Le Conseil de Sécurité divisé sur le Sahara Occidental

Le Conseil de Sécurité divisé sur le Sahara Occidental -Le Conseil de sécurité proroge le mandat de la Mission des Nations Unies au Sahara occidental, en adoptant la résolution 2602 (2021) par 13 voix pour et 2 abstentions.

Le Conseil de sécurité a décidé aujourd’hui de proroger le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu’au 31 octobre 2022, soulignant la nécessité d’une solution politique réaliste, pratique, durable et mutuellement acceptable fondée sur un compromis pour la région.

Adoptant la résolution 2602 (2021) (à publier sous la cote S/RES/2602 ) par 13 voix contre zéro, avec 2 abstentions (Fédération de Russie, Tunisie), l’organe de 15 membres a appelé les parties à reprendre les négociations sans conditions préalables et de bonne foi, compte tenu des efforts déployés depuis 2006 et des développements ultérieurs, en vue de parvenir à une solution politique juste et durable prévoyant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.

Suite au texte présenté par les États-Unis, le Conseil a appelé les parties à se conformer pleinement aux accords militaires conclus avec la MINURSO concernant le cessez-le-feu, à mettre en œuvre leurs engagements envers l’ancien Envoyé personnel et à s’abstenir de toute action qui pourrait saper les négociations facilitées par l’ONU ou déstabiliser la situation au Sahara occidental.

S’exprimant après le vote, Richard M. Mills, Jr. (États-Unis) a appelé les parties à œuvrer à la désescalade des tensions, les exhortant à s’engager de bonne foi avec Staffan de Mistura, le nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général, pour le coin d’une solution juste et mutuellement acceptable. Son pays continuera à se consulter en privé pour parvenir à une solution basée sur un compromis, a-t-il déclaré, encourageant les autres parties concernées à s’engager dans un dialogue constructif.

De même, Martin Kimani (Kenya), président du Conseil pour octobre, s’exprimant en sa capacité nationale, a noté que la résolution apporte un soutien total à M. de Mistura pour redynamiser le processus d’autodétermination au Sahara occidental. Ajoutant que le langage de la résolution aurait pu être plus fort sur l’objectif du référendum, il a appelé le Conseil à revenir à la formulation originale du processus.

Nicolas de Rivière (France) a souligné que la MINURSO joue un rôle essentiel dans la stabilité du Sahara occidental, promettant également le soutien de son pays au nouvel envoyé. Zhang Jun (Chine) a encouragé le nouvel Envoyé à faire avancer le processus politique, ajoutant que son pays continuerait d’avoir une position objective et juste sur la question.

Juan Ramón de la Fuente Ramírez (Mexique) a regretté l’absence de discussion sur des propositions d’informations plus fréquentes, compte tenu de la détérioration de la situation sur le terrain, de la rupture du cessez-le-feu et de la dégradation des conditions des droits de l’homme. De même, Dinh Quy Dang (Viet Nam) a déclaré avoir voté en faveur de la résolution mais a estimé qu’elle aurait pu être plus équilibrée pour mieux refléter la situation sur le terrain.

Dimitri A. Polyanskiy (Fédération de Russie) déclare s’être abstenu lors du vote, les propositions de sa délégation n’ayant pas été prises en compte lors des discussions. Ce texte n’aidera pas le nouvel Envoyé à reprendre les négociations vers l’autodétermination, a-t-il déclaré, déplorant que le libellé de la résolution remplace les paramètres convenus au niveau international par des mots généraux sur des approches et des compromis réalistes.

La réunion a commencé à 10h34 et s’est terminée à 10h56

UN Press, 29/10/2021

Opinion d’un expert du groupe ICG sur la question:

Le vote était prévu mercredi et a été repoussé à vendredi en raison des divisions au sein du Conseil de Sécurité. Selon Ricardo Fabiani, directeur de programme Afrique du nord à International Crisis group, «  le blocage est dû à des désaccords entre les Etats-Unis, d’un côté, principal rédacteur de la résolution pour le renouvellement de la mission de la MINURSO, et de l’autre côté, de la Russie, soutenue par le Kenya. La division entre les deux groupes est plutôt liée au langage qui devrait être utilisé. Les Etats-Unis veulent garder le niveau d’intérêt du Conseil de Sécurité à une réunion par an. De l’autre côté la Russie et les pays africains voudraient voir des discussions plus fréquentes  ».

Dans un entretien accordé à RFI, Fabiani a indiqué que «  la deuxième question est celle liée à la nécessité de trouver un «  compromis réaliste  », une référence qui est plutôt une acceptation implicite de la position marocaine  ». Il signale que «  là, la Russie et les pays africains veulent mettre en exergue le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, une référence à la position du Front Polisario  ».

Pour lui, il y aura «  probablement  (…) une abstention de la part de la Russie et du Kenya et de quelques pays africains  ».

C’est dans ce contexte que Staffan de Mistura devra prendre ses fonctions d’envoyé personnel d’Antonio Guterres dont la mission s’avère extrêmement difficile, «  notamment du fait qu’il n’y a pas de véritable message de soutien ouvert et claire de la part du Conseil de Sécurité  » au diplomate italo-suédois. «  Le fait qu’il y a des divisions est déjà un mauvais signal parce que c’est une façon de montrer au Maroc et au Polisario qu’il n’y a aucun consensus au sein de la communauté internationale. Donc, que l’envoyé est donc faible  », affirme-t-il.

D’après Fabiani, «  rétablir le cessez-le-feu est impossible dans les conditions actuelles parce que le Maroc est présent militairement dans les zones qui séparent les deux belligérants et qui sont censées être contrôlées et vérifiées par l’ONU. La présence du Maroc dans cette zone tampon est une violation du cessez-le-feu. De l’autre côté, le Polisario n’a pas d’intérêt à rétablit le cessez-le-feu. Pour lui,  il s’agit d’abord de mettre fin au black-out qui a perduré pendant les derniers 10 à 15 ans  ». Les médias internationaux, les puissances étrangères avaient presque arrêté d’en parler. C’était une guerre qui était suspendue, qui ne posait pas de problème ou de risque. Deuxièmement, il y a la question de la jeunesse, la légitimité, la popularité du Polisario. Pendant toutes ces années, le Polisario a été sous la pression de la jeunesse sahraouie qui est devenu plutôt sceptique. Une jeunesse qui s’est éloigné de la diplomatie, de la possibilité d’arriver à un compromis. Donc, pour le Polisario, ce retour à la guerre est une façon de défendre sa légitimité, sa popularité dans les camps  ».

Dans une note publiée récemment, Ricardo Fabiani s’inquiétait de l’escalade possible de ce conflit , pour l’instant, de basse intensité. L’escalade, selon lui, est une possibilité liée, maintenant, surtout à la question des tensions qui continuent de monter entre l’Algérie et le Maroc. «  On a vu, dans les derniers mois, que l’Algérie a pris une position de plus en plus on dirait presque agressive. Tout cela semble indiquer que la question du  Sahara Occidental pourrait devenir un espace où les deux pays pourraient arriver à un conflit ouvert le long de la frontière algéro-marocaine  », dit-il.

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