Sommes-nous en train d’assister à un rebond de la polémique autour de l’exploration du gaz de schiste, qui avait agité il y a cinq ans le landerneau politique syndical. En 2015, date à laquelle l’exploration d’un premier puits de gaz de schiste, était lancée dans la localité de Ain Amenas, une bronca citoyenne s’est élevée brusquement dans le sud du pays, à l’instigation d’activistes d’un mouvement de jeunes du sud, issus de la société civile.
Leur opposition frontale au projet, porté alors par Abdelmalek Sellal, Premier ministre, était fondée sur les risques environnementaux, notamment la menace sur la nappe phréatique de l’Albien, principale ressource en eau dans la région.
Le Gouvernement a eu beau faire appel à des experts américains pour expliquer que l’exploration du gaz de schiste, grâce à l’évolution des techniques de fracturation de la roche, ne présentait pas le moindre motif d’inquiétude. Peine perdue, le président Bouteflika, devant la position inflexible des animateurs du mouvement citoyen du sud, appuyé par des partis politiques à Alger, a fini par ordonner à son premier ministre de retirer le projet.
Cinq ans après, le théâtre des opérations n’est plus le sud du pays, mais Alger et plusieurs autres régions du pays, où des milliers de citoyens sont sortis avant-hier dans la rue pour dire que « l’Algérie n’est pas à vendre ! » L’objet de la discorde n’est pas le gaz de schiste, mais la nouvelle loi sur les hydrocarbures, entérinée avant-hier en Conseil des ministres et qui accorde des bénéfices faramineux aux entreprises étrangères désireuses de développer un partenariat avec Sonatrach. Mais dans le cas de ce projet de loi sur les hydrocarbures, ses adversaires sont vent debout contre son contenu et contre son promoteur Noureddine Bedoui.
En effet, dans ses nouvelles dispositions, le projet constitue une « remise en cause de la souveraineté économique du pays », un des arguments entendus avant-hier devant le siège de l’APN. Des experts , comme Abdelmadjid Attar, ancien ministre de l’Energie, le Pr Chemseddine Chitour, apportent un peu d’eau au moulin du pouvoir en admettant la « nécessité » de faire évoluer la loi datant de 2013 pour rendre plus attractif le marché algérien. Mais l’un comme l’autre sont d’accord pour dire que le contexte politique actuel, marqué par un bras de fer qui dure depuis huit mois entre le pouvoir et le Hirak, n’est pas propice à la mise en route d’un projet de cette nature. D’autant plus que le gouvernement Bedoui souffre d’un déficit de légitimé pour prendre une décision aussi engageante pour l’avenir politique du pays, alors que sa mission est de gérer les affaires courantes ».
Certes le Conseil des ministres a entériné hier le projet, mais ce n’est pas pour autant que tout est joué. Loin s’en faut. Le parlement, sur un ordre venu de haut peut déprogrammer le débat. Comme le chef de l’Etat a la possibilité d’ordonner le retrait du projet, comme l’avait fait Bouteflika en 2015 pour le gaz de schiste. En fait, le pouvoir pourrait être amené à renverser la vapeur dans les semaines qui viennent en faisant du retrait de ce projet une carte politique à jouer. Retrait comme mesure d’apaisement politique contre adhésion des contestataires au processus électoral. Il est vrai qu’il y a quelque chose de machiavélique dans l’exercice, mais la politique est l’art du possible.
H.Khellifi.
L’Est Républicain, 15 oct 2019
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