Sahara Occidental: marge de manœuvre du nouvel émissaire onusien

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Quelle sera la marge de manœuvre du nouvel envoyé spécial de l’Onu pour le Sahara occidental?

Dans un entretien à Sputnik, le représentant du Front Polisario en Europe, Oubi Bouchraya Bachir, s’exprime sur la nomination de l’Italo-Suédois Staffan de Mistura au poste d’envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu au Sahara occidental. Pour lui, sans un engagement sérieux et déterminé du Conseil de sécurité, cette nomination serait vaine.

Depuis la démission en mai 2019 de l’ancien Président allemand Horst Köhler, le poste d’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental est resté vacant.

Le 15 septembre, le Maroc, qui a refusé de donner son accord à plus d’une dizaine de noms proposés par le secrétaire général de l’Onu, a filament accepté la nomination de l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, ancien envoyé spécial pour la Syrie. Les négociations sont en cours au Conseil de sécurité pour valider et officialiser cette nomination. Vendredi 27 août, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, avait également nommé le Russe Alexandre Ivanko en tant que nouveau représentant spécial pour le Sahara occidental et chef de la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO).

Ces deux nominations interviennent quelques semaines après la décision d’Alger, qui soutient le Front Polisario dans sa lutte pour l’autodétermination face à Rabat, de rompre ses relations diplomatiques avec le royaume chérifien, citant plusieurs griefs, dont le soutien affiché et renouvelé de ce dernier au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), présidé par Ferhat Mehenni et basé en France, et les attaques du chef de la diplomatie israélienne contre l’Algérie.

Qui est ce diplomate et que peut-il apporter à la résolution de ce conflit qui dure depuis 46 ans? Après plusieurs mois de refus, pour quelles raisons le Maroc a finalement changé de position? Dans quelles conditions le nouvel envoyé spécial du chef de l’Onu pourrait réellement faire bouger les lignes?

Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité le représentant du Front Polisario en Europe et au sein de l’Union européenne, Oubi Bouchraya Bachir. Pour lui, «bien qu’importante, la nomination d’un envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu pour le Sahara occidental n’est pas un objectif stratégique majeur en soi».

«La solution entre les mains du Conseil de sécurité»

«Staffan de Mistura est un diplomate de stature internationale, dont la compétence et la probité morale et intellectuelle sont irréprochables», affirme M.Bouchraya Bachir, soulignant que «le Front Polisario a donné son accord en vue de sa nomination depuis le mois d’avril».

En plus de la Syrie, Staffan de Mistura a également représenté le secrétaire général de l’Onu en Afghanistan (2010-2011), en Irak (2007-2009) et au Sud-Liban (2001-2004). Aussi, il a à son actif des opérations onusiennes effectuées en Afghanistan, au Rwanda, en Somalie, au Soudan ou encore en ex-Yougoslavie.

«En tant qu’envoyé spécial d’Antonio Guterres pour le Sahara occidental, ses prérogatives lui confèrent les moyens de faire avancer la mise en application des solutions au conflit et de mener les négociations entre les deux parties, ainsi que fédérer l’appui international nécessaire à l’application des avancées réalisées», ajoute-t-il, soulignant qu’il reste néanmoins «ligoté par la feuille de route que lui tracera le Conseil de sécurité».
Et d’ajouter que si «le Maroc a pu retarder l’arrivée d’un autre diplomate à ce poste, dans le but de maintenir le statu quo qui dure depuis plus de 30 ans afin, in fine, de faire accepter à la communauté internationale son plan d’autonomie par le fait accompli, c’est dû essentiellement au laxisme de celui qui a la solution au conflit entre ses mains, c’est-à-dire le Conseil de sécurité, notamment ses membres permanents, qui a tourné le dos à ses responsabilités au Sahara occidental».

Un contexte régional et international différent

Suite à l’intervention le 13 novembre 2020 des Forces armées royales (FAR) marocaines pour prendre le contrôle du passage frontalier de Guerguerat, le Président de la République arabe sahraouie démocratique, Brahim Ghali, a signé un décret mettant fin à l’engagement de la RASD à respecter l’accord de cessez-le-feu avec le Maroc signé en 1991.

Bien que le bruit coure déjà depuis plusieurs mois, la prochaine victime de la rupture des relations entre les deux pays est l’accord gazier bilatéral qui permet l’acheminement du gaz algérien vers l’Espagne, via le gazoduc Maghreb-Europe (GME) traversant le territoire marocain. Le ministre algérien de l’Énergie, Mohamed Arkab, a rassuré le 26 août l’ambassadeur d’Espagne à Alger, Fernando Morgan, que l’approvisionnement sera assuré via le gazoduc Medgaz, reliant directement les deux pays. Ceci va certainement impacter l’économie marocaine, avec toutes les complications que cela va engendrer dans toute la région.

Deux ans après la chute de Kadhafi, la capitale malienne a failli tomber entre les mains d’organisations terroristes, dont certaines ont prêté allégeance à Al-Qaïda* et à Daech*. En 2013, à la demande du gouvernement malien, la France est intervenue militairement dans le cadre de l’opération Serval, qui a cédé la place à Barkhane et à la Force G5 Sahel en 2014, mise sur pied sous les auspices de l’armée française. Alors que la France a décidé de réorganiser Barkhane, les États-Unis ont laissé tomber l’Afghanistan entre les mains des talibans* après 20 ans de guerre et se préparent à se retirer également du Moyen-Orient pour redéployer leurs forces dans la région du Pacifique. Ainsi, les probables répercussions de cette situation sur la sécurité et la stabilité au Maghreb et au Sahel sont prises très au sérieux par les autorités des pays de ces régions.

«Imposer le respect du référendum»

Alors que le royaume chérifien revendique sa souveraineté sur le territoire du Sahara occidental depuis 1975 suite à la marche verte lancée par feu le roi Hassan II, Oubi Bouchraya Bachir précise que «l’Onu, l’Union africaine (UA) et la Cour internationale de Justice (CIJ) ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental».

Et de mettre en garde que «la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, malgré son caractère exclusivement bilatéral, est une gravissime escalade pouvant mener à un embrasement de toute la région de l’Afrique du Nord, auquel il faut ajouter la situation en Libye et dans la majorité des pays du Sahel infestés par les organisations terroristes, le trafic d’armes et de drogues et la criminalité transnationale».

«Le Conseil de sécurité, notamment ses membres permanents, dont le rôle est de faire valoir le droit international, doit imposer au Maroc le respect de la résolution relative à l’organisation du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, afin que le bruit des armes cesse à jamais dans la région», lance-t-il.

Enfin, il souligne qu’«au regard de la situation dangereuse dans le Maghreb et le Sahel, il est temps de faire preuve de plus d’intelligence et de bon sens et dépasser tous les points litigieux, pour lancer une coopération dans des domaines comme l’énergie, l’eau, l’environnement, les transports en commun à grande vitesse, l’industrie, l’agriculture, l’éducation et la recherche scientifique et technologique, le tourisme, en plus de la sécurité et la défense».

«Ensemble, la République arabe sahraouie démocratique (RASD), le Maroc, l’Algérie, la Libye, la Tunisie et la Mauritanie pourront bâtir un espace économique, financier, infrastructurel et politique à même de donner à tous les peuples de la région les moyens d’une vie digne, paisible, prospère et enthousiasmante», conclut-il, affirmant que «les droits, les intérêts et les aspirations de tous ces peuples doivent être pris en considération dans un ensemble harmonieux, auquel pourraient se joindre les pays du Sahel».

Sputnik, 17/09/2021

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