Par Nadir Bacha
Durant les décennies qu’a duré -et dure encore, aujourd’hui- le problème du Sahara occidental, jamais l’Algérie, par l’intermédiaire de ses représentants au sein de l’État et de toutes ses institutions formelles, n’a considéré officiellement que cette question relève d’une entité conflictuelle entre Alger et Rabat. Par le passé, pendant le long règne de Hassan II, il n’a pas été une situation de crise inhérent à la gestion du royaume par rapport au dossier du Sahara occidental et par rapport à l’effort fourni par l’administration chérifienne sur ce sujet au détriment de l’intérêt des populations dans les villes et les campagnes marocaines, où le régime algérien n’est pas cité comme responsable. La presse dans sa totalité, les médias lourds et les journaux, au service du Makhzen, manquent rarement un moment de publication afin d’haranguer les foules et laisser accroire que l’Algérie, État et Nation, ne s’accorde pas au bonheur du pays de Driss Premier.
Le discours officiel des politiques algériens, parlant au nom de l’État ou expliquant pour le besoin de la cause populaire, réfère tout le temps aux dispositions internationales s’occupant de ce dossier, en l’occurrence l’autorité suprême de l’Organisation des Nations unies et ses délégations officielles appropriées. Et c’est à chaque fois sur la base d’une résolution conforme ou d’une autre que les officiels algériens s’expriment pour dire les réalités sur le terrain et la position de leur pays sur l’ensemble des sujets qui intéressent la région. On a cru à un certain moment, à l’avènement de Mohamed VI sur le trône, que la vision accusatrice de son géniteur allait être mise dans le placard dans l’intérêt réciproque des deux nations souhaitant le départ authentique vers l’effort du développement eu égard aux immenses capacités et potentiels des deux grands pays. Mais surtout dans le souci de préserver le bien fondé de l’Union du Maghreb et son démarrage effectif, dans lequel Alger et Rabat sont des pôles de ralliement développemental incontournables.
Depuis un quart de siècle au moins, les cadres de ces deux pays se sont attelés moralement à ce grandiose projet et ils n’attendent que le feu vert des responsables pour se mettre au travail. C’est justement dans cet espoir qu’en juillet 1999, Abdelaziz Bouteflika, très fraîchement élu à la présidence de la République, et revenant à peine d’une participation au forum de Crans Montana, accompagné d’une importante délégation, est allé à Rabat, assister aux obsèques de Hassan II, regrettant, entre autres, d’avoir à rater un rendez-vous avec lui quelques semaines plus tard (dans le mois d’août) comme convenu pour traiter définitivement du malaise entre les deux pays. À ce moment-là, du point de vue de la logique planétaire, la question du Sahara occidental était carrément du ressort des Nations unies et le souverain avait alors clairement fait parvenir, à travers ses représentations diplomatiques, le message qu’il était favorable au règlement du problème par le biais des résolutions internationales agréées.
D’après certaines biographies crédibles, l’ancien souverain et notre actuel président de la République étaient beaucoup plus souples que celle entre Houari Boumediène ou Chadli Bendjedid ; selon certains, proches dans la relation avec le premier et le second, il s’agissait entre eux de rapports d’amitié depuis bien avant l’indépendance. La relation entre le roi et Bouteflika était tellement forte que le conflit sahraoui n’a pas déteint sur elle !», a déclaré à la presse l’ancien ministre de l’Intérieur sous le règne de Hassan II, M.Driss Basri. Bref, le géniteur de l’actuel Roi du Maroc était convaincu que le retour dans le régime de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Houari Boumediène était une chance pour établir de nouvelles relations avec l’Algérie, quel que soit le devenir de la question sahraouie.
«Les deux hommes (Hassan II et Abdelaziz Bouteflika – Ndlr -), mus par une volonté de pousser plus loin les relations entre leurs pays, ont décidé d’un tacite accord pour mettre de côté ce conflit !», ajoute l’ancien homme du régime marocain. Seulement les opinions régionale et planétaire, autour de ce conflit, depuis la venue de l’héritier, affirment à l’unisson que le régime de Mohamed VI tente par tous les moyens de revenir sur les déclarations traditionnelles consistant à en vouloir à l’Algérie de soutenir la Rasd, sachant que le régime d’Alger le fait tout en respectant toutes les parties en conflit et en même temps de ne pas sortir des termes des résolutions adoptées par les instances officielles de l’ONU.
Sans rentrer dans les grands détails, il faut retenir que le Maroc s’est quasiment condamné en quittant l’Organisation de l’Unité africaine en 1984 lorsque la Rasd a intégré cette communauté d’États. Pire : au fur et à mesure que le dossier avance dans les instances internationales qui le prennent en charge, plus les appareils diplomatiques du régime de Mohamed VI accusent échec sur échec. Dans l’incapacité de chercher les solutions là où il faut, c’est-à-dire dans le concert des Nations unies et de l’Union africaine, les responsables diplomatiques confondent les discours et les mélangent. «L’Algérie utilise tous les moyens financiers et logistiques pour contrecarrer les efforts du Maroc visant à trouver une résolution. Lorsque l’on voit les tentatives du régime algérien pour contrer nos efforts, nous constatons que les méthodes utilisées sont vraiment minables… notre conflit aujourd’hui n’est pas avec le Polisario, mais avec l’Algérie !», a déclaré dernièrement M. Salah Eddine Mezouar, le chef de la diplomatie marocaine, lors d’une audition publique devant une commission parlementaire.
En vérité cette sortie pas trop élégante contre le régime algérien est en réaction avec la désignation par l’Union africaine de M Joachim Chissano, ancien président du Mozambique, comme Envoyé spécial au Sahara occidental. Et selon les penseurs de la diplomatie chérifienne c’est Alger qui est derrière cette «offensive unioniste» tentant à isoler le Maroc. Alors que ce dernier est quasiment isolé depuis quelques années, y compris par les démocraties de l’Europe industrielle et dernièrement par les États-Unis, lorsque Rabat a fini par faire comprendre ouvertement qu’il n’entend pas et que ce n’est pas lui qui décide de l’issue du conflit. Et la communauté internationale sait que l’Algérie n’est pas partie prenante dans le conflit si ce n’est de rester fidèle au principe de porter aide aux pays dont on tente de spolier son intégrité territoriale.
N. B.
La Tribune, 14/07/2014
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