Ceuta : le ton monte entre le Maroc et l’Espagne

L’arrivée de milliers de migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta par des voies clandestines ravive les tensions entre Madrid et Rabat.

« C’est une grave crise pour l’Espagne et pour l’Europe ». Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez va se rendre dans l’enclave espagnole de Ceuta, alors que son pays a renvoyé déjà près de 4.000 migrants au Maroc. En 24 heures, près de 8.000 personnes seraient entrées illégalement sur le territoire espagnol, pour la plupart des ressortissants marocains et pour beaucoup des mineurs. Ces arrivées creusent un peu plus la crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne.

Colère de l’Espagne

Les services marocains ne sont intervenus que ce matin, à coups de gaz lacrymogène, pour disperser la foule qui se presse pour passer la frontière à Fnideq.

Ouarda, âgée de 26 ans, est au chômage. Divorcée, elle assume la charge de deux enfants et explique être « venue ici pour passer la frontière clandestinement, pour assurer un avenir à mon fils. A Tetouan, ce n’est pas possible… alors on veut passer, quitte à mourir. »

Khadija, 26 ans également, est coiffeuse et elle dit aussi avoir plus peur de rester au Maroc que de tenter de fuir. Elle témoigne avoir vu beaucoup de personnes ayant « essayé de passer mais la police les a stoppés avant. »

Mohammed, un rappeur, explique que les jeunes veulent fuir le pays car ils n’ont pas d’emploi et il clame de pas avoir peur des dangers de l’émigration clandestine : « Il faut que je parte pour sauver ma peau », dit-il.

Le Premier ministre Pedro Sanchez a déployé des véhicules blindés et des renforts côté espagnol, promettant aux habitants le « retour de l’ordre ». Un stade a été réquisitionné à Ceuta pour rassembler les Marocains adultes en passe d’être expulsés.

La cheffe de la diplomatie espagnole indique ce soir avoir « rappelé [au Maroc] que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l’Espagne et du Maroc ».

Réaction de l’Union européenne

Ylva Johanson, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, en appelle à une plus grande coopération des autorités marocaines. Elle déclare :

« C’est inquiétant : au moins 6.000 personnes, parmi lesquelles un grand nombre d’enfants, ont tenté de rallier Ceuta à la nage, mettant leur vie en danger. Certains ont pu être sauvés, une personne s’est noyée. Il faut que le Maroc s’engage à prévenir ces départs irréguliers et que ceux qui n’ont pas le droit de rester en Europe soient effectivement renvoyés. »

Un lien avec le Polisario?

Les autorités marocaines « assurent » que cet afflux record n’a rien à voir avec les dissensions qui opposent le royaume a à l’Espagne. Le Maroc a récemment réclamé des « explications » à l’ambassadeur espagnol à qui les Marocains ont fait part de leur « exaspération » après que le chef du mouvement indépendantiste sahraoui, Brahim Ghali, a été hospitalisé dans le nord de l’Espagne à la mi-avril, pour y être soigné de la Covid-19.

Le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, milite pour l’indépendance du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, que le Maroc considère comme partie intégrante de son territoire sous le nom de « Provinces du Sud ».

Ce matin, plusieurs centaines de migrants d’Afrique subsaharienne ont aussi tenté d’escalader la barrière qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta. Des migrants essaient également de passer clandestinement vers Melilla, l’autre enclave espagnole sur le continent africain, considérée elle aussi comme la porte d’entrée la plus proche pour l’Union européenne.

Deutsche Welle, 18 mai 2021

Etiquettes : Maroc, Espagne, Sahara Occidental, Front Polisario, Brahim Ghali, Ceuta, Melilla, migrations, migrants, pression migratoire, crise diplomatique, brouille, tension, marocain, espangol, sahraoui, président sahraoui,

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