Il y a moins de dix jours, le ministre marocain des Affaires étrangères a fait des déclarations dans lesquelles il accuse les responsables diplomatiques algériens de saboter, dans les relations internationales, le droit du régime chérifien à la jouissance des territoires du Sahara occidental, libéré par les Espagnols. Il a dit que la politique extérieure de l’Algérie ne rate pas une occasion pour lever des boucliers de toutes parts afin de freiner le processus international «devant permettre la récupération par le royaume marocain des ses contrées du Sahara», n’ignorant pourtant pas que ce problème relève exclusivement d’une procédure de règlement appartenant à l’organisme suprême des Nations unies, de ses résolutions souveraines et de la bonne volonté de l’administration du Maroc de reconnaître les limites de ses exigences, qui ne doivent pas aller au-delà du droit des Sahraouies et de la Rasd de recouvrer l’ensemble de leurs territoires, occupés par le passé par la puissance coloniale ibérique.
Tandis que la position de l’Algérie, sur ce sujet, est claire, au regard des citoyens algériens et des populations du monde entier et de leurs responsables, ainsi que des observateurs, est inchangé depuis le jour de son indépendance, et qui est de reconnaitre le droit des peuples à jouir souverainement et légitimement de leur territoire, et de les aider dans la mesure des possibles licites, dans la forme et dans le fond. Et l’État algérien, au lendemain de la décision des populations sahraouies de prendre en charge le devenir de leur nation, n’a été que dans ces considérations, conformes aux règlement et pratiques agréés par les textes officiels de l’Organisation des Nations unies.
Lorsque l’Algérie entreprend des efforts matériels et moraux pour porter aide à toutes les populations sahraouies, bafouées dans leurs droits – jusqu’à bénéficier de la présence dans leur patrie – cela ne regarde que l’avis de toutes les franges de ses citoyens qui n’ont jamais refusé de consentir à la force de la main tendue et au partage, c’est dans les us et coutumes des Algériens, depuis la nuit des temps.
Le ministre de l’Intérieur convoque les molosses
Mais voilà que ne vient-il pas un autre larron, qui arrive sur la scène de la communication pour aller dans le même sens de la diffamation, du dénigrement et de la surenchère sur le mensonge. Cette fois, il s’agit du ministre de l’Intérieur, le prévôt en chef du Makhzen, flanqué du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, au cours d’une sorte de conférence de presse, dans laquelle il a été mêlé les pitbulls et les rottweilers les plus engagés aux batailles contre l’image de marque algérienne. M. Mohamed Hassad, au nom prédestiné, dans une déclaration du gouvernement, mercredi passé, fait «le point pour répondre aux accusations d’Alger à l’égard du royaume au sujet de la lutte anti-drogue».
Dans une série de «une-deux» avec son compère de la Communication, M. Mustapha El-Khalfi, le ministre de l’Intérieur ne va pas par trente-six chemins pour cibler le lieu et l’enjeu du terrain d’attaque. Il cite un «responsable algérien» qui déclare l’inquiétude de la montée de la criminalité, notamment dans le volet de la drogue en nommant l’origine du mal, les plantations de cannabis dans le royaume, avec comme conséquences, entre autres, le passage d’immenses quantités de ce produit par les frontières algériennes, et la reprise par la presse des chiffres alarmants pour les dernières années, où pour les six mois écoulés seulement les autorités algériennes ont pu saisir rien moins que plus de 100 tonnes de kif traité. Et le premier galonné de l’exécutif du Makhzen s’offusque que les journalistes algériens expliquent que le kif marocain envahit l’Algérie. Il dit : «L’Algérie est inscrite dans une logique d’accusation systématique à l’égard du royaume du Maroc», incompréhensible selon lui parce que l’Algérie préside la sous-commission chargée de la lutte contre la drogue dans le cadre des grandes actions sur le terrain attribuées aux structures de l’UMA, l’Union du Maghreb arabe. À quel endroit faut-il alors se mettre à saisir, ou plutôt c’est quoi qui est incompréhensible dans cette histoire de la production planétaire du chanvre indien (une autre appellation du cannabis, par rapport à la culture du chanvre ordinaire, plante inoffensive, utile à toutes sortes d’activités humanes saines, dans le cordage, l’industrie textile, l’emballage, la conservation alimentaire, la fabrication de la cellulose, et cetera) ?
La communication et la hantise rifaine
C’est le royaume chérifien qui cultive, traite et organise le management pour le faire sortir de ses frontières et il faut qu’il soit incompréhensible que l’Algérie intercepte une fraction de quantité de ce produit qui viole ses territoires et que ses responsables le disent aux citoyens pour qu’ils sachent où en est la gravité et où se situent les responsabilités. Mais ensuite il ajoute : «Pourquoi l’Algérie, au lieu d’opter pour le dénigrement, n’a
pas réuni cette structure pour faire converger les efforts collectifs de la région…Comment deux pays qui ne se parlent pas peuvent mener une lutte commune et efficace contre des réseaux qui s’activent de part et d’autre des frontières… »
Les deux pays ne peuvent pas s’entendre ? Certainement lorsque l’un des deux a depuis longtemps compris –et que l’autre refuse d’admettre– que le problème fondamental, voire existentiel, du cannabis, est justement l’endroit et le mise de cette question et qui est la stabilité et la souveraineté du royaume, parce que toute une région de ce pays en est le fin du problème : le Rif, ses millions d’habitants et ses territoires laissés pour compte. On ne refait pas ici l’histoire sociopolitique de cet arrière pays dans le nord du royaume, qui a été relégué au dernier souci de l’existence depuis les légendaires révoltes khatibiennes – la première contre les Espagnoles au début du vingtième siècle conclue par une monumentale victoire sur les contingents ibères, poussant leur général au suicide et la seconde en 1958, réprimée dans le feu et le sang par les soldats de Hassan II, causant la mort de plus de 3 000 rifains.
En conséquence de quoi, aux indépendances surtout, il a été décidé que cette région soit noyée dans la culture du kif pour l’abrutir et étouffer ses revendications légitimes. Quand bien même, dans l’exploitation de cette «manne» ce ne sont pas les Rifains qui profitent des dividendes de la commercialisation du produit prohibé, mais des réseaux tournant dans les périmètres administratifs du Makhzen.
Ensuite comment l’Algérie, qui a la charge de la sous-commission de la lutte contre la drogue, peut-elle œuvrer dans le rationnel si les chiffres donnés par les autorités marocaines ne sont jamais viables, et que lorsque les spécialistes algériens de la question demandes à aller regarder dans les terrains, les «responsables» de l’autre côté de la frontière remettent des rapports de terrain préétablis, qui ne correspondent jamais à la gravité de la situation réelle ?
Des chiffres et du délire
Les responsables marocains disent que leurs services ont éradiqué plus de 65% des surfaces réservées à l’exploitation du cannabis, les faisant passer de
134 000 à 47 000 ha, chiffres contredits par les plus grands experts des organisations internationales de la lutte mondiale contre la drogue, dont l’Onudc, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, et dont beaucoup de ses responsables estiment que les étendues incriminées sont dès le départ beaucoup plus importante, de l’ordre du triple, sinon plus, c’es-à-dire de plus de 500 000 ha pour les seules localités de Chefchaouène, Issaguen, Taounete et Ketama, dans le Rif bien entendu.
Dans lesquelles les autochtones, les cultivateurs, gagnent, bon an mal an, quelque 200 millions de dollars, tandis que les commanditaires, les
intermédiaires et les filières, dans les 15 milliards de dollars. Pour une quantité globale de 40 000 tonnes de cannabis par an.
M. Hassad, enfin, conseille aux responsables algériens de méditer sur
«la coopération de son gouvernement avec les Espagnols dans la lutte contre ce fléau», qu’il affirme réussie et reconnue comme telle.
Seulement les choses sur ce coup-là sont tout autres.
Lorsque les gouvernements espagnols et français ont compris que les revendicateurs basques, d’un côté comme de l’autre des Pyrénées, ont fait jonction avec les trafiquants de kif, opérant au Maroc et partant de ce pays vers la France et l’Espagne, Paris et Madrid ont agi en commun pour faire une barrière drastique quasi-infranchissable, avec ou sans le bon vouloir de Rabat.
À cette époque de la contestation basque, une quantité infime pénétrait en Algérie, mais vers la fin de ce conflit et la réouverture des frontières algéro-marocaine et le nouveau climat des relations dans le concours de l’UMA, l’Algérie est devenue, désormais, la cible de prédilection des convoyeurs de
cannabis.
Maintenant quand il ajoute pour clore que l’Algérie est en train de devenir le Croissant d’or africain dans la culture de l’opium, il faut le langage du délire et de la confusion cher aux psychiatres pour tenter d’en dire un mot.
N. B.
http://www.latribune-dz.com/news/article.php?id_article=7861
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