Le Maroc devant l’embarras du sommet arabe à Alger

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Sommet de la ligue arabe à Alger Rabat dans un grand embarras

par Tarek Hafid

L’élection du 8 septembre a provoqué la déroute des islamistes du Parti de la justice et du développement. Le PJD, qui disposait de la majorité parlementaire et qui dirigeait le gouvernement depuis 10 ans, a dû céder sa place au Rassemblement national des indépendants, formation présidée par Aziz Akhannouch, un milliardaire ami de Mohammed VI.

Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Les 8, 9 et 10 septembre resteront certainement les journées les plus noires de l’histoire du Parti de la justice et du développement, formation islamiste membre de la nébuleuse des Frères musulmans.

Mercredi 8 septembre, le Palais décide de sanctionner sévèrement le PJD lors des élections générales (Parlement, régions et communes). Le parti dirigé par Saadeddine El Othmani ne remporte que 13 sièges sur les 395 que compte la Chambre des représentants. Une chute vertigineuse comparativement aux scrutins de 2011 et 2016 ,qui avaient permis au PJD de rafler la majorité parlementaire avec 107 puis 125 sièges. Cette année, le gagnant est le Rassemblement national des indépendants (RNI), qui a décroché 102 sièges. Il est suivi par le Parti authenticité et modernité (PAM) avec 87 sièges, et le Parti de l’Istiklal avec 81 sièges.

Jeudi 9 septembre, Saadeddine El Othmani, qui était également chef du gouvernement, démissionne de son poste de secrétaire général du Parti de la justice et du développement. Il est suivi par les membres du bureau du PJD. Le parti tente cependant de se défendre, en accusant le Makhzen d’avoir organisé une large opération de fraude électorale. «Les résultats ne reflètent pas la réalité de la carte politique de notre pays ni la position du parti sur la scène politique, ses résultats dans la gestion des affaires locales et gouvernementales, et la large réponse des citoyens au parti pendant la campagne électorale .» Fraude ou pas fraude, cette défaite sonne comme une fin de mission pour les islamistes marocains. En fait, El Othmani a tout perdu : son poste de secrétaire général, son statut de chef du gouvernement, et son honneur. Lui qui n’a cessé de répéter son rejet de tout projet de normalisation avec Israël, a finalement paraphé l’acte officiel établissement les relations avec l’État sioniste.

Vendredi 10 septembre, Mohammed VI nomme Aziz Akhannouch, le secrétaire général du Rassemblement national des indépendants, au poste de chef du gouvernement. Cette nomination surprend les observateurs les plus avertis de la scène politique marocaine. Il est vrai que le RNI est arrivé en tête de l’élection de mercredi, mais tous s’attendaient à la désignation d’une personnalité «neutre» , issue de cette nouvelle coalition RNI-PAM-Istiklal pour prendre la tête de l’exécutif. Mohammed VI a fait son choix, c’est son ami Aziz Akhannouch. Businessman, ministre de l’Agriculture et de la Pêche depuis 2007, personnalité politique.

À 60 ans, Akhannouch est une des personnalités qui ont marqué le règne du roi du Maroc. Avec cette nomination, Mohammed VI donne l’image d’un monarque qui ne veut plus partager les leviers du pouvoir, même si en réalité pendant les dix dernières années, la marge de manœuvre du PJD était plutôt limitée. Avec une fortune estimée à 2 milliards de dollars, Aziz Akhannouch est présent dans plusieurs secteurs d’activité à travers ses groupes Akwa et Aksal. L’homme est surtout connu pour avoir été mêlé à de multiples scandales, notamment dans le secteur des hydrocarbures. Un rapport parlementaire accable une de ses entreprises spécialisées dans la distribution de carburants, qui est accusée d’appliquer des marges excessives. Durant la campagne électorale, Aziz Akhannouch a même eu droit à une tribune de Manuel Valls dans le Journal du Dimanche. Pour Valls, la victoire du RNI serait un facteur de «stabilité pour l’Europe et l’Afrique». Il est vrai que l’ancien Premier ministre français, qui a tenté de se lancer en politique en Espagne, reste un VRP de l’internationale sioniste.

Quelles pourraient être les conséquences de l’arrivée de ce gouvernement sur l’Algérie ? À première vue aucune, si ce n’est certainement encore plus d’hostilité de la part de la nouvelle coalition. Outre le RNI, il est important de rappeler que le Parti authenticité et modernité a été créé et est dirigé en coulisse par Fouad Ali El-Himma, le conseiller le plus proche de Mohammed VI. Idem pour le Parti El Istiklal, formation ouvertement anti-algérienne et qui continue de promouvoir le projet du «Grand Maroc» de son fondateur Allal el Fassi.

Par ailleurs, il est fort probable que Nasser Bourita soit reconduit au poste de ministre des Affaires étrangères. Il faut donc s’attendre à un redoublement des provocations envers l’Algérie. Le gouvernement Akhannouch devra cependant travailler sur deux dossiers importants ces prochaines semaines : trouver une substitution fiable au gaz algérien, dont les livraisons s’arrêteront à la fin du mois d’octobre, et décider si le Maroc participera ou pas au prochain sommet de la Ligue arabe qui se déroulera en novembre prochain à Alger.

T. H.

Le Soir d’Algérie, 12/09/2021

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