Ces dernières années, Bassem Awadallah était apparu au côté de Mohammed ben Salmane, surnommé MBS, lors du Davos du désert à Riyadh. Il a également été photographié en train de prier aux côtés du dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, un rare privilège.
L’Arabie saoudite a nié toute implication dans la crise au sein de la famille royale jordanienne mais l’arrestation à Amman d’un conseiller du prince héritier Mohammed ben Salmane a provoqué un malaise à Riyadh, qui a fait pression pour sa libération. L’Arabie saoudite a publiquement apporté son soutien au roi Abdallah II de Jordanie dans sa querelle avec son demi-frère, le prince Hamza, ce qui n’a pas totalement dissipé les soupçons sur un rôle de Riyadh dans la crise de la monarchie hachémite. Ces soupçons ont été alimentés par la suggestion faite par Amman qu’une main «étrangère» était à l’origine de la crise, ce qui a fait tourner les regards vers Riyadh, les deux pays arabes étant pourtant de proches partenaires.
Mais Riyadh n’a «aucun intérêt à déstabiliser la Jordanie», a affirmé une source proche des dirigeants saoudiens. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane, a même conduit une délégation à Amman la semaine dernière pour exprimer la solidarité de son pays avec le roi Abdallah II.
Les dirigeants saoudiens pensaient que le prince Fayçal devait, «en personne et non par téléphone», dissiper des «rumeurs», selon la source.
La source saoudienne a toutefois démenti que la délégation était partie chercher Bassem Awadallah, un Jordano-saoudien lié au prince héritier saoudien et ancien émissaire à Riyadh qui fait partie des 16 personnes arrêtées dans le cadre de ce qu’Amman a décrit comme un complot visant à saper sa stabilité. Mais des proches du dossier ont fait état de pressions exercées par la délégation saoudienne à Amman pour sa libération. Ces dernières années, Bassem Awadallah était apparu au côté de Mohammed ben Salmane, surnommé MBS, lors du Davos du désert à Riyadh.
Il a également été photographié en train de prier aux côtés du dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, un rare privilège. «Non seulement le ministre des Affaires étrangères (saoudien) est allé chercher Bassem, mais le directeur des renseignements et le chef de cabinet de MBS ont fait le déplacement» avec lui, a déclaré Bruce Riedel, un ancien de la CIA, aujourd’hui analyste au centre de réflexion américain Brookings Institution.
«Bassem Awadallah a une relation personnelle avec le prince héritier (saoudien). Le fait qu’il soit en prison nuit à l’image saoudienne, tant en Jordanie qu’à l’étranger, car les soupçons sur l’implication saoudienne (dans la crise) ne se trouvent pas totalement dissipés», a expliqué un responsable occidental basé dans le Golfe.
Pour Besma Momani, professeure à l’Université de Waterloo au Canada, Bassem Awadallah compte en raison de sa connaissance de nombreux projets économiques, stratégiques et politiques «que les Saoudiens ne veulent pas voir divulgués».
Les autorités jordaniennes n’ont pas précisé les accusations portées à l’encontre de Bassem Awadallah, mais la crise semble être liée au fait que le prince Hamza avait été écarté de la succession au profit du fils du roi Abdallah II. «L’arrestation de (Bassem) Awadallah détourne l’attention des rivalités au sein de la famille royale jordanienne et laisse entrevoir une possible implication étrangère», a estimé le responsable occidental basé dans le Golfe.
La crise en Jordanie fait écho aux jeux de pouvoir et aux purges au sein de la famille royale en Arabie saoudite, où le roi Salmane a écarté en 2017 le prince héritier en titre au profit de son jeune fils, le prince Mohammed. «Il reste à voir si le roi Abdallah II a la volonté et ou le pouvoir et l’autorité de faire taire son frère, mais un échec dans ce domaine affaiblira la monarchie (jordanienne), peut-être fatalement», a écrit Ali Shihabi, un conseiller du gouvernement saoudien, sur Twitter.
Selon lui, si le roi Salmane n’avait pas été «si ferme» contre les rivaux lors de la désignation de MBS comme prince héritier, il aurait été exposé à de multiples «épisodes Hamza».
L’Expression, 14 avr 2021
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