Algérie, Turquie, Abdelmadjid Tebboune, Tayyip Erdogan,
– La vision de la Nouvelle Algérie s’effectue autour de trois grands domaines : soutenir la production et encourager l’investissement, lutter contre la corruption et s’ouvrir sur le monde extérieur.
AA/Istanbul/Prof. Dr. Enver Arpa
La visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune en Turquie a suscité un grand intérêt dans les médias turcs et étrangers. La coopération de ces deux pays influents du bassin méditerranéen est considérée comme un facteur important dans la solution de divers problèmes régionaux tels que la Libye, le Sahara occidental et la Méditerranée orientale. La vision de la « nouvelle Algérie » mise en avant par Abdelmadjid Tebboune est l’une des raisons importantes de cet intérêt pour le gouvernement algérien. Rappelons qu’il a concouru avec le slogan « Changement » lors des élections du 12 décembre 2019 et a remporté la présidence avec 58 % des voix.
Les liens historiques sont également une source importante de motivation pour le développement de cette union. C’est pourquoi il existe une forte volonté de faire avancer les relations dans les deux pays. D’autre part, il est essentiel que les institutions et organisations prennent les mesures nécessaires pour alimenter ces relations à temps.
-La nouvelle vision algérienne
Le président Tebboune et son gouvernement ont commencé à souffler un vent de changement dans le pays dans cette nouvelle période. Kamel Rezig, ministre du Commerce, que nous avons rencontré lors de notre voyage en Algérie en février dernier, a déclaré soumettre l’Algérie à un changement global avec la vision de la « Nouvelle Algérie » qu’ils ont récemment mise en avant. Puis, il a affirmé vouloir ouvrir le pays sur le monde et renforcer ses relations tant avec les pays de la région qu’avec le monde extérieur. Rezig a souligné qu’ils souhaitaient établir des relations plus chaleureuses, en particulier avec les pays arabes et islamiques.
Dans les réunions tenues avec Kamel Rezig et les administrateurs d’autres institutions et organisations, de nombreux signes témoignent de cette nouvelle vision mise en avant par Tebboune et son gouvernement. Un changement politique important s’opère sous le nom de « Nouvelle Algérie » dans de nombreuses régions du pays. Cette nouvelle image s’effectue autour de trois grands domaines : soutenir la production et encourager l’investissement, lutter contre la corruption et s’ouvrir sur le monde extérieur. Le gouvernement algérien est conscient que le soutien à la production dans le pays est important pour l’économie. C’est pourquoi de nombreuses mesures encourageantes, notamment des réductions d’impôts, ont été prises. Par conséquent, le président Tebboune met en garde les gouverneurs et les autres institutions concernées sur cette question à chaque occasion.
En outre, la corruption est une question problématique qui a été exprimée et auquel presque toutes les régions du pays ont répondu depuis longtemps. Ce point est un handicap important en termes d’investissements étrangers ainsi que locaux. Par conséquent, le gouvernement de Tebboune recourt à diverses mesures pour éliminer les effets négatifs de cette situation. Par exemple, il a été rapporté dans la presse que de nombreuses personnes dans le pays étaient détenues pour corruption. Par la suite, Tebboune a parlé pour la première fois en février des investissements en chute libre et de la perte du pays pendant la période Bouteflika. Cette critique du gouvernement de l’ancien président, dont il a également été ministre, peut être lue comme la preuve que Tebboune voulait se pencher sur cette question. Dans son discours adressé à la communauté algérienne lors de sa visite au Koweït le 23 février 2022, Tebboune a déclaré que la rhétorique « Nouvelle Algérie » ne doit pas être perçue comme de nouveaux peuples ou de nouveaux ministres, et a insisté sur le fait que ce qu’il entendait par là était de développer une nouvelle compréhension, une nouvelle attitude et pour construire une nouvelle Algérie.
La troisième question dont Tebboune se soucie dans sa nouvelle perception de l’Algérie est celle des relations extérieures. Il est fréquemment affirmé que l’Algérie a perdu son influence dans le monde et dans la région ces dernières années en raison de la faiblesse de l’administration due à la maladie de Bouteflika et à certains problèmes internes. Après sa présidence, Tebboune vise à ramener l’Algérie à la position influente qu’elle avait autrefois. À cette fin, il attache de l’importance à la revitalisation de ses relations bilatérales avec les pays régionaux et non-régionaux.
-Les relations avec la Turquie
Il ne fait aucun doute que dans la vision de la « nouvelle Algérie » une importance stratégique particulière est attachée aux relations avec la Turquie, actuellement le premier pays investisseur en Algérie avec sa part d’investissement de plus de 5 milliards de dollars. L’administration algérienne exprime à chaque occasion sa satisfaction de la présence turque dans le pays. « L’Algérie entretient d’excellentes relations avec les Turcs qui ont investi 5 milliards de dollars sans faire aucune contrepartie politique. Ceux qui sont mal à l’aise avec ces relations devraient venir investir chez nous », a déclaré le président Tebboune, dans une interview donnée au magazine français Le Point en mai 2021. Il a également fait référence à la plainte de la France concernant la présence turque en Algérie.
La Turquie est actuellement le plus grand pays investisseur en Algérie, avec une part d’investissement de plus de 5 milliards de dollars.
Autre indicateur de la dimension stratégique que l’Algérie veut apporter à ses relations, le ministre du Commerce Kamel Rezig a proposé, à la fin de l’année dernière, d’entrer sur le marché international en créant des sociétés multilatérales lors de sa rencontre avec Mahinur Özdemir Göktaş, ambassadrice de Turquie en Algérie. Lors de cette visite en février, le ministre Rezig a souligné une fois de plus que les relations avec la Turquie devaient acquérir une dimension stratégique en dehors de l’achat et de la vente classiques de marchandises.
On sait que la Turquie attache de l’importance aux relations avec l’Etat algérien. La visite du président Recep Tayyip Erdogan en Algérie en février 2018 et janvier 2020, à deux ans d’intervalle, est un signe de cette sollicitude. De plus, le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu s’est rendu en Algérie pendant trois années consécutives en 2019, 2020 et 2021, accélérant les relations entre les deux pays. Tous ces efforts ont porté leurs fruits et lors de la visite du président turc en Algérie en 2020, la décision de créer un « Conseil de coopération du haut niveau » a été prise et un forum d’affaires a été organisé avec la participation d’hommes d’affaires des deux pays.
Lors des réunions tenues au niveau des institutions publiques et des organisations et institutions liées à la recherche stratégique, la nécessité de donner une profondeur stratégique aux relations des deux pays, dont les approches d’une partie importante des problèmes mondiaux et régionaux, a été soulignée. Le ministre algérien du Commerce Rezig a souligné qu’avec la loi d’encouragement à l’investissement, qui devrait être promulguée prochainement, des avantages significatifs seront fournis aux hommes d’affaires et a exprimé son espoir dans cette direction. Il a affirmé que cette loi offrira d’importantes opportunités d’investissement au monde des affaires, qu’elle facilitera aux hommes d’affaires des deux pays la réalisation d’activités commerciales conjointes vers le continent africain, que l’Algérie souhaite bénéficier du réseau de la Turquie en termes d’ouverture à tant en Afrique qu’en Asie, et a révélé la dimension stratégique de son attente.
-Nouvelles étapes dans les relations bilatérales
A la lumière de ces développements, on peut dire que par rapport aux relations dans le passé, qui étaient sous l’influence de l’ombre française, il y a aujourd’hui une atmosphère positive dans les relations turco-algérienne. On sait que le lobby français est influent depuis longtemps dans le pays et cela a été un frein au développement des relations Turquie-Algérie. La tendance nationale en développement dans le pays sous la direction d’Abdelmadjid Tebboune est une opportunité importante dans le contexte des relations entre les deux pays. L’Algérie s’efforce de diversifier sa relation unipolaire de longue date avec Tebboune. La visite présidentielle de Tebboune en Turquie après 17 ans est importante à cet égard. Les accords conclus lors de la visite, les objectifs fixés et l’intention de coopération ont élevé les relations entre les deux pays au niveau d’un partenariat stratégique. En regardant le contenu des accords, on peut voir qu’il ne s’agit pas d’accords classiques, au contraire, ils ajoutent une profondeur aux relations bilatérales.
Par rapport aux relations dans le passé, qui étaient sous l’influence française, il y a une atmosphère positive dans les relations Turquie-Algérie.
L’ouverture d’une école turque par la Fondation Maarif et d’un Centre culturel turc par la Fondation Yunus Emre en Algérie peut être comptée parmi les indicateurs importants de la distance parcourue dans les relations entre l’Algérie et la Turquie, qui a jusqu’à présent affiché une position très stricte sur ces questions. La coopération entre les deux pays sur les questions régionales apportera également une contribution importante à la paix régionale.
Pour conclure, il y a une forte volonté de faire avancer les relations dans les deux pays ; les liens historiques sont également une source importante de motivation pour le développement de cette union. C’est pourquoi il existe une forte volonté de faire avancer les relations entre les deux pays. D’autre part, il est essentiel que les institutions et organisations prennent les mesures nécessaires pour alimenter ces relations à temps. La coopération de ces deux importants pays méditerranéens, qui ont une tradition de médiation efficace et forte, c’est une occasion importante de résoudre les problèmes régionaux, d’atténuer la crise mondiale dans le domaine de l’énergie, de lutter contre le terrorisme qui menace la région et de résoudre des problèmes complexes tels que la Libye, la Tunisie et la Palestine.
[Le Prof. Dr. Enver Arpa est le directeur de l’Institut d’études régionales de l’ASBU.]
*Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l’agence Anadolu.
Anadolou, 26 mai 2022
Soyez le premier à commenter