Des responsabilités de la France au Rwanda à la restitution des biens pillés à l’époque coloniale, le président Emmanuel Macron multiplie les gages symboliques d’une volonté de normalisation avec l’Afrique, dont les contours restent toutefois très incertains.
Le rapport d’historiens publié vendredi établissant des « responsabilités accablantes » de la France dans le génocide des Tutsi en 1994 a posé un nouveau jalon dans cette relation qui se veut plus égalitaire, moins paternaliste, loin de l’héritage colonial et des dérives de la « Françafrique ».
« Au-delà du Rwanda, nous pensons que ce rapport aura aussi un impact sur l’ensemble de notre relation avec l’Afrique (..) C’est une brique supplémentaire dans ce travail de refondation », souligne-t-on à l’Elysée à l’approche du sommet Afrique-France en juillet.
Le chef de l’Etat a aussi amorcé un ambitieux travail mémoriel avec l’Algérie, à l’issue peut-être plus hypothétique face à un régime algérien qui assoie depuis 60 ans sa légitimité sur la guerre d’indépendance et le rapport de forces avec la France.
Emmanuel Macron espère se rendre au Rwanda et en Algérie d’ici la fin de son quinquennat, en mai 2022, pour concrétiser un peu plus ce renouveau initié par un discours enflammé à la jeunesse africaine à Ouagadougou en novembre 2017.
« La stratégie de politique mémorielle d’Emmanuel Macron est de tenter de passer l’ardoise magique sur la période coloniale et post-coloniale (..) Il essaye de renverser la table en choisissant deux symboles », le Rwanda et l’Algérie, résume à l’AFP Antoine Glaser, spécialiste de la « Françafrique ».
– La France et les « autocrates » –
Autre acte fort de cette stratégie, 26 pièces provenant du « Trésor de Béhanzin » pillé au palais d’Abomey en 1892 pendant les guerres coloniales doivent être restituées au Bénin d’ici la fin de l’année.
Et la France doit officiellement sortir prochainement de la gestion du Franc CFA – qui deviendra l’eco -, un des derniers vestiges de la « Françafrique » en Afrique de l’Ouest.
Invoquant volontiers son âge – à 43 ans, il est né après la décolonisation -, Emmanuel Macron s’adresse avant tout à la jeunesse africaine.
Mais pour Antoine Glaser et Gilles Yabi, président du centre d’analyses WATHI, ce message laisse paradoxalement plus un arrière-goût de déjà vu qu’une impression réelle de renouveau.
« Les préoccupations des jeunes, c’est la difficulté de venir étudier ou travailler en France, c’est le plafond de verre auquel ils se heurtent dans l’Hexagone. C’est aussi le fait que Macron ne dit jamais un mot sur les autocrates africains, les Biya (Cameroun) ou Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) dont la France a besoin », relève Antoine Glaser.
– « Un acte courageux » –
« Le fait d’être d’une nouvelle génération, d’être un président jeune, ne change rien dans la continuité des relations historiques entre la France et les pays africains », renchérit Gilles Yabi.
« C’est comme si on demandait aux jeunes Africains de considérer que parce qu’on décrète qu’une page est tournée, elle l’est effectivement », poursuit le chercheur, basé à Dakar.
En agissant de la sorte, le président Macron donne le sentiment de vouloir à tout prix « maintenir l’influence de la France sur le continent » face aux nouveaux venus (Chine, Russie, Turquie), là où les jeunes Africains aspirent avant tout à plus « d’autonomie », dit-il.
Beaucoup saluent certes le rapport sur le Rwanda, après plus de 25 ans de non-dits et de dénis. « Un acte courageux digne d’appréciation », a tweeté le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat.
« Un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France », s’est félicité le gouvernement rwandais, dans un contraste saisissant avec la douche froide reçue à Alger par le rapport de l’historien Benjamin Stora sur les questions mémorielles liées à la guerre d’Algérie.
Le chemin à parcourir reste toutefois tortueux si l’on en croit le dernier baromètre du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) dans lequel les Etats-unis, l’Allemagne et le Canada caracolent en tête en termes d’image auprès des leaders d’opinion africains, loin devant la France (7e), qui se retrouve talonnée par la Turquie.
« L’érosion continue de l’image de la France souligne la difficulté à renouveler efficacement le récit de notre relation avec l’Afrique », y compris en termes de dynamisme économique, souligne Etienne Giros, président délégué du CIAN.
France24, 29 mars 2021
Etiquettes : France, Algérie, Rwanda, Afrique, Guerre d’Algérie, génocide tutsi,
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