Protection des ressources naturelles du Sahara Occidental : Le troisième front du Polisario

Le Front Polisario, en transportant sa lutte contre la présence du Maroc sur le Sahara occidental et le Rio Oro au niveau du terrain juridique et économique pour la protection des richesses naturelles de ce territoire considéré comme non indépendant par l’ONU, passe à la troisième phase de son combat après celui des armes suivi du combat politique ayant eu pour résultat l’acquisition de la légitimité politique sur la scène régionale, continentale et internationale.
Par ailleurs, ce front a toujours était maître de l’initiative laissant constamment le royaume alaouite sur la défensive. C’est, forcément, la conclusion que tirera tout observateur qui a suivi les travaux de la 7e journée de l’université d’été que le Polisario et la RASD organisent à l’intention de leurs militants et cadres à Boumerdès. En effet, les dirigeants ont réservé cette journée à un thème d’une extrême importance qu’ils considèrent, d’ailleurs, comme stratégique pour leur cause. Il s’agit de la protection des richesses naturelles en surface, dans le sous-sol et en mer dans leur pays. Pour ce faire, deux personnalités bien imprégnées de ce dossier ont animé les débats forts riches, dévoilant, en outre, les hauts degrés de conscience sur cet aspect de la lutte des cadres et militants indépendantistes sahraouis.
Kamel Rezzak Bara, juriste et conseiller à la présidence de la République algérienne, a animé une conférence intitulée «Protection des richesses naturelles sahraouies et combat juridique ; entre défis politiques et économiques». Il a été suivi à la tribune de Mohamed Seddak, ministre conseiller auprès du gouvernement de la RASD, chargé des Affaires européennes, qui a donné plus d’éclairage sur ce combat pacifique et juridique. Bien entendu, le jugement rendu le 15 décembre 2015 par la cour de justice interdisant aux pays membres de l’UE d’importer les produits agricoles en provenance du territoire du Sahara occidental et l’arrêt définitif attendu de cette même cour vers mi-novembre ont constitué l’axe de débat d’autant plus que d’aucuns considèrent que ce jument primaire est une grande victoire du gouvernement de la RASD.
Bara : «le Maroc viole le droit d’un peuple séculaire»
Bara commence sa conférence par expliquer le droit reconnu par la communauté internationale aux peuples séculaires sur le contrôle de leurs richesses naturelles. «Ce droit est inscrit dans la troisième génération des droits de l’Homme. Il est par ailleurs reconnu par une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1962. Il est une partie essentielle dans le droit des peuples à l’autodétermination. L’article 20 de la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples réitère ces droits.» 
Par la suite, le conférencier revient sur le combat armé du peuple sahraoui, poussant la Mauritanie à se retirer du Sahara occidental et le Maroc à reconnaître, en 1991, le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Combat qui a conféré la qualité de représentant légitime du peuple sahraoui au Polisario à la suite d’une résolution – numéro 1979 — de l’Assemblée générale de l’ONU. En fait, le droit international dénie au Maroc le droit d’exploiter les richesses naturelles du Sahara occidental. A ce propos, voici ce qu’avait déclaré en décembre 2010 à une radio suédoise, Hans Correl, conseiller juridique de l’ONU, sur l’avis qu’il a exposé devant le Conseil de sécurité de cette organisation au sujet des contrats portant exploration du pétrole dans le Sahara occidental. «Le Maroc n’a pas été reconnu par l’ONU en tant que puissance administrant au Sahara occidental, et tout argue que le Maroc occupe en réalité le Sahara occidental. Les règles disent que quelles que soient les bases juridiques de la présence du Maroc sur le territoire, le territoire doit être administré dans l’intérêt du peuple. Et dans ce cas, il était prévu que le peuple du Sahara occidental prenne part à un référendum, pour décider lui-même de la façon dont le territoire serait gouverné à l’avenir. Cela n’a, toutefois, jamais été organisé.»
La France impliquée dans cette exploitation illégale des richesses sahraouies et le Maroc finance son budget militaire
Pour les militants du soutien à la cause sahraouie, le Maroc exploite d’une manière effrénée et illégalement et avec la complicité de certains pays européens, plus particulièrement la France et l’Espagne. Quelles en sont les preuves ? Ce que n’a pas manqué de développer Bara dans une partie de sa conférence avec des chiffres à l’appui et des localités où sont exploitées ces richesses : «Nous devons d’abord examiner la nature juridique du territoire du Sahara occidental qui fait partie des territoires non indépendants d’après les Nations-Unies parce que le peuple n’exerce pas jusqu’à présent son droit à l’autodétermination par voie de référendum. Ce qui rend caduques les prétentions du Maroc en ce qui concerne sa souveraineté et sa présence historique dans ce territoire. Au plan politique, il est important de démontrer que l’essentiel des investisseurs dans les secteurs des phosphates, du pétrole, de la pêche et des produits agricoles proviennent d’Europe, en premier lieu de France et d’Espagne, qui sont des pays colonialistes. Tout le monde sait que les soutiens politiques sont motivés par des intérêts économiques. En l’absence de statistiques précises, il est certain que le bénéfice tiré par le Maroc de l’exploitation des richesses naturelles du Sahara occidental participe au budget militaire de ce pays.» 
Puis le conférencier donne les chiffres : «En matière de pêche, le Sahara occidental a un littoral de 1 200 km sur l’océan Atlantique, l’un des endroits les plus riches en produits aquacoles. Ce secteur met sur le marché de l’emploi 75 000 postes de travail déclarés, ce qui équivaut à 31% des emplois du territoire. Le secteur de la pêche représente, dans le territoire, 17% du produit intérieur global et l’équivalent de 78% dans tout le royaume marocain. 
En ce qui concerne les produits agricoles, selon l’organisation non gouvernementale Western Sahara Ressource Watch, il existe dans les environs de la ville de Dakhla, dans les territoires occupés, 12 fermes agricoles pour une superficie de 6 000 hectares.
Ces fermes emploient environ 6 000 personnes en permanence et autant durant les saisons des récoltes. L’une d’elles est spécialisée dans la culture de la tomate. Sa production est commercialisée sous le label «Etoile du Sud» qui appartient à une société française Ibis laquelle exporte entre 80 000 et 100 000 barquettes de tomates de manière illégale vers le marché européen sous l’étiquetage made in Maroc. En ce qui concerne les phosphates, ils sont la principale ressource de devises du Maroc du fait que ce pays es
t le principal producteur et exportateur dans le monde. Le gisement de Boukraâ, dans les territoires occupés, représente plus de 10% des capacités marocaines.» 
Revenant sur le cas de la France, Bara dira : «La France est le premier investisseur au Sahara occidental. Ce qui explique le soutien de ce pays au Maroc dans ce processus de colonisation. Pour l’exemple, je citerai le projet d’un grand port de pêche inauguré en novembre 2013 à Bojdor. Ce projet a été financé par l’Agence française de développement. Total de son côté fait depuis 15 ans de la prospection du pétrole le long de la côte sahraouie.»
Le verdict de la Cour européenne, une première victoire
Mais les dirigeants du Polisario et de la RASD n’ont pas l’intention de se laisser faire. Sur le conseil des amis et soutiens du Sahara occidental qui, en 2012, ont découvert que selon la législation européenne le Polisario a les capacités juridiques admises et la représentativité nécessaire pour recourir à la justice européenne au sujet des accords bilatéraux entre le Maroc. Dès lors, deux affaires sont introduites devant la Cour européenne. La première concernant l’importation du Maroc des produits agricoles a été déposée le 19 novembre 2012 au nom du Front Polisario contre le Conseil européen et la Commission européenne. Elle dénonçait la décision du Conseil qui a avalisé l’accord entre le Maroc et l’UE. La seconde affaire concernant les produits de pêche a été portée devant cette cour le 12 mars 2014. Elle stipulait que l’accord de pêche entre le l’UE et le Maroc s’appliquait sur un territoire sur lequel le royaume marocain n’a aucune souveraineté. 
Le 15 décembre 2015, la Cour européenne a rendu un jugement primaire de la première affaire (produits agricoles). L’accord fut annulé. Bara cite l’une des motivations des 15 juges de la Cour européenne qui ont rendu ce verdict. «Le statut international du territoire (sahraoui, Ndlr) est encore disputé.»
Pour une première bataille juridique, le Polisario engrange une victoire. Le combat juridique ne fait que commencer. De quoi donner, dans les prochains mois, des cauchemars à Mohammed VI.
Abachi L.

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