Par Kamel Zaïdi
Car il est à peu près certain que le sieur Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères (et le Maroc, de toute son histoire, n’en a jamais connu de pire), devait certainement être sous l’effet de drogues hallucinogènes, comme il s’en produit en quantités industrielles sur ce territoire, lorsqu’il a osé user du mot » minable « quand il a évoqué, devant des membres du parlement, la désignation par l’Union africaine (UA) d’un envoyé spécial pour le Sahara Occidental. Il ne s’agit pas là, au reste, du premier coup de griffe de la part de divers responsables marocains, y compris le roi Mohamed VI, ce qui trahit de la manière la plus explicite qui soit leur panique et leur exaspération à mesure que l’Etat se resserre sur eux.
Le Maroc, en effet, court droit vers un printemps qui promet d’être explosif. Non seulement les » réformes » de Mohamed VI, dans la foulée des printemps arabes, étaient de la poudre au yeux, étant entendu qu’il a gardé tous les pouvoirs et que sa monarchie est demeurée absolue, mais en plus, la mise à sac systématique des richesses du royaume au profit des affidés du Makhzen, a fini par mettre en place un climat de tension sociale et économique extrêmes, qui finiront certainement par déboucher sur une formidable déflagration.
Et pour ne pas arranger les choses, il faut dire que la politique colonialiste et criminelle du Maroc au Sahara occidental trouve, de plus en plus de mal à être » couverte » par ses soutiens traditionnels, que sont la France et l’Espagne. Enfin, ses nombreux appels à la réouverture de sa frontière terrestre avec l’Algérie, demeurés sans suite jusque-là, lui occasionnent un manque à gagner de l’ordre de plusieurs milliards de dollars. Outre le tourisme, qui le faisait vivre puisque les Algériens se rendaient en masse au Maroc chaque été, il faut dire que ce royaume vit comme un vrai parasite aux crochets de son voisin de l’est, en pratiquant de la contrebande à très grande échelle de l’ensemble de nos produits de large consommation subventionnés, mais aussi en se livrant à un trafic de drogue, étant admis par tous que le royaume chérifien est le plus grand producteur et exportateur de cannabis dans le monde. On serait, dès lors, presque tentés non pas d’excuser, mais du moins de prendre avec beaucoup de condescendance l’écart langagier de ce quidam, tant on compatit et comprend les raisons profondes qui le sous-tendent. On l’aurait certainement fait, en effet, n’était le haut poste que cet individu occupe. Il est à se demander, au reste, ce qu’attend Alger pour convoquer l’ambassadeur marocain, afin d’exiger de lui des explications, voire carrément rappeler le nôtre basé à Rabat » pour consultations « .
Les dirigeants marocains, qui ne savent décidemment pas se tenir en société, ont en effet besoin d’une bonne leçon. Et, comme nous sommes en position de commandeur, alors qu’eux sont dans celle de quémandeur, ce ne sera que » tout-bénéf » pour nous. Mezouar a beau s’être montré lui-même » minable » et » pitoyable « , en usant de ce langage indigne d’un diplomate, il n’en demeure pas moins que les choses ne doivent absolument pas en rester là. Ce serait vraiment trop facile pour Rabat, mais aussi et surtout la voie ouverte vers d’autres dérapages… jusqu’où et jusqu’à quand ?
K. Z.
La Tribune des Lecteurs, 13/07/2014
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