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Il y a une année, les Emirats et le Bahreïn décidaient d’ouvrir des canaux diplomatiques officiels avec Israël, emboitant le pas à l’Egypte et la Jordanie. Trois mois après, ils étaient suivis par le Maroc, provoquant des développements menaçants au Maghreb et un séisme dans le bilatéral déjà précaire entre Alger et Rabat…
Par Lyes Sakhi
Lundi, 13 septembre, les ambassadeurs aux Nations unies d’Israël, des Emirats, du Bahreïn et du Maroc ont célébré deux jours avant le premier anniversaire de la signature des accords dits d’Abraham. L’évènement a été organisé par la mission israélienne auprès de l’ONU au Musée du patrimoine juif de Manhattan. Il s’est déroulé en l’absence du représentant du Soudan signataire lui aussi d’un accord de normalisation qui attend sa ratification par son parlement, mais en présence du numéro deux de la représentation diplomatique omanaise auprès de l’ONU, Ahmed Dawood Ali Al-Zadjal. Mascate n’a pas encore de relations diplomatiques officielles avec l’Etat hébreu, mais les deux parties échangent régulièrement sur différents dossiers notamment sensibles tels que la sécurité et l’antiterrorisme.
L’aspect remarquable lors de cette cérémonie a résidé dans la déclaration de l’ambassadrice des Etats-Unis auprès de l’Organisation internationale multilatérale.
Linda Thomas-Greenfield a félicité les parties prenantes aux accords dits d’Abraham pour avoir transformé «l’encre sur une page en achèvements concrets entre les pays».
Elle a salué l’ouverture réciproques d’ambassades, les nominations de diplomates et la mise en service de liaisons aériennes directes entre ces parties. Elle s’est surtout engagée à travailler au «développement» des accords existants et à soutenir l’établissement de nouvelles relations entre Israël et d’autres pays du monde arabe et musulman.
Les mots prononcés par Mme Thomas-Greenfield ont rappelé que ce sont les Etats-Unis, sous la présidence de l’administration de l’ancien président Donald Trump, qui ont pesé de tout leur poids géostratégique pour le rapprochement entre Israël et les Etats arabes signataires des accords d’Abraham et qui ont accepté de rejoindre l’Egypte (1979) et la Jordanie (1994) dans la reconnaissance officielle de l’Etat hébreu. «Après des décennies de divisions et de conflits, nous sommes témoins de l’aube d’un nouveau Moyen-Orient», déclarait, le 15 septembre 2020, l’ex-chef de la Maison Blanche lors d’une cérémonie à Washington.
Les propos que la diplomate américaine a tenus ont indiqué aussi que la nouvelle administration de Joe Biden continuera à soutenir ce processus. Mais comment et jusqu’où ? Au Moyen-Orient, les relations déjà secrètement anciennes entre Israël et les pétromonarchies, Arabie Saoudite comprise, ne semblent pas bouleverser des données et des lignes de partage en cours depuis des années. Ces questions sur les intentions de l’administration Biden vis-à-vis de l’héritage que lui a laissé celle de son prédécesseur, l’ex-président Trump, en ce qui concerne la normalisation israélo-arabe, ne résonne, donc, pas aussi gravement en tout cas qu’au Maghreb.
Dans la sous-région, en effet, l’ouverture officielle de canaux diplomatiques entre le Maroc et Israël à partir du 10 décembre 2020, jour où M. Trump avait annoncé l’engagement du royaume voisin à standardiser ses échanges autrefois discrets avec l’Etat hébreu en contrepartie notamment de la reconnaissance par les Etats-Unis de sa «souveraineté» sur le Sahara occidental, a fait piétiner la légalité internationale et la feuille de route de l’ONU pour un règlement pacifique et politique d’une question de décolonisation.
Elle a rendu plus manifeste l’option militaire longtemps mise de côté par les indépendantistes sahraouis et ébranlé un équilibre déjà précaire dans les relations entre l’Algérie et le Maroc. Elle risque de brouiller davantage les cartes à l’échelle de l’Union africaine (UA) au sein de laquelle Rabat compte parmi les fervents partisans de la candidature d’Israël en tant qu’Etat observateur.
Le poids américain
La conséquence a été la perception par l’Algérie de la normalisation israélo-marocaine comme une menace à sa sécurité. La conclusion a été la rupture par Alger de ses relations avec Rabat, le 24 août dernier, en réaction aux «actions hostiles» que le royaume «n’a jamais cessé de mener», allusion notamment à sa surveillance des lignes téléphoniques d’officiels algériens via le logiciel espion israélien Pegasus et au soutien qu’il apporte au Mouvement sécessionniste d’autonomie de la Kabylie (MAK). Elle a été d’envenimer davantage le climat de guerre froide qui oppose depuis longtemps les deux capitales maghrébines et de braquer à nouveau les regards sur les Etats-Unis. Mais que feront-ils ?
Jusqu’à présent, l’administration Biden à Washington, qui est aujourd’hui confrontée aux priorités liées à son désengagement d’Afghanistan entre autres, ne semble pas pressée de clarifier sa position sur l’engagement de l’ancien président Trump de reconnaitre la «souveraineté» marocaine sur le Sahara occidental. Sur le dossier, le chef de la diplomatie Ramtane Lamamra a dit percevoir une différence d’appréciation entre les deux administrations et un retour de la Maison Blanche à la doxa onusienne pour une solution acceptée par les parties en conflit. Dans la réalité, on a eu droit à quelques déclarations pour le moins difficiles à déchiffrer comme celles tenues le 27 juillet 2021 à Alger par le secrétaire d’Etat adjoint américain aux affaires du Proche-Orient, Joey Hood, qui a surtout insisté sur la convergence de vues entre l’Algérie et son pays sur la Libye et le processus de sortie de crise en cours dans ce pays.
Dans la réalité, toujours, la déclaration de l’ambassadrice US auprès l’ONU Linda Thomas-Greenfield, lundi dernier à New York, sur l’encouragement par son pays du processus de normalisation avec Israël mérite un examen plus sérieux en fonction des développements propres à la scène sous-régionale et du résultat des dynamiques déclenchées par l’aggravation du contentieux entre Alger, plus ferme que jamais dans ses positions de ne pas transiger avec ses principes sur le Sahara occidental et contre la normalisation avec l’Etat hébreu, et Rabat qui espère en tirer profit auprès de la puissance étasunienne qui restera un acteur géostratégique clé au Maghreb. Cet examen sera peut-être établi dans les prochains mois lorsque le président Biden s’exprimera à l’ONU le 21 septembre prochain et, plus sûrement, à l’arrivée en poste de la nouvelle ambassadrice des Etats-Unis à Alger, Elizabeth Moore Aubin qui attend le feu vert du sénat de son pays.
Reporters, 15/09/2021
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