Moncef Merzouki, le Marocain

Pour quel Maghreb et quelle Afrique pense le président de la Tunisie?


Par Ammar Zitouni
La prise de position du président de la Tunisie, Moncef Merzouki, en faveur du Maroc demeure, aux yeux de beaucoup d’observateurs, injuste tant elle place ce pays comme « leader » du rapprochement entre le Maghreb et l’Afrique. Une sortie médiatique qui cache nombre de zones d’ombre. En effet, le président tunisien en marge de sa participation au récent Sommet Etats-Unis-Afrique, a, lors d’une conférence de presse accordée au « Cercle des médias arabes » à Washington, rendu hommage au « rôle que joue le Maroc qui a balisé le chemin devant les Maghrébins et les Arabes pour accéder au continent africain ».
Le président tunisien à travers cet « hommage » rendu au monarque marocain dont le royaume est hors champ depuis des années du périmètre de l’Union africaine et de l’UMA, est une attitude qui relève plus du parti pris que de l’analyse impartiale, objective et neutre envers un pays qui s’est de lui-même marginalisé. En effet, le Maghreb comme l’Afrique sont par définition neutres. Cependant, le président tunisien au lieu de refléter l’esprit de synthèse des torts causés par le Makhzen au Maghreb et l’Afrique, verse dans l’irréel. Pourquoi et dans quel intérêt ? La suite du contenu de cette conférence de presse révélera-t-elle les dessous de ce soutien?
Pour le moment, il faut rappeler que le Maroc en quittant de son propre gré l’Union africaine et en se posant en obstacle permanent à l’intégration maghrébine dans le cadre de l’UMA, ne s’est jamais réclamé d’une Afrique autonome mais seulement d’un courant auquel il appartient et dont la politique extérieure comble d’aise, pour ne pas dire plus, Washington, Paris et Tel-Aviv.
Que vaut donc, le soutien de Merzouki à cette politique aventuriste face aux souffrances du peuple sahraoui sous domination coloniale marocaine depuis plus de quatre décennies. En outre, nul n’ignore que d’autres profitent de la colonisation du Sahara occidental. Le Maroc, pour poursuivre sa guerre contre le Front Polisario, et pour tenir tête à la communauté internationale et aux Nations-Unies, bénéficie de l’aide financière des monarchies du Golfe.
Le monde entier, et bien sûr l’actuel pouvoir tunisien, y compris en effet les alliés arabes et occidentaux du Maroc, sait fort bien que Rabat boude délibérément les organisations régionales et continentales afin de ne pas être rattrapé par la question du Sahara occidental. Dans ces conditions qui font de l’agresseur un « leadership » continental, les propos de Merzouki sont à traduire comme une caution et une mise en relief pour gommer quelque peu les désagréables atermoiements et embarras dont fait preuve le roi Mohamed VI à propos du conflit avec le Front Polisario.
« Le royaume est le premier pays arabe et africain à avoir saisi l’importance du continent africain » (Dixit Merzouki). Cette sortie médiatique en plein coeur de Washington, intempestive, mais calculée, prouve que le flirt du mouvement Ennahdha au pouvoir en Tunisie avec le Palais royal et son gouvernement islamique est trop évident pour ne pas être perçu par les opinions maghrébines et africaines. Ce point de vue semble, dès lors, partagé par l’Union africaine. Et puis, de quel poids peut peser le Maroc, sous perfusion du FMI et de la Banque mondiale, dans le continent, face à l’Afrique du Sud, l’Algérie ou encore le Nigeria.
Mieux, une évolution plus positive du problème sahraoui serait la pire chose pour le Makhzen.
Les liens étroits qui existe entre le Maroc, les capitales occidentales, avec la présence d’une ambassade de l’Etat sioniste à Rabat, et les capitales du Golfe, le pousse à ménager le Maghreb et l’Afrique dans l’espoir d’assouplir la position de l’Algérie à l’égard de la juste cause du peuple sahraoui. En continuant à boycotter l’Union africaine et à faire obstacle au renouveau de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), il arrivera à concrétiser son rêve de s’emparer définitivement du territoire sahraoui.
C’est dire que le « satisfecit » proclamé par Moncef Merzouki à l’égard du roi Mohamed VI n’apporte essentiellement aucune nouveauté ni de réponses aux vrais problèmes de toute la région. C’est tout simplement une « annonce » d’intérêt qui peut susciter des interrogations, surtout que le Maghreb et l’Afrique traversent des temps difficiles.
A. Z.
http://www.tribunelecteurs.com/fichier/11_8_2014/pour.html

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