Alors que le mouvement des gilets jaunes en France s’est peu à peu décrédibilisé notamment à cause des violences et du vandalisme, le peuple algérien nous a donnés une belle leçon en matière d’exercice de la démocratie. Plus exactement, comment utiliser avec intelligence un des droits fondamentaux de la démocratie, celui de manifester!
Vendredi 22 février, des centaines de milliers d’algériennes et d’algériens, dans plusieurs villes d’Algérie, sont sortis exprimer leur désaccord face à la présentation du président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat.
Cette démarche pacifique est exceptionnelle et inattendue; le peuple algérien, malgré son mécontentement général ces dernières années, lié à une situation économique et socio-politique de plus en plus dégradée, semblait averse à tout soulèvement.
La crainte d’un scénario de type « printemps arabe » à la syrienne excluait toute tentative de bouleversement du système.
Sauf qu’aujourd’hui, aux yeux de la majorité des algériens, la classe politique est allée trop loin: L’absurdité des discours politiques, la mauvaise gouvernance et la dilapidation des richesses du pays ont atteint leur paroxysme.
La population a conscience que cette situation critique aurait des répercussions catastrophiques à moyen et à long terme. Elle a conscience que le changement ne peut résulter de l’inertie, mais dans le même temps, elle refuse une révolution qui replongerait le pays dans le cauchemar de la décennie noire. Les souffrances affligées au peuple pendant cette période ont eu raison de sa témérité.
La prudence étant dorénavant dans tous les esprits, un seul mot d’ordre avait été donné le 22 février : Pas de violence ni de de destruction.
Cette marche spontanée se voulait pacifique mais il y avait la crainte qu’elle ne se transforme en bain de sang.
De ce fait, certains leaders de l’opposition au 5e mandat, se sont exprimés dans des vidéos sur les réseaux sociaux pour mettre en garde les participants à cette marche contre le moindre geste de violence envers les forces de l’ordre et contre la destruction des institutions et des biens publics. Car le moindre dérapage venant des manifestants aurait donné un motif de sérieuse riposte à la police.
Non seulement cette directive a été parfaitement respectée mais les marcheurs ont fait preuve de responsabilité, de solidarité et de civisme.
Responsabilité
Aucun incident grave n’a été rapporté par les sources officielles ni par les groupes de protestataires. En visionnant les centaines de vidéos qui circulent sur internet, il est indéniable que les manifestants dans leur ensemble ont fait preuve de bonne conduite face aux forces de l’ordre.
Nous pouvions même y entendre des échanges en arabe « Vous êtes nos frères, nous défendons la même patrie », ou des cris comme « Silmiya » (Pacifique) pour rappeler les directives entre les manifestants quand certains étaient tentés d’y déroger.
Solidarité
A Alger centre, une forme de solidarité s’est manifestée entre les habitants du quartier et les marcheurs. En effet, on pouvait voir des bouteilles d’eau posées sur les trottoirs par les résidents et mis à la disposition des manifestants assoiffés.
Aussi, selon certains témoignages, afin de prévenir les éventuelles expositions au gaz lacrymogène, des femmes jetaient aux marcheurs des bouteilles de vinaigre et des citrons depuis leurs balcons.
Civisme
Enfin, le fait le plus marquant dans cette manifestation du 22 février est la mobilisation des jeunes pour nettoyer les places publiques. Après que le grand nombre des manifestant se soit dispersé, on pouvait voir, ici et là, des jeunes hommes vêtus de gilets jaunes avec des sacs en plastic à la main, s’attelant à ramasser les déchets laissés par la foule. Voici une bonne pratique qui pourrait inspirer les gilets jaunes en France.
Par Gilbert Tessandier
Source: Gouvernance