La French Connection. En 2015, la France a accepté de fournir deux porte-avions à la Russie. Paris n’a annulé l’accord qu’après une pression soutenue des alliés.
Le gouvernement français dénonce amèrement la décision de l’Australie d’acheter des sous-marins nucléaires aux États-Unis et à la Grande-Bretagne. L’annulation d’une vente de sous-marins conventionnels français à Canberra en est l’une des conséquences.
L’indignation française n’est pas vraiment justifiée. La France se distingue comme une nation nationaliste, avec des insécurités particulières. En 2015, la France a accepté de fournir deux porte-avions à la Russie. Paris n’a annulé l’accord qu’après une pression soutenue des alliés.
En 2019, le président français Emmanuel Macron a fait une déclaration spectaculaire en faveur de l’indépendance européenne vis-à-vis de l’OTAN, et des États-Unis. Il préférait plutôt une organisation militaire européenne, accompagnée d’un rôle diplomatique distinct dans le monde.
Ce rêve, comme d’autres de la part des dirigeants français, n’est pas devenu réalité.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la France a suivi un rôle singulièrement indépendant vis-à-vis de l’Europe et surtout des États-Unis, notamment après l’accession à la présidence du général Charles de Gaulle à la fin des années 1950. Au milieu de désaccords et d’une acrimonie croissants, la France a exigé en 1966 que l’OTAN quitte le pays. Le siège de l’Alliance est transféré en Belgique. En 2009, la France a repris sa pleine participation à l’alliance.
La rupture avec l’OTAN était au cœur de la stratégie du président de Gaulle. Le chef dévoué de la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale est revenu à la tête du pays à une époque de crise extrêmement grave et d’anxiété publique. La défaite face à l’Allemagne, puis à nouveau en 1954 face aux révolutionnaires communistes d’Indochine, une autre guerre épuisante en Algérie et le caractère tournant des gouvernements d’après-guerre ont contribué à donner l’impression que la France était un membre de l’alliance atlantique gravement perturbé.
Après son retour au pouvoir, le général de Gaulle a habilement mis en œuvre une stratégie à trois volets : image, institutions et politique étrangère. Sa carrière et sa personnalité remarquables lui permettent de faire appel simultanément aux traditions françaises de monarchisme, de patriotisme et de populisme. Il apparaît distant et se montre souvent impérieux, mais utilise également les référendums populaires.
De Gaulle établit la Cinquième République, y compris une nouvelle constitution accordant un pouvoir exécutif exceptionnel au président. Il redonne confiance aux Français en mettant l’accent sur la « force de frappe », la force nucléaire nationale indépendante, et sur la diplomatie. La dissuasion nucléaire devient un puissant symbole de fierté et d’indépendance nationales.
À l’exception de la Grande-Bretagne, un partenaire spécial unique, les États-Unis se sont opposés au développement d’armes nucléaires par d’autres nations. L’administration Kennedy s’est affirmée par rapport à l’administration Eisenhower, non conflictuelle, en faisant pression sur la politique américaine en Europe. L’affrontement qui en a résulté entre JFK et de Gaulle a donné lieu à un théâtre politique dramatique, mettant en scène des personnalités intrigantes, mais reposant également sur des différences politiques profondes, contrairement à aujourd’hui.
En même temps qu’il rejoignait l’OTAN, le gouvernement français annonçait une compensation financière pour les personnes souffrant de problèmes de santé dus aux essais nucléaires effectués par la France dans l’atmosphère. Auparavant, on hésitait même à reconnaître l’existence de risques sanitaires importants.
L’héritage de De Gaulle comprend les puissantes institutions politiques d’aujourd’hui et la capacité de soutenir l’OTAN à partir d’une position de force. Après les attaques terroristes du 11 septembre, les avions français se sont joints aux autres pour patrouiller l’espace aérien nord-américain. Les troupes françaises ont réussi à apporter la stabilité au Mali et dans d’autres régions d’Afrique.
En 1991, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a vu le jour. La France est l’un des principaux fondateurs de cet effort visant à stimuler les investissements en Europe de l’Est. La Banque est aujourd’hui fermement établie comme un puissant moteur d’intégration économique.
Contrairement à l’époque de la guerre froide, de puissantes incitations économiques permettent aux capitaux d’investissement de traverser les frontières et l’Atlantique. Gardez ce contexte à l’esprit en ce qui concerne les « crises ».
Arthur I. Cyr
Arthur I. Cyr (acyr@carthage.edu) est Clausen Distinguished Professor au Carthage College dans le Wisconsin et auteur de « After the Cold War » (NYU Press et Palgrave/Macmillan).
The Korea Times, 17/10/2021
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