Mohamed Abdelaziz, président de la République arabe sahraouie démocratique, secrétaire général du Front Polisario, a dans cet entretien, affirmé d’emblée que le recours aux armes n’est pas « exclu », même si la voie pacifique est « privilégiée ». Synthétisant une année de combat du peuple, il a assuré que la cause sahraouie avance, lentement peut-être, mais à pas rassurants, allant dans le sens de l’indépendance du Sahara occidental.Reporters : L’année 2013 a été marquée par la célébration par les Sahraouis du 40e anniversaire de la création du Polisario et du déclenchement de la lutte armée. C’est une année durant laquelle également la cause sahraouie a enregistré de francs succès, tant politiques que diplomatiques. Quelle évaluation en faites-vous ?
Mohamed Abdelaziz : Nombre d’événements ont marqué cette année 2013 qui vient de s’achever, particulièrement l’amplification de l’intifadha dans les territoires occupés. Sur le plan politique, comme vous venez de le souligner, la cause sahraouie a marqué sa présence dans maintes occasions, comme ce fut le cas lors de la célébration du cinquantenaire de la création de l’Union africaine. La cause sahraouie a été aussi au centre des débats lors de la réunion du 30 avril du Conseil de sécurité de l’ONU. N’oublions pas aussi de rappeler que la cause sahraouie a été débattue au Parlement européen. Autrement dit, la cause sahraouie avance, lentement peut-être, mais à pas rassurants, nous permettant de concrétiser notre objectif principal qu’est l’indépendance du Sahara occidental.
Les rapports de différents organismes de défense des droits de l’Homme et d’ONG ont apporté des preuves concrètes quant aux violations systématiques des droits des Sahraouis dans les territoires occupés. Comment compte le Polisario s’y appuyer et faire appel à la communauté internationale afin qu’elle fasse à son tour pression sur le Maroc et le ramener à la légalité internationale ?
Depuis 2005 déjà, après avoir tant attendu un référendum d’autodétermination promis par l’ONU, nous avons opté pour une intifadha pacifique. Tout au long de ces années écoulées, nous n’avons cessé d’appeler à l’organisation d’un référendum juste et équitable permettant au peuple sahraoui de jouir de ses droits sur l’ensemble de son territoire. Les revendications légitimes de tous les Sahraouis sont connues. Cependant, de l’autre côté, les forces marocaines ont usé de tout genre de violences à l’égard des militants des droits de l’homme, des femmes et des enfants. La sauvagerie des sévices infligés atteste de la politique de terreur des forces marocaines d’occupation, dont le but est de bâillonner les revendications légitimes du peuple sahraoui. La prise de conscience de certains organismes internationaux est venue peut-être en retard, mais au jour d’aujourd’hui, rien ne se cache plus à ces organismes.
Quid de la Minurso dans tout cela ?
Etrangement, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental est la seule mission onusienne dans le monde à ne pas disposer d’un mécanisme de surveillance des droits de l’homme.
A cet effet, nous renouvelons une fois de plus notre appel aux Nations unies et son Conseil de sécurité afin qu’il assume pleinement ses responsabilités pour l’élargissement des prérogatives de la mission des Nations unies au Sahara pour que cette dernière puisse s’acquitter pleinement de son rôle, à savoir la surveillance des droits de l’homme, et en rapporter les faits et les violations, la liberté de mouvement et de communication avec les Sahraouis et la tenue dans les plus brefs délais du référendum au Sahara occidental.
Vous avez rencontré récemment, lors des funérailles de Nelson Mandela en Afrique du Sud, Barak Obama, le président américain. Peut-on savoir quel était le contenu de votre brève entrevue ?
Nous avons abordé en premier lieu l’intérêt des USA quant aux droits de l’homme au Sahara occidental. Et disons que la responsabilité des USA, tout comme des autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, est grande puisque la Minurso, à ce jour, ne dispose pas d’un mécanisme de surveillance des droits de l’homme, comme déjà souligné. Dans ce cadre, nous interpellons les USA à garder cet intérêt affiché vis-à-vis de la question sahraouie et le remettre au débat en avril prochain.
On ne peut évoquer l’élargissement des prérogatives de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme sans parler de la position d’un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qu’est la France…
La France et l’Espagne ont une très grande part de responsabilité dans le dossier sahraoui. La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et l’Espagne, en tant que force administrative ayant trahi les Sahraouis. Nul ne peut imaginer le rôle pourri que jouent ces deux pays dans les misères vécues au quotidien par les populations sahraouies. Leur position ne les honore en aucun cas, sachant qu’ils continuent à défendre la thèse marocaine. Un Maroc qui continue à faire fi de la législation internationale et mène un véritable génocide contre les Sahraouis.
Christopher Ross, lors de sa dernière tournée dans la région, avait affirmé qu’il allait organiser des rencontres bilatérales entre les deux parties en conflit. Peut-on s’attendre à des résultats satisfaisants permettant l’autodétermination des Sahraouis ?
C’est une proposition que le Polisario salue et soutient. Nous attendons à ce que l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental nous fasse signe. Mais à mon avis, la bonne volonté de Christopher Ross de faire avancer les choses ou l’appui sahraoui ne suffiront pas. Le Conseil de sécurité doit exercer une véritable pression sur le Maroc, qui s’entête et qui bloque toute démarche de règlement du conflit au Sahara occidental.
Ces derniers temps, la reprise des armes est souvent évoquée. La base militante du Polisario ne cesse de faire d’énormes pressions sur l’instance dirigeante. Cette même base ne croit plus au processus de négociation qui n’a rien apporté jusque-là. Peut-on dire que le recours à la lutte armée est envisageable ?
Le recours aux armes n’est pas exclu. Il pourrait survenir à tout moment. Nous sommes disposés à arracher notre indépendance par tous les moyens, quoique nous privilégiions les voies pacifiques. Le peuple sahraoui, dans toutes ses franges, est déçu. Chose légitime, sachant que l’ONU n’arrive toujours pas à honorer ses engagements, puisque le référendum d’autodétermination nous a été promis en 1991. Vingt trois ans après, on n’a rien vu venir. Bien au contraire. Tout porte à croire que le référendum d’autodétermination est en train de s’éloigner davantage. La reprise des armes est un droit légitime du peuple sahraoui. Un droit reconnu depuis 1972 par l’Assemblée générale de l’ONU, d’une part. D’autre part, les Sahraouis ont une longue expérience de la guerre. La bravoure des combattants sahraouis a été de tout temps démontrée. Pendant notre guerre de libération menée contre les forces d’occupation marocaines, ces dernières, à leur tête Hassan II, alors roi du Maroc, avaient reconnu l’impossibilité de vaincre les troupes de l’Armée de libération du peuple sahraoui (ALPS). En tout état de cause, les jours du colonialisme marocain sont comptés. Nous sommes optimistes quant à l’avenir de la justesse de notre cause. Notre retour sur les terres de nous aïeux n’est qu’une question de temps.
La jeunesse sahraouie, tout comme les populations des territoires occupés, subissent au quotidien toutes sortes de supplices. Le Maroc tente aussi d’inonder ces territoires de cannabis particulièrement. La protection de cette jeunesse est une autre responsabilité du Polisario. Qu’en est-il justement sur le terrain ?
La meilleure protection qui puisse porter ses fruits ne peut être que celle de croire à la noblesse de la cause de tout un peuple réprimé tout le temps dans le sang depuis les premières heures de l’invasion marocaine. Nous pouvons être aujourd’hui fiers de nos jeunes qui mènent un combat sans relâche pour l’indépendance de notre pays, le Sahara occidental. Franchement, le colonialisme marocain, quoiqu’il ait tenté de marocaniser le Sahara occidental, les populations prennent conscience. Mohammed VI et son Makhzen ont échoué. Ni la falsification des vérités historiques, encore moins les campagnes de dénigrement menées au plus haut niveau par les autorités marocaines n’ont détourné les Sahraouis de leur cause.
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