La table de l’Algérie et du Maroc

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Enric Juliana

La table de dialogue sur la Catalogne ne va pas décider de l’issue de l’actuelle législature espagnole. Cette table est domestique. C’est une table de cuisine. Elle définira le degré de cohésion du Gouvernement de la Generalitat, en phase de décomposition quatre mois après sa constitution, et l’évolution des rapports de forces dans le système catalan des partis, à l’approche des élections municipales de mai 2023, élections dont la principale pierre de touche sera être le maire de Barcelone. Cette bataille a déjà commencé parmi les buissons de la lagune de La Ricarda, où chaque canard a son propre agenda. Tout en Catalogne aujourd’hui sent le calcul.

« Cette chose était sérieuse, on commence à le comprendre maintenant », a écrit le poète Jaime Gil de Biedma dans un poème de 1968 consacré à la jeunesse perdue. Que la chose était sérieuse, on commence à comprendre le jour où l’Algérie rompt les relations diplomatiques avec le Maroc et menace de couper son gaz, ouvrant les portes d’un autre conflit colossal en Afrique du Nord. Que la chose était grave, on commence à comprendre le jour où les compagnies d’électricité menacent de paralyser les centrales nucléaires en réponse aux mesures adoptées par le gouvernement pour tenter d’enrayer la hausse du prix de l’électricité. Que cette législature ait été sérieuse, on l’a déjà vu le jour où le Congrès des députés a entendu le cri de guerre qui a défini la dynamique politique de ce pays au cours des vingt derniers mois : « Gouvernement illégitime !

Un gouvernement accusé d’illégitime par deux organisations politiques (PP et Vox) qui frôlent actuellement la majorité absolue dans certains sondages récents, vient d’entrer en collision avec l’oligopole de l’électricité.

En effet, la législature est très sérieuse et son sort ne se décidera pas à la table catalane des enchevêtrements, mais dans les chutes hydrauliques du fleuve Duero (le trésor le plus précieux d’Iberdrola), dans les parcs éoliens, dans les jardins solaires, dans les centrales nucléaires centrales électriques, dans les deux gazoducs qui relient les champs algériens de Hassi R’Mel au réseau gazier espagnol via Tarifa et Almeria, et dans les manœuvres de Vladimir Poutine avec l’approvisionnement en gaz de l’Europe.

Un gouvernement assiégé par les compagnies d’électricité gagne en aura, mais ce qui s’en vient est très grave
A court terme, l’attaque des compagnies d’électricité donnera du prestige au gouvernement et donnera force au programme de sept mesures pour baisser le prix de l’électricité approuvé hier par le Conseil des ministres. Un gouvernement de gauche assiégé par un oligopole acquiert immédiatement une aura romantique. Les entreprises vont devoir soigner leur réputation et selon leur comportement elles peuvent finir par provoquer la mobilisation qui manque à la gauche en ce moment.

Mais c’est grave et la décision presque prise de l’Algérie de couper le gaz au Maroc à la fin du mois d’octobre pourrait causer des problèmes de grande envergure. L’Algérie se réarme et le Maroc aussi. Deux pays avec des millions de jeunes en attente d’une vie meilleure.

Que la chose était sérieuse, on l’a compris le jour où le prix de l’électricité est monté.

La Vanguardia, 15/09/2021

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