Les dégâts occasionnés par Nicolas Sarkozy aux relations algéro-françaises seraient en voie d’être réparés. Il faut dire que Sarkozy ne s’est pas ménagé, tant il était parti pour croire que sa «victoire» en Libye était un prélude à l’effondrement de l’Algérie et à son retour sous la botte de la France. Il a activé ses supplétifs, il a mobilisé ses médias, il a travaillé à déstabiliser comme il a pu, en vain, ne comprenant pas que les Etats-Unis, sans lesquels rien ne se fait, avaient d’autres projets en tête, pour l’aider à la tâche, et que les Algériens gardaient toujours un chien de leur chienne au colonialisme. Il est donc parti sans accomplir son rêve de reconquête, sans même avoir sauvé la face par un geste d’apaisement.
François Hollande, avant même de lui succéder, avait compris ce qu’il fallait faire et cela semble lui réussir. Il a pu inverser la détestation de l’opinion algérienne en sa faveur et faire oublier l’ignominie de son prédécesseur, sans qu’il en soit foncièrement différent. Le pragmatisme a payé, le climat se réchauffe au point que le pouvoir algérien accepte d’aller se fourvoyer dans une sulfureuse «amitié avec le peuple syrien», rompant magistralement avec ce «non-alignement», dont l’Algérie constituait l’un des fers de lance et consentant à jouer le rôle de comparse des pires ennemis de l’humanité.
Malgré cette compromission, le gouvernement algérien devrait prendre la juste mesure de son hôte parisien. A moins qu’il ne se soit passé des choses dans la stratégie nord-africaine de la France. Des choses que l’on peut soupçonner d’avoir précipité Mohammed VI à Paris, juste après l’élection présidentielle, et qui doivent provoquer une certaine panique du côté du Makhzen. Des choses annoncées par le voyage électoral, à Alger, du futur président. On pronostique, déjà, une «reconsidération dans un sens plus équilibré des rapports de la France avec les deux puissances que sont l’Algérie et le Maroc».
Et, dans le tas, il y a des petites phrases qui ne coûtent rien, comme celle-ci : «La France considère qu’il y a place désormais pour un regard lucide et responsable sur son passé colonial si douloureux et en même temps un élan confiant vers l’avenir». Il paraît même que François Hollande va complètement revoir la copie colonialiste pour adopter un autre style, plus «normalisé» avec l’Afrique en général, et l’Algérie, en particulier. Ceci, en apparence. Car ce serait curieux qu’il y ait un vrai revirement sans réciprocité. A ce titre, la présence de Mourad Medelci, le chef de la diplomatie algérienne, à la conférence occidentale contre la Syrie, est un cadeau infiniment plus important que l’adoption par la France d’une attitude plus respectueuse des règles qui doivent prévaloir dans les relations entre Etats.
On assiste à un virage fondamental dans la politique étrangère algérienne, qui intègre, ouvertement, le pays dans la stratégie atlantiste et le «normalise» aux yeux de la «communauté internationale». Il restera à connaître et à évaluer les concessions économiques qui viendront et qui nous donneront la pleine mesure du prix qui a été payé, en soutien à une économie française à bout de souffle.
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 11/07/2012
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