Les Sahraouis en 2018

Imagine…
Nous sommes en 2018, les Sahraouis sont indépendants sur leur terre. Le Sahara Occidental n’est plus la dernière colonie d’Afrique.
La joie des retrouvailles entre les familles a tari les larmes de décennies de souffrances. Le deuil des disparus peut se faire après les révélations par les autorités marocaines de l’emplacement des charniers, et leurs fouilles minutieuses.
Les institutions fantômes mises en place par le Maroc sur le territoire ont été remplacées. Les nouvelles sont constituées a minima, les fonctions ajoutées à mesure de leurs nécessités. La justice fait son travail avec impartialité. Les Sahraouis emprisonnés par le Maroc sont rejugés. La prison noire est démolie, à sa place une sculpture symbolise ce que les Sahraouis y ont subi de violence et cruauté.
Les jeunes entrepreneurs sahraouis ont déplacé leurs activités depuis les campements, ils améliorent les réseaux et partenariats avec les entreprises sahraouies déjà implantées et qui ont pu se développer les années précédentes.
Le peuple a décidé de l’exception de la production sahraouie, les frontières sont fermées à l’importation de tout ce qui se peut produire sur place. Les accords de pêche proposés par la Russie et l’Europe ont été refusés. L’écosystème marin ayant été ravagé par la surpêche et les pratiques interdites des années d’occupation, la République sahraouie a déclaré sa ZEE fermée à toute pêche étrangère jusqu’à nouvelles analyses prouvant des stocks excédentaires.
L’écologie au sens sahraoui est au centre du fonctionnement de la société, la faune et la flore décimée ont été réintroduites avec succès. Le peuple s’est prononcé pour l’exclusivité de la consommation énergétique verte, produite dans le pays. Cela fonctionne au niveau domestique comme au niveau économique et entrepreneurial. Un tourisme éthique, l’apport d’aide en main d’œuvre solidaire s’est développé …
De nombreux Marocains sont remontés dans leur pays au nord. Ceux qui sont restés ont pris la double nationalité Sahraouie-marocaine. Les anciens militaires marocains, longtemps prisonniers du Polisario, ignorés et malmenés par le régime marocain à leur retour, ont pour beaucoup trouvé une place dans la société sahraouie.
Une architecture sahraouie est née, les habitats coloniaux abandonnés sont rasés. Les déchets ciments et bétons sont un problème. Les équipes de recherche sur leur recyclage ont trouvé des solutions, la mise en œuvre est lancée, il faut l’améliorer.
Des dépôts de détritus et pollutions industrielles et chimiques à ciel ouvert découverts aux alentours des villes ou déversés dans les oueds sont à l’étude pour une dépollution complète et durable. Le problème est grave et a eu des conséquences sur la santé qu’il faut traiter. C’est une discipline médicale nouvelle qu’il a fallu introduire. D’autre part, le diabète, l’insuffisance rénale, les maladies de Parkinson et Alzheimer font l’objet de politiques de santé publique, alliant recherche, soin et prévention. Les soins psychologiques se développent et sont accessibles à toute la population. Les années d’occupation et d’exil ont laissé des traumatismes profonds.
Les fermes de production agricoles de Dakhla, ex-propriétés du Roi, des entreprises françaises Idyl et Azura ont été nationalisées et leur étendue réduite de 90%. Leur surface permet actuellement une production adaptée aux besoins de la population du pays. La consommation d’eau y a été optimisée, les produits chimiques bannis.
Les travailleurs du phosphate à Boucraa ont retrouvé leurs postes, et les retraités leurs pensions. Le nouveau directeur et les cadres ont décidé du renforcement des mesures de protection des travailleurs, et commandité une étude d’impact sur les effets environnementaux de l’extraction et acheminement dans sa forme coloniale.
La démolition du mur et le déminage sont en cours. Les aménagements ont redonné à l’oued Saguia El Hamra, et aux autres oueds le libre cours de leur écoulement et de leur fonction.
Les militaires sahraouis fidèles à leurs réputations de rudesse ont éliminé efficacement tous trafics (carburant, cigarette, drogue, immigration clandestine) du Sahara Occidental.
Ce qu’il s’est passé ?
Les évaluations et constats étaient négatifs et pessimistes. La gestion des campements de réfugiés jugée non satisfaisante.
Sur la proposition de Echo, bailleur européen des crises d’urgences oubliées, la distribution de l’aide alimentaire s’est simplifiée. Supprimant les intermédiaires, le montant alloué aux familles est versé directement sur les comptes des mères sahraouies. La qualité de l’alimentation s’est améliorée avec la possibilité d’exigence sur les fournisseurs, un système collatéral de profit a été démantelé. 
Conséquence de cette mesure, la création de la banque sahraouie a entraîné un profond changement dans la société et modifié la perception de l’argent et du temps.
L’État providence a été abandonné, les institutions refondues. Les citoyens ont décrété une année d’« effort collectif pour la solution » et chacun a fait sa part dans le monde entier. La grande confusion initiale des idées et actions dans tous les domaines s’est progressivement organisée en une grande force démocratique.
Dans le territoire occupé du Sahara Occidental, de façon concomitante l’américain Kosmos Energy a trouvé du pétrole, la Française Total aussi. Une ruée a suivi dans le désordre et les morts, un grand choc pour la société sahraouie, mais aussi pour le peuple marocain voisin.
Les Sahraouis ont refusé d’être satisfaits de chaque décision de l’Onu et rejeté tout nouveau plan. Avant de démissionner, Christopher Ross, envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara Occidental a réussi à imposer que l’Onu place les revenus des ressources naturelles sous son administration. Le processus en cours a accéléré la déliquescence du système économique marocain basé sur les ressources volées, et coupé court aux arguments sécuritaires.
Alertée par une épidémie grave et largement répandue géographiquement de cas d’empoisonnement suite à la consommation de poissons et pélagiques étiquetés Maroc, l’Europe a ouvert une enquête et bloqué 10 mille tonnes de produits de la mer provenant en fait du Sahara Occidental, et pêchés par les Marocains et Espagnols. Les analyses indépendantes révèlent des ruptures répétées de la chaîne du froid, – ce que laissaient supposer la présence des bactéries Salmonelles et Listéria monocytogènes -, mais aussi la présence de cadmium dans les sardines péchées dans la zone nord du Sahara Occidental, entre les latitudes 27°1’N et 27°17’N, correspondant aux alentours du port de El Aaiun et des usines de traitement du Phosophate. Des cas plus isolés sont signalés en Russie dont les navires étaient dans la zone en vertu d’un accord de pêche bilatéral avec le Maroc.
Sous la pression des peuples européens, après 2 décès, l’accord de pêche UE-Maroc est dénoncé et annulé. De façon cohérente, les accords agricole, ALEAC, de bon voisinage et le statut avancé ont été suspendus par l’UE pour révision.
Parallèlement, les Sahraouis dans un système de représentation élargie laissant une très grande place aux jeunes s’étaient réunis, déterminés à rester ensemble jusqu’à avoir pris une décision allant dans le sens d’une solution.
Puis, dans les campements de réfugiés, ils ont préparé leurs bagages et sont partis à pied pour passer le mur et rentrer. La joyeuse marche du retour, voitures civiles en appui pour les anciens et enfants, a été accueillie en territoires occupés par la même marche sahraouie de bienvenue, partie de toutes les villes des territoires encore occupés. Les amis, quidam et représentants politiques les accompagnaient, – Sahraouis du monde entier et solidaires -, pour la récupération de facto du territoire, sous les yeux des médias. Le peuple ainsi rassemblé a mis en place le referendum et choisi l’indépendance.
C’est le Sahara Occidental en 2018, une la solution a été trouvée pour préserver la paix.
Sinon, imagine…
Nous sommes en 2018.
La compagnie américaine Kosmos Energy a trouvé du pétrole offshore du Sahara Occidental, provoquant l’euphorie du roi du Maroc et du makhzen qui ont fait monter les enchères et vendu des permis pour tous les blocs du Sahara Occidental contre l’avis de l’ONU. Rien n’a empêché l’arrivée de l’américaine Chevron, la chinoise Petrochina, la française Total sur le bloc Anzarane encore élargi, la russe LUKoil, l’anglaise BP. Les violences, expropriations abusives et saccages de la terre et la mer sahraouies s’accélèrent en grand désordre avec le soutien de l’armée marocaine.
Le front de libération sahraoui entre en guerre pour la protection de son pétrole, dont l‘exploitation est illégale à tout autre que son peuple. La sécurité de la région est menacée par cette guerre. Les pays impliqués par la présence de leurs compagnies pétrolières respectives ont des positions diplomatiques mitigées. Les médias sont très contradictoires.
Ban Ki-moon a peu avant reconnu que les Nations Unies ont failli et sont impuissantes en dépit des efforts répétés de ses envoyés et des différentes Secrétaires Généraux qui l’ont précédé. Christopher Ross a démissionné. Bien qu’ayant adopté une approche différente de celle de Baker, il a été contraint de répéter les mêmes démarches et compromis, et s’est trouvé acculé malgré sa grande patience. La haute commissaire aux droits de l’Homme, Navanethem Pillay, déclare, elle, n’être pas informée sur le conflit et n’avoir pas d’éléments.
Après avoir bombardé la zone de Tiris au Sahara Occidental, l’aviation marocaine largue des bombes sur la Mauritanie, en représailles de sa tolérance du passage et de l’utilisation de ses terres par les combattants sahraouis. L’Algérie se déclare concernée. Le conflit est à ses portes. Elle demande la réunion du Conseil de Sécurité.
Les Iles Canaries proches sont ciblées dès les débuts de la guerre. L’Europe est sur le qui-vive. Avec les arguments des risques pour ses navires, et de l’utilisation de ses fonds pour financer le conflit armé, l’Europe dénonce l’accord de pêche avec le Maroc, avec suspension immédiate de toute transaction financière. Le Maroc en difficulté entre avidité pétrolière et combats, demande l’intervention de la France comme en 1977.
Le secrétaire d’État des Etats-Unis, John Kerry, se déplace officiellement au Sahara Occidental. Les conflits au Proche Orient sont réglés. Ce conflit maghrébin nécessite l’intervention claire et efficace des USA.
Le Maroc exploite l’Uranium du Sahara Occidental dans la plus grande discrétion depuis deux ans. La guerre en cours confirme les craintes internationales d’une utilisation nucléaire belliqueuse, d’autant que des câbles wikileaks récemment révélés ont fait état de soupçons d’échanges avec la France sur la question. La France nie. Catherine Ashton, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour l’Union Européenne et vice-présidente de la Commission Européenne rencontre Mohamed 6 à Rabat pour discuter du programme nucléaire du pays. La rencontre est courtoise et n’apporte aucune information ni assurance à l’Europe.
C’est une menace prise très au sérieux au niveau international d’autant qu’au nord du Maroc dans le rif, et dans la région d’Agadir, les mutineries et initiatives individuelles des généraux marocains se multiplient. Des bruits filtrent d’un coup d’État déjoué. Rien n’est prouvé.
En route pour l’Uruguay, l’avion royal, un Boeing 737-8, immatriculé CN-MVI, est immobilisé au sol par Interpol lors de son escale technique à Barcelone. Après les formalités d’usage, 42 tonnes de résine de cannabis sont saisies à bord et détruites. Sous couvert d’anonymat, un membre de l’équipage avoue avoir été missionné par le roi pour chercher des fonds. La valeur marchande de la cargaison est estimée entre 100 et 120 millions d’euros.
L’Union Africaine prend pour la première fois de son histoire des mesures pour stopper la guerre et envoie ses soldats. Le Maroc refuse, il n’est pas membre de l’UA. Le Sahara Occidental l’est. L’intervention est déclarée légitime par les services juridiques de l’UA.
Les Usa envoient un porte-avion, base avant rapprochée pour leur intervention. Ils sont en alerte. Aqmi a saisi l’opportunité du conflit pour les menacer à nouveau. Des chargements d’armes ont disparu dans le désert, des dépôts de carburant ont sauté dans des vacarmes spectaculaires, actes revendiqués par la branche d’Al-Qaïda.
L’armée sahraouie de libération organise la résistance armée à l’intérieur du territoire occupé, pour contenir les risques d’action commando.
A El Aaiun, les résistants sahraouis occupent les stations électriques, les locaux de la télévision régionale et de la radio. Ils ont installé leurs tentes sur les toits.
Suite à une erreur technique, Aljazeera diffuse des images inversées de la ville. Sur cette base en miroir, le Maroc bombarde ce qu’il croit être un campement similaire à celui de Gdaim Izik, et détruit tout le système électrique et de communication du Sahara Occidental.
Seule la zone de Lagueira conserve la possibilité de communications sur le réseau mauritanien. Les Sahraouis utilisent ce moyen de communication pour faire sortir l’information, au compte-goutte.
Au plus fort des combats, le pape François lance depuis la Timor, où il assiste à l’anniversaire de l’indépendance, un appel pour la paix au Sahara Occidental.
L’Espagne a réagi dès l’information de la découverte du pétrole offshore du Sahara Occidental pour réaffirmer son statut juridique d’administrateur colonial sur le Sahara Occidental et revendiquer sa part des bénéfices. Directement concernée par l’extension du conflit sur les Iles Canaries et la menace sur l’Europe, elle change alors radicalement de discours et déclare libérer l’archipel des liens juridiques et historiques qui les lient à elle. L’Espagne déclare officiellement que les Canaries appartiennent à la zone Afrique.
La Mauritanie, profitant du vide juridique, envoie alors ses troupes occuper les Canaries pour « protéger les émigrés mauritaniens » sur place, communauté considérée comme la plus importante. De façon concordante, elle dépose devant l’AG de l’ONU ses revendications sur les Iles, lui demandant d’en prendre acte et de l’officialiser. L’ONU refuse l’occupation et reconnaît le Iles Canaries comme un pays à part entière. L’UA adopte l’intégration des Iles Canaries comme son 53ème membre.
Au Maroc la confusion règne et les troubles populaires sont de plus en plus violents au sujet de la « guerre du roi » qui décime la jeunesse. L’immigration des Marocains vers l’Europe connaît une augmentation sans précèdent dès le début de la guerre. La traversée Tanger Gibraltar est prise d’assaut, les médias parlent de plus de 500 tentatives de passage par jour. Des grands paquebots sont affrétés et c’est une fuite sans contrôle. Les capacités de transports sont dépassées. Ce sont à chaque voyage environ 3000 Marocains qui débarquent au Portugal, et 3200 aux Baléares.
À son habitude, le roi Mohamed 6 a quitté le palais de Rabat. On sait que femme et enfants sont en France, dans le château de Betz, lui n’y est pas. Il est introuvable. La foule le découvre le teint jaune, amaigri et barbu dans une fosse à purin. Les événements s’enchaînent alors très rapidement et malgré les dissensions dans le groupe de ses poursuivants, le roi est torturé à mort. Il révèle rapidement l’emplacement des réserves d’or, ce qui ne le sauve pas. La foule hurle « tu as volé l’or au prix de notre sang », « le sang du peuple, l’or du peuple ».
Ashton quitte précipitamment la cérémonie populaire et symbolique organisée pour fêter l’acquisition de l’indépendance de l’Ecosse, de la Catalogne et des Pays Basque suite à la décision référendaire des trois peuples. Elle se rend au Sahara Occidental cette fois, pour tenter de solutionner ce problème né de la surdité internationale à la volonté d’un autre peuple.
Dans la confusion des attaques menées par l’armée de libération sahraouie contre les troupes marocaines sans plus vraiment de commandement, celles-ci se replient dans le grand désordre et se perdent de nuit au milieu des champs de mines antipersonnel et antichar. Endormies pendant 20 ans, les mines explosent sur le passage des troupes désorientées, causant de lourdes pertes. Pendant la période de paix, quand les nomades sahraouis et leur troupeaux sautaient sur les mines, le Maroc n’avait ni repéré ni dépollué les plus de sept millions de restes de guerre et cela se retourne maintenant contre sa jeunesse.
Les réfugiés sahraouis se sont incorporés à la résistance, peu d’entre eux restent dans les camps de Tindouf. Ils sont dans le désert en territoires libérés et en territoires occupés, et se déplacent par crainte des bombardements marocains. Les souvenirs des traumatismes des anciens, bombardés au napalm et phosphore blanc refont surface. Les populations des villes occupées se sont elles aussi déplacées dans le désert et sont en grande souffrance.
Le Haut Commissariat aux Réfugiés trouve de nombreuses difficultés dans l’approvisionnement en aliments d’urgence et demande la création de couloirs humanitaires. Il fait appel à une extension de budget pour utiliser des avions cargo et parachuter les vivres aux réfugiés. Les ONG ne peuvent plus intervenir dans le désert. Celles implantées dans la capitale occupée sont soit en alerte sécurité, limitant tous leurs déplacements, soit en préparation d’évacuation.
L’UNICEF lance un appel à la communauté internationale. Les enfants Sahraouis sont en danger. Carencés initialement, ils ne bénéficient plus des soins les plus élémentaires.
Des journalistes qui ont réussi à s’introduire au Sahara Occidental, des euro-parlementaires en délégation officielle et des humanitaires sont agressés par les forces marocaines. Conséquence, l’Onu déclare que la Minurso, sa mission sur place doit surveiller les Droits humains au Sahara Occidental.
Résultat de son échec, ultime tentative pour faire évoluer le conflit, l’ONU reconnaît au front Polisario le statut de front de libération national, comme elle a reconnu l’OLP. Le Conseil de Sécurité affirme l’illégalité de l’accord tripartite. Il n’est plus question de passer du chapitre 6 au chapitre 7 de la charte de l’ONU pour tenter de sortir du chaos.
Un congrès international organisé à Genève impose l’indépendance et la reconnaissance du Sahara Occidental par l’Assemblée Générale de l’ONU.
Le Conseil de Sécurité envoie des forces spéciales pour protéger la population sahraouie et surveiller le retrait des troupes et colons marocains.
L’institut des études stratégiques de Baker annonce que le coût de cette guerre, destructions matérielles et pertes humaines, s’élève à plus de 100 fois le coût de la présence de la Minurso pour les 27 années qui ont précédé cette guerre du pétrole, guerre noire de l’indépendance.
La solution est celle-ci, celle-là, ou une autre avec des éléments de celle-ci et celle-là… L’objet était de commencer à écrire. Des actions construiront l’avenir et tous ses infimes détails.
Alors, imagine…
APSO, 17 août 2014
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