Le Maroc, une monarchie dangereuse

LA MONARCHIE MAROCAINE AGUICHE DES PUISSANCES ÉTRANGÈRES POUR S’IMPOSER AU MAGHREB
Donald Trump fait miroiter au Makhzen, sa souveraineté sur le Sahara occidental et obtient la reconnaissance d’Israël par la monarchie marocaine.

Hier, jeudi, le président américain Donald Trump a mis en ligne trois tweets successifs consacrés au Maroc et au Sahara Occidental, à l’établissement de relations diplomatiques entre le royaume chérifien et Israël et à la reconnaissance au XVIIIe des États-Unis par le makhzen.

Primauté du droit international

Dans le premier tweet, le locataire de la Maison-Blanche édite : « Aujourd’hui, j’ai signé une proclamation reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. La proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc est la SEULE base d’une solution juste et durable pour une paix et une prospérité durable ! ». En fait, ce n’est pas tant la recherche d’une solution juste et durable qui explique cette initiative du président américain qui n’est pas à son premier déni du droit international -transfert de l’ambassade US à Jérusalem, implantation de colonies israéliennes sur les territoires palestiniens, sortie unilatérale du traité sur le nucléaire iranien conclu sous la supervision du Conseil de sécurité…-. Or jusqu’à preuve du contraire, en matière de relations supranationales, c’est le droit international qui fait force de loi. Qu’à cela ne tienne !

L’explication partielle de ce premier e-message est dans le deuxième tweet, post dans lequel Donald Trump explique : « Une autre percée HISTORIQUE aujourd’hui ! Nos deux GRANDS amis, Israël et le Royaume du Maroc, ont convenu de relations diplomatiques complètes – une énorme percée pour la paix au Moyen-Orient ! ». Tant dans sa substance que dans ses objectifs, le marchandage est on ne peut plus clair : Tu reconnais Israël, je te donne le Sahara occidental !

Cela dit, il faut relativiser la portée juridique d’une proclamation présidentielle aux États-Unis, surtout lorsqu’elle émane d’un président en fin de parcours (hors texte). Mais il ne faut pas pratiquer la politique de l’autruche, non plus. C’est une alerte assez sérieuse à mettre en relation avec ce qui se passe le long des frontières sud de l’Algérie.

Les lobbies, véritables chefs d’orchestre

Sans doute alerté par son entourage sur les conséquences de sa maladresse dont une possible réplique populaire qui pourrait emporter le roi du Maroc lui-même et son régime, le président américain s’est fendu d’un troisième tweet, écrit à la hâte, pour dire que l’établissement de relations diplomatiques entre le royaume du Maroc et Israël n’est pas la seule raison « du cadeau » fait par la Maison-Blanche au Makhzen, mais que « Le Maroc a reconnu les États-Unis en 1777. Il convient donc de reconnaître leur souveraineté sur le Sahara occidental ». Une pirouette d’une finesse à toute épreuve ! Cela dit, le mal est déjà fait. Tout un chacun a déjà pris connaissance des raisons réelles, mais sans doute pas les seules, de cette sortie, pour le moins tonitruante de Donald Trump.

Mais en fait, quel est le bénéfice que pourrait tirer le président Trump de cette cabale, car c’en est une ? Dans sa fuite en avant, le président américain est devenu le plus zélé des VIP d’Israël. Grand perdant de l’élection du 3 novembre dernier, Donald Trump cherche désespérément et par tous les moyens à annuler ce scrutin. L’échéance du 20 janvier 2021, date d’investiture de son successeur potentiel, le démocrate Joe Biden, approche à grands pas et le président sortant a besoin de tous les soutiens pour espérer retourner, à son avantage, une situation quasiment établie et en toute logique, il ne peut surtout pas faire l’impasse sur le poids des lobbies, véritables chefs d’orchestre de cette tragi-comédie. L’expérience récente nous montre que Donald Trump est un président qui se soucie avant tout de sa petite personne. Tous les effets d’annonce recherchés sont instrumentalisés à cette fin et uniquement à cette fin. Il prétend se battre contre l’état profond et contre l’instauration d’un gouvernement mondial, mais c’est plutôt son pouvoir personnel qui l’obnubile et le lobotomise.

De nouveau sur le devant de la scène

À ce propos, il est intéressant de constater que depuis la présidentielle de novembre dernier, aucune de ses sorties ne trouve écho dans les médias américains, alors que tous les projecteurs sont braqués sur les faits et gestes de son successeur élu. Il était devenu invisible, inaudible, sujet de non-information, donc quasiment inexistant jusqu’à se faire censurer plus de 60 fois -depuis mai dernier- par des plateformes big tech comme Twitter et Facebook ; Une chape de plomb qui affecte son égo démesuré et dont il souffre énormément.

Avec cette proclamation et surtout la monnaie d’échange donnée par la monarchie marocaine, il est comme par enchantement redevenu le faiseur de paix, hyper-médiatisé y compris au-delà des frontières américaines.

Aucune des trois parties prenantes à cette machination, contre les peuples sahraoui et palestinien, ne brille par sa morale ou son souci de justice, mais elles feignent toutes d’oublier que tant au Sahara occidental qu’en Palestine, il existe un peuple et que le dernier mot revient à chacun de ces deux peuples et à personne d’autre.

Une monarchie dangereuse

Pour ce qui la concerne, la monarchie marocaine est, elle aussi dans une fuite en avant. Depuis des décennies, ce régime incongru est sous une perfusion alimentée par une mendicité internationale institutionnalisée. Mais rien n’y fait, le couperet d’une explosion sociale menace et peut, à tout moment, faire tomber ce régime décadent et dangereux. L’invasion du Sahara occidental dès 1975, représente l’un des leviers d’exportation de l’aporie dans laquelle se débat le Makhzen. Mais après la RASD, ce sera la Mauritanie, ensuite une partie Mali… dont certains cercles proches du palais royal revendiquent à nouveau l’annexion. Les velléités d’expansion associées aux courbettes indécentes à l’adresse de certaines puissances et à la mendicité internationale institutionnalisée sont avancées comme les potions de survie du régime de Rabat.

Ce régime a toujours assuré les arrières du colonialisme en assurant une sorte de service après-vente de caniveaux. Rappelez-vous le coup de poignard -pudiquement appelé guerre des sables- donné à l’Algérie en 1963, alors que ce pays, ruiné par sept ans de conflit armé contre la machine de guerre coloniale, venait à peine de sortir de 130 ans d’une oppression unique en son genre. Dans la foulée, la monarchie boulimique revendiquait également une partie du Mali et la Mauritanie. Elle réédite le coup, en 1975, avec le Sahara occidental qui venait de se débarrasser de la domination espagnole.

En agressant militairement l’Algérie, en septembre 1963, Le Makhzen tentait un coup de poker, sans doute, pour détourner l’opinion intérieure des revendications d’une monarchie constitutionnelle -en lieu et place de l’absolutisme de l’époque- et d’organisation d’élections libres, formulées par l’Union nationale des forces populaires, mais pas uniquement. Le régime de Rabat a cette propension à faire la danseuse du ventre de ses suzerains et se définit principalement par rapport à ce rôle ; ce qui, en partie, explique certaines largesses à son égard au point ou l’un des pays donneurs sempiternel de leçons s’oppose, au sein du Conseil de sécurité, à l’extension du mandat de la mission de l’ONU pour le Sahara occidental, aux Droits de l’Homme !

Confronté aux positions de principe de l’Algérie, à propos du Sahara occidental, qui sont les seules à garantir la stabilité, la coopération, la paix et la construction d’un Maghreb uni, la monarchie marocaine, soumet ce pays à un chantage intenable consistant à le provoquer et à agiter constamment le spectre de l’implication, dans son délire expansionniste et dans la région d’acteurs qui sont étrangers à celle-ci. Pour ce faire, le monarque fait le choix d’inviter à sa messe noire des acteurs et des cercles qui nourrissent de vieilles rancunes à l’endroit d’Alger. La perversité de ces insanités est on ne peut plus regrettable. Elle est surtout dangereuse et peut, à tout moment, entrainer deux peuples épris de paix dans une spirale infernale et dévastatrice. Aucun Maghrébin ne mérite de mourir pour les turpitudes d’un tel régime !

Nécessité d’une stratégie implacable

L’Algérie aurait dû, depuis longtemps, travailler sur une stratégie cohérente et structurelle visant à priver la monarchie marocaine de jouer à ce jeu dangereux et suicidaire. Car après tout, de tels agissements mettent en danger sa sécurité et c’est cela le véritable problème du Maghreb. Ça n’a pas été fait ! C’est le tribut des années Bouteflika et de la régence de fait, exercée par son frère, mais il faut immédiatement se mettre à la tâche pour inverser la tendance. Car en face, le régime de Rabat s’est entouré d’une cour de courtisans, de véritables prestidigitateurs dont la principale mission consiste à détricoter tous les principes lisibles du droit international, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de libre arbitre et de bon voisinage et de produire un monde fictif aux contours très erratiques où plus aucun engagement clair n’est possible. Cette posture enferme inévitablement ses animateurs dans une incapacité d’universalisation de la critique du colonialisme et les conduit à un déni voire à une trahison de l’histoire récente de leur propre pays. Rien d’étonnant, dès lors de constater que, outre le monarque belliqueux, ces leudes d’un autre temps font preuve d’une docilité indécente envers leurs véritables maîtres, les suzerains du régime.

Reste que par ces compromissions, la monarchie marocaine qui, ironie du sort, préside la commission el-Qods, au sein de ce qu’on pourrait encore appeler la Ligue arabe, s’engonce dans une sorte traitrise devenue culturelle et s’enlise dans un bourbier qui peut lui être fatal. Elle a fait le choix délibéré de sacrifier la paix, la stabilité et les règles de bon voisinage dans la région sur l’autel de convoitises ne reposant sur aucune légitimité. Elle paiera le prix fort !

Dahmane SOUDANI

Repères

Qu’est-ce qu’une proclamation présidentielle américaine ?

Les proclamations émises par le président américain se divisent en deux grandes catégories :

les proclamations cérémonielles, qui désignent des célébrations spéciales ou célèbrent les fêtes nationales
les proclamations substantielles, qui concernent généralement la conduite des affaires étrangères et d’autres fonctions exécutives assermentées.
Bien que par le passé, les proclamations substantielles ont eu plus d’effet que les proclamations cérémonielles, sauf autorisation du Congrès, aucune proclamation présidentielle n’a force de loi.

MaghNord, 11 déc 2020

Etiquettes : Maghreb, Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Sahel, normalisation, Donald Trump,

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