisation de l’Empire, à partir de 1942, le général de Larminat rappelle que « le Noir ne pourra être utilisé qu’en moyenne six mois par an », tout en affirmant « qu’éloigner les Noirs du champ de bataille serait une faute majeure? [36]. Il ne faut donc pas négliger la part de l’expérience. Larminat, par exemple, connaît bien les soldats d’Afrique subsaharienne et a joué un rôle fondamental dans la mise en place, en 1941, des bataillons africains de la colonne Leclerc. Bien des cadres de l’Armée d’Afrique partagent cet avis, comme cet officier de la 9e DIC, qui redoute l’engagement de l’unité en Italie pendant l’hiver 1943-1944 : « La 9e DIC ne peut en raison de sa composante noire être engagée sur un terrain d’opération tel que l’Italie (région froide et humide) sans courir le risque extrêmement grave au point de vue sanitaire et évacuation. Les expériences passées sont formelles. Le dernier exemple : bataillon du 15e RTS en janvier 1943 à Sidi N’Sour en Tunisie, nombreux pieds gelés? [37]

L’effet de l’hiver précoce sur les tirailleurs sénégalais renforce certainement les officiers dans leur conviction que ces soldats résistent mal aux basses températures. Les maladies liées au froid apparaissent très vite : le 27 septembre, 36 tirailleurs sont soignés pour des infections liées au froid, 10 autres sont évacués. Quelques cas de gelures de pieds légères sont mentionnés? [38]. Mais les tirailleurs sénégalais ne sont pas les seuls à souffrir des frimas. Au 4e régiment de tirailleurs marocains, des cas de pieds gelés sont également relevés dès le début du mois d’octobre 1944? [39]. Au cœur de l’hiver 1944-1945, les évacuations pour « pied de tranchée » se comptent par plusieurs dizaines dans toutes les unités de la Première Armée : 492 cas sont par exemple recensés à la 1re DMI (pourtant « blanchie ») entre le 22 janvier et le 4 février 1945? [40]

Toutefois le froid ne saurait être considéré comme une raison de second ordre au « blanchiment ». Les décideurs militaires de 1944 croient réellement au danger de maintenir les tirailleurs sénégalais en ligne en plein hiver. Le général de Gaulle invoque les mêmes raisons lorsqu’il ordonne, en février 1945, le retrait des 1 600 soldats antillais et réunionnais du front? [41]

Pour certains auteurs cependant, c’est surtout l’état d’esprit de ces unités qui constitue un facteur décisif dans la décision de les retirer du front? [42] Qu’en est-il exactement ? Des troupes peu dignes de confiance ?. À l’été 1944, les troupes africaines comme nord-africaines ont une réputation ambiguë. Si leur courage au feu est loué par la hiérarchie militaire, leur indiscipline est largement décriée. Les exactions commises par les goumiers marocains en Italie ont provoqué un véritable scandale? [43]
Les tirailleurs sénégalais de la 9e DIC sont également accusés de viols et de pillages à l’île d’Elbe, mais la polémique reste plus feutrée? [44]. Les troupes « non européennes » sont sous haute surveillance dès lors qu’elles entrent en contact avec la population française, comme en témoigne la lettre du commissaire à la Guerre André Diethelm au général de Lattre de Tassigny, le 18 juillet 1944 : « Le comportement de nos troupes et particulièrement de leurs éléments non européens, a donné lieu, au cours de la campagne d’Italie et de l’opération de l’île d’Elbe, à certaines critiques […]. Il est indispensable que les ordres les plus formels soient donnés pour que de tels incidents […] ne puissent se reproduire au cours des prochaines opérations? [45]. » Ces ordres sont transmis. Le colonel de l’artillerie divisionnaire de la 9e DIC ordonne à ses subalternes de « prévenir le personnel que toute exaction commise en France, vol, viol, etc. sera réprimée immédiatement avec la plus grande rigueur et que les fautifs pris en flagrant délit s’exposent à être fusillés sur le champ? [46]. Certes cela n’empêche pas les rapines, mais les tirailleurs sénégalais sont accueillis avec enthousiasme par la population française.

En réalité, l’autorité militaire redoute surtout les contacts trop étroits avec la population civile, susceptibles, à ses yeux, de nourrir des revendications d’égalité chez les soldats colonisés. Ainsi, le général Brosset regrette « la mauvaise influence qu’exercent sur eux les grandes villes? [47]. Pour l’état-major de l’armée, « le contact étroit et prolongé avec la population française […] a inculqué aux Noirs l’esprit de revendication? [48]. Enfin, le contact avec les femmes métropolitaines brise pour la hiérarchie militaire un tabou colonial, celui de l’accès à la femme blanche? [49]: « La fréquentation de femmes blanches […] a développé en eux le mépris de la race blanche? [50]» La métaphore sexuelle est parfois explicite : un rapport du commandement supérieur des troupes de l’AOF déplore que le « tirailleur sénégalais se “déflore” […] au contact de la Française? [51].

L’automne 1944 et l’hiver 1945 sont marqués par de nombreux incidents chez les tirailleurs sénégalais, en métropole comme en Afrique, dont la révolte des rapatriés du camp de Thiaroye, début décembre 1944? [52]. Cependant, à y regarder de plus près, ces incidents concernent dans leur grande majorité d’anciens prisonniers de guerre, à l’exception toutefois d’une révolte qui éclate à Hyères à la fin du mois de novembre 1944, dans les rangs de rapatriables de la Première Armée? [53]. Les mutinés d’Hyères dénoncent moins les conditions de leur emploi sur le front que celles de leur démobilisation : insuffisance de la nourriture, retrait de leurs uniformes et lenteur de leur rapatriement sont les trois principaux griefs que relève l’administration militaire? [54]. Ainsi, le retrait des troupes noires du front de la Première Armée apparaît comme un mauvais calcul pour maintenir leur moral et leur discipline. Mal équipés, mal nourris, mal encadrés et parfois oisifs, les tirailleurs ont effectivement tendance à émettre des revendications d’ordre matériel (retour rapide en Afrique, amélioration de l’ordinaire).

En outre, sur le front, les hommes se battent avec loyauté et courage, ce que l’administration reconnaît d’ailleurs bien volontiers? [55]. En témoigne le nombre insignifiant de procès et de condamnations concernant le maintien des hommes à leur poste (« abandon de poste », « désertion », « mutilation volontaire ») ou le respect de l’autorité de l’officier – ici le plus souvent « européen » (« outrages », « voies de fait » et « refus d’obéissance ») au sein de la 9e DIC lors de la campagne de l’île d’Elbe. Certes, les sources des procès militaires laissent de côté nombre d’incidents mineurs au sein de l’unité? [56]
Cependant, les chiffres restent éloquents. Toujours à l’île d’Elbe, aucun soldat de la 9e DIC n’a été poursuivi pour abandon de poste ou désertion et un seul homme a été condamné pour refus d’obéissance. Lors de la prise de Toulon (18-28 août 1944), où la 9e DIC s’est battue contre une résistance acharnée, les cas de désertion ou d’abandon de poste sont également insignifiants, puisque seulement deux soldats sont poursuivis pour de tels faits? [57].

Toutefois, il est indéniable que les hommes sont éprouvés. Les unités ont subi de lourdes pertes, en particulier à l’île d’Elbe. Le 4e RTS compte ainsi 171 tués, blessés ou disparus? [58]. Après la bataille de Toulon, le colonel Salan commandant le 6e RTS déplore 463 blessés, tués ou disparus au régiment, soit un sixième de ses effectifs? [59]. De même, la 1re DMI compte de nombreux tués et blessés, notamment au sein de ses bataillons de marche. Enfin, la lassitude des hommes grandit chaque jour, notamment devant le manque de permissions pour l’Afrique. Les soldats d’Afrique sub-saharienne restés sur le front regrettent pour nombre d’entre eux de ne pas obtenir de permissions ou même d’être démobilisés. Ainsi, au 25e bataillon médical, les tirailleurs sénégalais « se considèrent comme brimés de ne pas rentrer eux aussi? [60]. À la 1re DFL, ils auraient atteint un niveau de fatigue physique considérable et n’aspireraient plus qu’à la relève? [61]. Néanmoins, les souffrances physiques ainsi que le mécontentement face aux trop rares permissions touchent également les unités nord-africaines. Ainsi, l’officier des affaires musulmanes du 2e corps d’armée s’inquiète, pour le mois d’octobre 1944, de « l’état d’épuisement physique total? [62]
des tirailleurs algériens, marocains ou tunisiens.

De plus, l’usure des hommes compte sans doute moins dans le processus de décision que le problème politique de l’intégration des FFI dans la Première Armée française.

Une décision sous contrainte

Le retrait des troupes noires du front a lieu de façon quasi concomitante à l’intégration des FFI. Les tirailleurs sénégalais sont remplacés par des résistants. En effet, le Gouvernement provisoire de la République française, s’il avait imaginé le recrutement de volontaires FFI pour pallier les pertes de l’armée à mesure de la libération du territoire, n’avait certainement pas mesuré l’ampleur du phénomène? [63]
Or, il est politiquement nécessaire d’associer les FFI à la libération du territoire et à la lutte contre l’ennemi. Cependant, cette intégration nécessite armement, habillement et ravitaillement.

Le « blanchiment » apparaît ainsi comme un pis-aller, dans l’urgence, afin d’équiper un maximum de combattants FFI. Dès le 1er octobre 1944, le général de Gaulle informe le général Eisenhower qu’il envisage le remplacement des soldats noirs de la 9e DIC (sans évoquer le sort de ceux de la 1re DMI) par des soldats métropolitains? [64]. C’est à cette date que semblent s’amorcer les négociations sur l’équipement de 52 000 FFI qui auraient déjà été (ou seraient en passe d’être) amalgamés au sein de la Première Armée. La question de l’équipement de ces FFI devient alors sujet de négociations entre les Français et les Américains, et notamment avec l’état-major d’Eisenhower (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force, SHAEF), les états-majors combinés (Combined Chiefs of Staff) et le général Devers commandant le 6e groupe d’armées américain dont dépend l’armée française.

L’état-major d’Eisenhower s’agace de ce que le général de Lattre de Tassigny recrute des volontaires FFI qui ne sont pas prévus dans les plans de réarmement, et déclare que l’équipement de troupes supplémentaires ne relève non de sa compétence mais de celle de Washington? [65]. Le 16 octobre, Harold Bull, chef du 3e bureau du SHAEF, s’inquiète du « blanchiment » de la 9e DIC et demande au général Devers « de s’assurer que ce changement n’aura pas pour conséquence la fourniture d’équipements supplémentaires que ce T. O. [théâtre d’opérations] ne peut se permettre? [66]. Le lendemain, les représentants américains acceptent la « substitution de 15 000 FFI blancs aux éléments noirs de la 1re et la 9e division mais, « en ce qui concerne le futur immédiat, la question de la fourniture d’équipement pour les 15 000 FFI blancs substitués aux personnels noir est une question qui doit être gérée par la Première Armée française avec les ressources à sa disposition? [67]. Le SHAEF refuse donc de ravitailler les nouveaux incorporés, mais s’engage en revanche à demander aux états-majors combinés d’équiper les soldats noirs retirés du front? [68]. Dans l’immédiat, les Français sont donc obligés de transférer l’équipement et l’habillement des tirailleurs sénégalais aux recrues FFI.

Les Alliés sont plutôt sceptiques vis-à-vis de la valeur combattive des unités noires. Au moment de la mise sur pied de la 2e DB, le général américain Bedell Smith avait insisté pour que la division soit « rendue blanche à 100 %? [69]. Les Anglo-Américains refusaient en effet que Paris soit libérée par des troupes non blanches et considéraient les Noirs comme incapables de servir dans une unité blindée. Les soldats noirs de la colonne Leclerc furent alors transférés à la 1re DMI, unité d’infanterie. Mais les Américains sont encore plus dubitatifs quant aux qualités guerrières des FFI? [70]. Cependant, ils perçoivent bien l’enjeu politique de l’amalgame et sont donc prêts à accepter l’opération, tout en déplorant la « pression considérable de la part des Français pour recruter du personnel selon leurs désirs? [71]. En revanche, les autorités américaines réclament le renvoi rapide des soldats démobilisés en Afrique du Nord? [72]. Ainsi, Bull écrit le 1er novembre 1944 que les « Sénégalais actuellement concentrés dans le Sud de la France sont un poids administratif pour nos lignes de ravitaillement? [73]

Le retrait des troupes noires de la Première Armée répond indéniablement à des objectifs politiques, c’est-à-dire à l’urgence de l’intégration des FFI au sein de l’armée régulière. Du point de vue de l’opinion publique, tant nationale qu’internationale, il apparaît comme primordial que la France soit libérée par une majorité de combattants métropolitains, et que le pouvoir gaullien ne laisse pas de côté des milliers d’individus armés susceptibles de s’opposer à lui, même si les velléités révolutionnaires du Parti communiste français doivent être relativisées? [74]

Une attention accrue portée aux archives diplomatiques laisse entrevoir une autre donnée du problème : la mise sur pied du Corps expéditionnaire en Extrême-Orient. La question de l’envoi de troupes noires pour rétablir la souveraineté française en Indochine se pose en réalité bien avant le débarquement de Provence.

Des tirailleurs en Indochine

Depuis le début de la guerre, le général de Gaulle a fait du rétablissement de la souveraineté française en Indochine une priorité. Après novembre 1942, l’Indochine est la seule colonie à échapper au pouvoir du CFLN. De plus, l’objectif gaullien de hisser la France au rang de belligérant à part entière contre l’Axe passe par une intervention armée dans le théâtre d’opération asiatique contre le Japon. Restaurer la grandeur de l’Empire et la stature internationale de la France : c’est dire l’importance d’un engagement militaire en Extrême-Orient? [75]. Certes, la libération de la métropole reste prioritaire mais, le 1er mai 1944, le général de Gaulle rappelle que « notre participation effective et par les armes à la libération de la métropole puis de l’Indochine » doit rétablir la France dans « la plénitude de ses droits »? [76].

L’envoi d’un corps expéditionnaire français pour combattre les Japonais aux côtés des Alliés en Extrême-Orient a été envisagé par le Comité de Défense nationale dès le 26 août 1943? [77]. Cette force armée est destinée avant tout à libérer l’Indochine sous domination japonaise, mais son emploi doit être négocié âprement avec les Alliés. Se pose aussi la délicate question de la formation de ces troupes, alors que la métropole est sous occupation allemande et que l’Afrique du Nord est largement ponctionnée en hommes. Le premier plan du Bureau des affaires militaires du commissariat aux colonies envisage l’envoi d’une majorité de soldats issus d’Afrique noire (soit douze bataillons et trois groupes d’artillerie sur vingt bataillons et cinq groupes d’artillerie au total). Les « indigènes » de Madagascar, du Pacifique et des Antilles doivent compléter les effectifs? [78]. La question de l’adaptabilité des combattants noirs à un climat particulier, la brousse tropicale, y est clairement énoncée.

L’emploi de troupes noires pour reconquérir l’Indochine divise au sein du CFLN d’autant que le Comité mesure le développement d’un fort nationalisme antifrançais. Un rapport adressé aux membres du CFLN demande à ce que, pour la reconquête de l’Indochine, « on évite autant que possible d’arriver en Annam pour rétablir le prestige français avec des troupes noires », même si « l’utilisation de ces troupes présenterait un inconvénient moindre au Cambodge et au Laos, et, le cas échéant, pour des opérations au Siam ou en Birmanie »? [79]. Au contraire, Langlade, chef de la Mission française de liaison en Extrême-Orient, se déclare favorable à la présence, dans le corps expéditionnaire, de tirailleurs sénégalais, en déclarant qu’il « n’est pas douteux qu’en face de Noirs […] sous réserve que leur recrutement soit sélectionné, le complexe d’infériorité jouera pour le Nippon. Il sera bon aussi que, par la présence de tels effectifs, l’Annamite prenne conscience de la grandeur de l’Empire? [80]. Certains redoutent en effet que l’engagement d’unités « indigènes » montre l’incapacité des Français à envoyer des soldats métropolitains, quand d’autres présentent cet engagement comme le symbole de la puissance de l’Empire. Jusqu’au printemps 1944 cependant, la mise sur pied du Corps expéditionnaire est mal engagée, faute de moyens. Cette pénurie s’explique par la priorité donnée à cette époque à la libération de la France? [81]

Le débat est toutefois relancé avant même les débarquements de l’été 1944. Daté du 1er mai 1944, un rapport de la direction politique du Commissariat aux affaires étrangères souligne que « l’évolution de la situation en Europe et l’ampleur des préparatifs alliés en vue d’opérations futures dans le Pacifique ont mis l’action de la France en Extrême-Orient, dont le but suprême est la libération de l’Indochine, au premier plan des préoccupations nationales ». Il prévoit, « dès la libération de la France », la mise sur pied d’une deuxième brigade par prélèvement sur « les grandes unités coloniales engagées en France? [82]
. Le 9 septembre 1944, l’envoi de la 9e DIC et de la 1re DMI en Extrême-Orient est envisagé par l’état-major de la Défense nationale? [83]. Le 13 septembre, le Comité de la Défense nationale (CDF) décide de ce transfert, en déclarant que « le personnel noir [Sénégalais], en effet, convient très bien aux opérations d’Extrême-Orient et les Britanniques ont déjà employé des troupes d’Afrique noire en Birmanie? [84]
une décision dont de Gaulle informe le général Eisenhower : « Les Noirs retirés de la 9e DIC seront tout d’abord regroupés dans les arrières de la Première Armée française, puis envoyés dans des garnisons de la côte méditerranéenne pour y être utilisés immédiatement à la constitution d’unités susceptibles de participer en 1945 aux opérations d’Extrême-Orient? [85]

Malgré les plaintes états-uniennes contre le maintien des tirailleurs sénégalais retirés du front dans le Sud de la France, le général Juin, chef d’état-major de la Défense nationale, décide de ne pas les transférer vers l’Afrique? [86]. Il finit par obtenir gain de cause, non sans agacer les autorités alliées? [87]. Dès l’automne 1944, les négociations diplomatiques s’intensifient entre Paris, Londres et Washington au sujet de la participation française à la guerre dans le Pacifique. Finalement, les forces ne sont engagées qu’après la capitulation japonaise : la mission du Corps expéditionnaire devient alors la lutte contre les insurgés du Viêt-minh. Finalement, les troupes sénégalaises en sont exclues jusqu’en 1947. C’est un Corps expéditionnaire entièrement « français » qui débarque en Indochine en 1945? [88]. Deux raisons concourent à faire renoncer le général de Gaulle à l’emploi de tirailleurs sénégalais en Indochine. Les Américains, peu enthousiastes à l’idée d’un retour français en Indochine, rechignent à équiper ces soldats. Entre-temps également, la révolte de Thiaroye (décembre 1944) fait triompher la position selon laquelle il vaut mieux restaurer l’ordre français avec des soldats français. Cependant, les difficultés que rencontre l’armée française en Indochine face à la guérilla viêt-minh après l’échec de la conférence de Fontainebleau et le bombardement d’Haiphong (décembre 1946), et les nombreuses pertes changent la donne. Les engagements volontaires étant trop faibles, la France doit choisir entre l’appel du contingent et l’envoi de troupes indigènes. À partir de 1947, l’Afrique reprend donc son rôle de réservoir humain pour l’armée française : le 1er février 1954, les soldats indigènes africains et nord-africains (essentiellement les tabors marocains) engagés dans le Corps expéditionnaire français sont près de 130 000, soit 43 % de l’effectif? [89].

L’envoi de soldats noirs en Indochine est donc envisagé avant l’urgence de l’amalgame. Cependant, cet envoi reste théorique jusqu’à cette date, du fait de la faiblesse des moyens dont dispose le CFLN et de la priorité donnée à la libération de la métropole. À partir du mois de septembre 1944, l’avancée rapide des troupes alliées en France met le théâtre d’opération asiatique et la libération de l’Indochine au premier plan des préoccupations. Dans la formation du Corps expéditionnaire, le GPRF ne bénéficie que d’une faible marge de manœuvre. Certes, des considérations ethniques héritées de la théorie des « races martiales » sur la valeur combattante des soldats noirs ont pu jouer dans le processus de décision. Cependant, il s’agit aussi d’un choix par défaut : il semble politiquement impensable d’envoyer des jeunes combattants FFI peu instruits en Extrême-Orient alors que la métropole n’est pas encore libérée.

En 1910, Charles Mangin célébrait les troupes noires comme des unités de choc devant être employées sur le front européen? [90]. À veille de la Grande Guerre, les Noirs d’Afrique de l’Ouest sont effectivement considérés comme l’élite des soldats « indigènes »? [91]. Cependant, l’expérience de la Grande Guerre et de la guerre du Rif où les goumiers marocains se sont illustrés et où ont servi bon nombre d’officiers de la Coloniale, ont contribué à modifier les doctrines concernant l’emploi des tirailleurs sénégalais. En 1944, celles-ci sont encore largement imprégnées de la théorie des races martiales, mais le « blanchiment » montre que les soldats noirs n’y sont plus à l’honneur. Le débat autour de l’emploi des tirailleurs sénégalais en Indochine révèle aussi, au moment où l’Empire est menacé par des troubles graves, les tiraillements de l’institution militaire quant à l’utilisation traditionnelle des soldats coloniaux comme bras armé du maintien de l’ordre colonial. Ces tensions subsistent au sein de la hiérarchie militaire. En 1947, le général Juin est hostile à l’envoi de tabors marocains en Indochine compte tenu de l’agitation nationaliste qui règne en Afrique du Nord, et préfère garder ces hommes sur place. Le général Valluy loue au contraire l’emploi de ces guerriers dans les zones montagneuses, en réservant le delta aux tirailleurs sénégalais. Le gouvernement ayant refusé l’allongement de la durée du service militaire ou l’appel au contingent, c’est la seconde option qui triomphe? [92]

[1]Les sources militaires utilisent indifféremment les deux termes, de même que le verbe « blanchir ».
[2] Jacques Frémeaux, « Les contingents impériaux au cœur de la guerre », Histoire, économie et société, 23 (2), 2004, p. 215-233.
[3] La théorie des « races martiales », développée à la fin du 19e siècle, créé en effet une hiérarchie entre les combattants coloniaux selon leurs supposées qualités ataviques. Cette hiérarchie évolue au 20e siècle lors de l’emploi de ces troupes dans les deux conflits mondiaux. Voir, par exemple, Richard S. Fogarty, Race und War in France : Colonial Subjects in the French Army, 1914-1918, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2008.

[4] Gilles Aubagnac, « L’état d’esprit et le moral des troupes noires dans l’armée française en 1944 et en 1945 », in Antoine Champeaux, Éric Deroo et Janos Riesz (dir.), Forces noires des puissances coloniales européennes : actes du colloque organisé les 24 et 25 janvier 2008 à Metz, Paris, Lavauzelle, 2009, p. 187-199 ; id., « État d’esprit et moral des troupes coloniales en 1944-1945 », Les Troupes de marine dans l’armée de terre, un siècle d’histoire, 1900-2000, Paris, Lavauzelle/ CEHD, 2001, p. 183-196 ; id., « L’état d’esprit et le moral des troupes noires de l’été de 1944 au printemps de 1945 », L’Image du soldat colonial, xixe-xxe siècles : actes du colloque organisé par le Centre d’histoire militaire d’études et de la défense nationale, 1997, publié dans Les Cahiers de Montpellier, 37 (1), 1998, p. 115-127 ; id., « Le retrait des troupes noires de la Première Armée à l’automne 1944 », Revue historique des Armées, 2, 1993, p. 34-46.

[5] Jean-François Muracciole, Les Français libres : l’autre résistance, Paris, Hachette, 2009, p. 60-64.
[6] Centre d’histoire et d’étude des troupes d’outre-mer (CHETOM, Fréjus), 16H183, note de l’état-major du général de Lattre de Tassigny, 7 septembre 1944, citée par Gilles Aubagnac, « L’état d’esprit et le moral… », op. cit., p. 189.
[7] Ibid.
[8] Raoul Salan, Mémoires : fin d’un Empire. « Le sens d’un engagement », juin 1889-septembre 1946, Paris, Presses de la Cité, 1970, p. 132.
[9] Service historique de la défense, Direction de l’armée de terre (SHD, DAT, Vincennes), 16H183, note de l’état-major du général de Lattre de Tassigny, 7 septembre 1944.
[10] SHD, DAT 11P7, note de service de la 1re DMI, s. d.

[11] SHD, DAT 11P7, lettre du général Brosset au général de Lattre de Tassigny, 9 octobre 1944.
[12] SHD, DAT 10P308, note du général Goislard de Monsabert au général de Lattre de Tassigny, 2 novembre 1944.
[13] SHD, DAT 12P264, journal de marche du 1er bataillon du 13e RTS, 4 octobre 1944.
[14] SHD, DAT 11P147, situation de la 9e DIC arrêtée au 8 octobre 1944.
[15] SHD, DAT 12P261, journal de marche et d’opérations du 4e RTS, p. 43-44.
[16] Myron Echenberg, Les Tirailleurs sénégalais…, op. cit., p. 250.

[17] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, t. III : Le Salut (1944-1946), Paris, Plon, 1959, p. 32.
[18] Jean de Lattre de Tassigny, Histoire de la Première Armée Rhin et Danube, Paris, Presses de la Cité, 1946, 1971, p. 209.
[19] SHD, DAT 10P76, note sur la relève des Sénégalais dans les unités coloniales, 19 septembre 1944.
[20] National Archives and Records Administration (NARA, College Park Maryland), Records of Allied Operational and Occupation Headquarters, World War II (RG) 331, entry 140A, box 187, message du major-général David Barr du 6e groupe d’armées au commandant en chef des forces expéditionnaires, 19 octobre 1944.
[21] SHD, DAT 11P7, lettre du général Brosset au général de Lattre de Tassigny, 9 octobre 1944.

[22] SHD, DAT 11P147, situation de la 9e DIC arrêtée au 8 octobre 1944.
[23] SHD, DAT 10P77, message du général de Lattre de Tassigny, 28 novembre 1944.
[24] CHETOM, 15H154, allocution prononcée par le lieutenant-colonel Gauvin devant le bataillon de Guyenne, le 9 octobre 1944.
[25] SHD, DAT 12P261, journal de marche du 4e RTS, p. 43-44.
[26] Archives de l’Ordre de la Libération (Paris), dossier « Brosset », lettre du général Brosset au général de Lattre de Tassigny, 1er octobre 1944.

[27] SHD, DAT 11P7, lettre du général Brosset au général de Lattre de Tassigny, 9 octobre 1944.
[28] SHD, DAT, 11P7, projet sans date, 1re DMI.
[29] « Ils ne gardent que leurs souliers, des sous-vêtements de laine, un pantalon, une veste de combat, et une couverture. » (Ibid.)
[30] CHETOM, 5H16, une note de la Direction des affaires militaires évoque une « récupération brutale de l’habillement et de l’équipement des indigènes retirés de la Première Armée », 26 février 1945.
[31] SHD DAT 4Q2, rapport de l’inspection des formations coloniales du territoire des 8e, 14e, 15e et 16e régions militaires, lieutenant-colonel Perrier, 10 décembre 1944.

[32] Les régions militaires de Paris, Nancy et Dijon rechignent dans un premier temps à fournir l’habillement nécessaire aux tirailleurs sénégalais retirés du front. (SHD, DAT 10P76, télégramme du général de Lattre de Tassigny à la Défense nationale, 21 octobre 1944)
[33] Le général de Gaulle, dans ses mémoires, parle de « l’hiver des Vosges [qui] comportait des risques pour l’état sanitaire des Noirs » (Mémoires…, op. cit., p. 32). De Lattre de Tassigny mentionne les « troupes de couleur incapables de supporter les rigueurs de l’hiver continental » (Histoire de la Première Armée…, op. cit., p. 209). Enfin, le colonel Salan, commandant le 6e RTS, évoque le froid « que nos braves tirailleurs ne peuvent supporter » (Mémoires…, op. cit., p. 132).

[34] Richard S. Fogarty, Race und War…, op. cit., p. 88. Voir également Jacques Frémeaux, Les Colonies dans la Grande Guerre : combats et épreuves des peuples d’Outre-Mer, Paris, 14-18 Éditions, 2006.
[35] SHD, DAT 9N268, « La participation à la campagne de 1939-1940 des unités sénégalaises, note du général Blaizot, 20 février 1941 », cité par Eugène Duval, L’Épopée des tirailleurs sénégalais, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 243.
[36] SHD, DAT, 2Q1*, note du général de Larminat pour le comité permanent sur l’organisation générale des forces françaises, 20 juillet 1943, citée par Julie Le Gac, Vaincre sans gloire : le corps expéditionnaire en Italie (novembre 1942-juillet 1944), Paris, Les Belles Lettres, 2013, p. 116.

[37] Cité par Gilles Aubagnac, « L’état d’esprit et le moral… », op. cit., p. 189.
[38] SHD, DAT, 11P162, journal de marches et d’opérations du service de santé de la 9e DIC.
[39] SHD, DAT, 12P70, compte rendu du 3e bataillon du 3e RTM pour la journée du 8 octobre 1944.
[40] SHD, DAT 10P350, totalisation des pertes du 2e corps d’armée entre le 22 janvier et le 4 février 1945.
[41] SHD, DAT 7P74, note de service au sujet de la relève des militaires originaires des vieilles colonies, 15 février 1945.

[42] Julien Fargettas reprend cette hypothèse de Gilles Aubagnac dans Les Tirailleurs sénégalais : les soldats noirs entre légendes et réalités (1939-1945), Paris, Tallandier, 2012, p. 257.
[43] Voir à ce sujet Julie Le Gac, Vaincre sans gloire…, op. cit. ; Tommaso Baris « Le Corps expéditionnaire français en Italie », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 93, janvier-mars 2007, p. 47-61.
[44] Cent quatre-vingt-onze cas de violences sexuelles ont été rapportés aux gendarmes italiens (Tommaso Baris, « Le corps expéditionnaire français en Italie », op. cit., p. 57).
[45] SHD, DAT 11P152, lettre du commissaire à la guerre André Diethelm au général de Lattre de Tassigny, 18 juillet 1944.

[46] SHD, DAT 11P152, liste des questions à traiter, artillerie divisionnaire de la 9e DIC, s. d.
[47] SHD, DAT 11P7, projet de la 1re DMI adressé au général de Lattre de Tassigny, s. d.
[48] SHD, DAT 5H16, note au sujet des incidents survenus récemment au sein des unités de tirailleurs sénégalais, 21 février 1945.
[49] Sur les femmes et les relations de genre en situation coloniale, voir Pascale Barthélémy, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Anne Hugon (dir.), Histoire des femmes en situation coloniale : Afrique et Asie, xxe siècle, Paris, Karthala, 2004 ; Ann-Laura Stoler, La Chair de l’Empire : savoirs intimes et pouvoirs raciaux en régime colonial, Paris, La Découverte, 2013 ; Christelle Taraud, La Prostitution coloniale : Algérie, Maroc, Tunisie, 1830-1962, Paris, Payot, 2003.

[50] SHD, DAT, 5H16, note au sujet des incidents survenus récemment au sein des unités de tirailleurs sénégalais, s. d.
[51] SHD, DAT 4Q5, « Ce que pourrait être l’Armée d’Outre-Mer », anonyme, transmis le 15 novembre 1944.
[52] Voir, à ce sujet, Julien Fargettas, « La révolte des tirailleurs sénégalais de Tiaroye », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 92, octobre-décembre 2006, p. 117-130.
[53] SHD, DAT 5H16, note au sujet des incidents survenus récemment au sein des unités de tirailleurs sénégalais, 21 février 1945.

[54] Ibid.
[55] SHD, DAT 4Q8, lettre du ministre des Colonies au président du Conseil de la défense nationale, 22 décembre 1944.
[56] Emmanuel Saint-Fuscien, À vos ordres ? La relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre, Paris, Éd. de l’EHESS, 2011, p. 138-139.
[57] Dépôt central d’archives de la justice militaire (DCAJ, Le Blanc), minutiers des procès de la 9e DIC, 1944-1945.
[58] SHD, DAT 12P261, liste nominative des tués, blessés et disparus au cours des opérations de l’île d’Elbe, 4e RTS.

[59] SHD, DAT 12P262, lettre du colonel Salan, 1er septembre 1944.
[60] SHD, DAT 10P223, rapport sur le moral des unités de la Première Armée française, 4 janvier 1945.
[61] SHD, DAT 11P10, synthèse des rapports sur le moral de la troupe, 1re DFL, 10 octobre 1944.
[62] SHD, DAT 11P61, synthèse sur le moral des soldats indigènes pour le mois d’octobre 1944.
[63] Voir, en particulier, un projet du 19 août 1943 sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration dans les territoires libérés, ainsi qu’une note de l’état-major général guerre du 16 mars 1944 qui introduit la notion de mobilisation partielle pour « entretenir les effectifs des forces expéditionnaires françaises », cités par Roger Michalon, « L’amalgame FFI – 1re Armée et 2e DB », in Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, La Libération de la France : actes du colloque international tenu à Paris du 28 au 31 octobre 1974, Paris, CNRS éditions, 1976, p. 593-685, p. 601.
[64] Archives nationales (AN), 3AG4-74, lettre du général de Gaulle au général Eisenhower, 1er octobre 1944.

[65] NARA, RG 331, entry 140A, box 187, message du chef d’état-major de SHAEF Smith au général Devers commandant le 6e groupe d’armées, au sujet de l’équipement de 52 000 FFI pour l’armée française, 11 octobre 1944.
[66] NARA, RG 331, entry 2, box 10, fiche de Harold Bull, adressé au chef d’état-major de SHAEF, 16 octobre 1944.
[67] Ibid.
[68] NARA, RG 331, entry 2, box 10, mémorandum de Jenkins, chef d’état-major du 6e groupe d’armées, 19 octobre 1944.

[69] Olivier Wieviorka, Histoire du débarquement en Normandie : des origines à la libération de Paris, 1941-1944, Paris, Éd. du Seuil, 2007, p. 364.
[70] NARA, RG 331, entry 140A, box 187, message du major-général David Barr au général Eisenhower au sujet de l’équipement de 52 000 FFI pour l’armée française, 19 octobre 1944.
[71] NARA, RG 331, entry 140A, box 187, message du chef d’état-major de SHAEF Smith au général Devers commandant le 6e groupe d’armées, au sujet de l’équipement de 52 000 FFI pour l’armée française, 11 octobre 1944.

[72] NARA, RG 331, entry 240D, box 10, lettre du 6e groupe d’armée, 27 octobre 1944.
[73] NARA, RG 331, entry 2, box 110, télégramme de Harold Bull à l’Allied Force Headquarter (AFHQ), le 1er novembre 1944.
[74] Voir, à ce sujet, Philippe Buton, Des lendemains qui déchantent : le Parti communiste à la libération, Paris, Presses de Sciences Po, 1993 ; Olivier Wieviorka, « Guerre civile à la française ? Le cas des années sombres (1940-1945) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 85, janvier-mars 2005, p. 5-19.
[75] Sur la guerre d’Indochine et ses prémisses, voir Jacques Dalloz, La Guerre d’Indochine, 1945-1954, Paris, Éd. du Seuil, 1987 ; Pierre Brocheux (dir.), Du conflit d’Indochine aux conflits indochinois, Bruxelles, Complexe, 2000.

[76] Note au sujet de la France dans le Pacifique, Direction des affaires politiques du Commissariat aux affaires étrangères, 1er mai 1944, cité par Frédéric Turpin, De Gaulle, les gaullistes et l’Indochine, 1940-1956, Paris, Les Indes savantes, 2005, p. 45.
[77] Lettre du général Blaizot au président du Centre de la Défense nationale, 12 avril 1944, cité par ibid., p. 65.
[78] Ministère des Affaires étrangères (MAE, La Courneuve) 662, note du Bureau des affaires militaires du Commissariat aux colonies, août 1943.

[79] MAE, 1476, papiers Massigli, rapport aux membres du Comité de la Libération nationale sur les mesures à prendre en vue de la reconquête de l’Indochine, s. d.
[80] MAE 673, rapport du chef d’escadron Langlade, chef de la Mission française de liaison en Extrême-Orient, 17 août 1944.
[81] Frédéric Turpin, De Gaulle…, op. cit., p. 66.
[82] MAE, 661, note de la direction politique des affaires étrangères, « La France devant le problème du Pacifique », 1er mai 1944.

[83] SHD, DAT 2Q3, décisions à faire prendre à la prochaine réunion du Comité de la Défense nationale, 9 septembre 1944.
[84] SHD, DAT 2Q3, décisions prises à la séance du Comité de la Défense nationale du 13 septembre 1944, 15 septembre 1944.
[85] AN, 3AG4-74, lettre du général de Gaulle au général Eisenhower, 1er octobre 1944.
[86] NARA, RG 331, entry 2, box 110, lettre du général Juin au chef de la Mission France de SHAEF, 6 novembre 1944.
[87] NARA, RG 331, entry 2, box 110, télégramme de Harold Bull à la Mission France de SHAEF, 12 novembre 1944.
[88] Michel Bodin, Les Africains dans la guerre d’Indochine, 1947-1954, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 6-7.
[89] Ibid., p. 11-12.

[90] Charles Mangin, La Force noire, Paris, Hachette, 1910.
[91] Richard S. Fogarty, Race und War…, op. cit., p. 83.
[92] Daniel Sornat, Les Goumiers marocains dans la bataille (1948-1951), Sceaux, L’Esprit du livre, 2009, p. 22-23.

Source : CAIRN

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