« Ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne sont applicables » au Sahara Occidental, dit l’Avocat général de la Cour de l’UE dans ses conclusions aujourd’hui.
Ci-dessus: les Sahraouis revendiquent à Smara, au Sahara Occidental occupé le respect de leurs droits socio-économiques. Avril 2016.
L’avocat général de la Cour de justice de l’UE a, ce matin, 13 septembre 2016, publié ses conclusions sur le cas de l’accord UE-Maroc de libre-échange étendu au Sahara Occidental. Dans ce document, l’avocat général Melchior Wathelet estime que le Sahara Occidental ne fait pas partie du territoire marocain et que, par conséquence, ni l’accord d’association UE-Maroc, ni l’Accord de Libéralisation ne lui sont applicables.
L’avocat général émet donc un avis qui dépasse la décision de la Cour générale du 10 décembre 2015, qui annulait l’accord de libre échange UE-Maroc appliqué au Sahara Occidental sur la base de ce que le Conseil de l’UE avait manqué à son obligation d’examiner à fond les effets de ce commerce sur les droits du peuple vivant dans les régions du Sahara Occidental sous contrôle marocain. L’avis que l’avocat général rend maintenant affirme que le Sahara Occidental ne fait tout simplement pas partie du Maroc, et que les accords avec le Maroc ne sont donc pas applicables au territoire non autonome.
Télécharger ici le communiqué de presse de l’avocat général, et les 70 pages de l‘avis complet.
En conséquence, l’avocat général propose à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal, sur la base que le cas requérant, le Front Polisario – internationalement reconnu (et approuvé par l’ONU) comme représentant politique du peuple du Sahara Occidental – n’est pas directement affecté. La Cour en tant que telle avait initialement reconnu le Front Polisario comme partie concernée pour le Sahara Occidental – mais étant donné que ces accords ne peuvent pas et ne doivent pas couvrir le Sahara occidental, le Polisario n’est pas affecté, selon l’avocat général.
Si la Cour plus tard cette année, dans sa décision finale, conclut que les accords mentionnés ci-dessus sont applicables au Sahara Occidental et que le Polisario a le droit de contester la décision, alors le jugement du 10 décembre 2015 d’annuler partiellement l’accord au Sahara Occidental est valide, a fait valoir l’avocat général.
Le principal argument des institutions européennes était que la conclusion de l’an dernier devait être rejetée puisque le Polisario n’aurait pas de statut juridique devant la cour de l’UE. L’avocat général, en d’autres termes, rejette complètement cette question, en soulignant que l’accord n’a pas d’application au Sahara Occidental, indépendamment du fait que le Polisario ait ou non un statut juridique.
L’avocat général note : » De plus, le Front Polisario ne semble pas être un représentant exclusif du peuple du Sahara occidental dans les relations internationales car il n’est pas exclu que l’Espagne, ancien colonisateur de ce territoire, détienne encore des responsabilités à cet égard. » Cela fait écho à un avis récent de la plus haute juridiction en Espagne.
Il convient de relever que le point de départ de l’avocat général est que les accords de l’UE ne sont pas applicables au Sahara Occidental. Dans la pratique, cependant, il semble que l’UE est en train de faire exactement le contraire.
La moitié des usines de transformation du poisson au Maroc approuvées par l’UE, sont en fait situées dans les parties du Sahara occidental que le Maroc occupe depuis 1975. La liste des producteurs de produits de la pêche approuvée par l’UE – une version mise à jour vient d’être publiée il y a quatre jours – comprend un nombre important d’entreprises qui sont situées dans le Sahara Occidental.
Un autre évènement intéressant se déroule cette semaine. D’ici un ou deux jours, un navire citerne plein d’huile de poisson du Sahara Occidental va arriver dans l’UE. C’est la cargaison de produits de la pêche destinée à l’UE pour laquelle il y a le plus d’informations, et sûrement celle qui la le plus de valeur depuis la décision 10 décembre 2015.
La décision du 10 décembre 2015 de ne pas autoriser les produits agricoles et de la pêche provenant du Sahara Occidental à s’inscrire dans le cadre de l’accord commercial UE-Maroc semble être totalement ignorée par les institutions de l’UE. Ni l’UE, ni le Maroc, ni les exportateurs ou les importateurs n’ont pris des mesures pour respecter la décision. Les institutions de l’UE n’ont pas demandé de suspension de la décision de la Cour, et ont continué comme si rien n’a changé.
Western Sahara Resource Watch apprécie l’avis de l’avocat général. « C’est un argumentaire mûrement réfléchi. Nous espérons que ce processus va guider l’UE à être partisane des principes du droit international et des droits de l’homme – non seulement dans les cas où cela sert les intérêts propres de l’UE. Nous demandons à la Commission de prendre des mesures immédiates pour s’assurer qu’aucun des produits du Sahara Occidental n’entre dans l’Union », a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch. S. Eyckmans souligne que l’UE a dorénavant une chance d’agir et de montrer son respect pour la Cour cette semaine, avec l’arrivée de la cargaison géante d’huile de poisson en France.
Le 10 décembre, le Tribunal de la CJUE avait conclu que l’Accord de libre-échange UE-Maroc devrait être annulé dans la mesure où il s’appliquait au Sahara Occidental – une décision contre laquelle le Conseil de l’UE a décidé de faire appel. L’affaire initiale a été intentée en février 2013 par le Front Polisario, demandant l’annulation de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Maroc, puisqu’il s’étendait aux parties du Sahara Occidental que le Maroc maintient sous occupation militaire.
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