La Russie ne veut pas que l’Iran « supprime le régime sioniste de la carte politique »

Par Andrew Korybko – Le 4 février 2019 – Source orientalreview.org

andrew-korybkoLe général de Brigade, Hossein Salami, second personnage du Corps des gardiens de la révolution iranien, a déclaré sur le ton de la confiance : « Nous annonçons que si Israël engage une quelconque action débouchant sur une guerre contre nous, cela amènera à son élimination définitive et à la libération des territoires occupés. La stratégie de l’Iran est de supprimer le régime sioniste de la carte politique, et que les Israéliens eux-mêmes prennent part à ce plan de par leurs activités criminelles ».

Il s’agissait évidemment d’une réponse aux dernières frappes israéliennes lancées contre les positions supposées du groupe paramilitaire en Syrie, et à la promesse de Netanyahou de faire tout le nécessaire pour forcer leur retrait de la République arabe. Il s’agissait bien entendu également d’une répétition des propos mal traduits (mais fortement diffusés) de l’ancien président iranien Ahmadinejad au milieu des années 2000, s’étant alors agi – dans l’interprétation de travers que les médias dominants propagèrent – « éradiquer Israël de la carte ».

Le lecteur devrait avoir à l’esprit la remarque de Poutine lors d’une interview pour RT qu’il donna en 2013, lorsqu’il déclara qu’« il n’est pas si important qu’il s’agisse d’une citation exacte ou non. Retenons-en qu’il vaut mieux éviter des propos qui peuvent être mal cités ou interprétés de plusieurs manières. C’est pour cela que le focus sur l’Iran n’est pas fait sans raison ».

La Russie est donc fermement opposée à la position officielle de l’Iran de mener un changement de régime contre les alliés de Moscou à Tel Aviv. Sergey Ryabkov, adjoint au Ministre des affaires étrangères, lors d’une interview sur CNN la semaine dernière, a pris ses distances avec la notion très médiatisée qui veut que la Russie soit également « alliée » de Téhéran.

En réponse à une question qui s’enquérait de savoir si la Russie et l’Iran étaient alliés en Syrie, il a secoué la tête et déclaré de manière univoque : « Ce ne sont pas les mots que j’emploierais pour décrire ce que nous sommes avec l’Iran. Nous ne sous-estimons en aucune manière l’importance des mesures qui pourraient garantir une très grande sécurité à l’État d’Israël ».

Considérés ensemble, les propos du président Poutine et de l’adjoint au Ministre des affaires étrangères Ryabkov portent la politique d’État officielle, catégoriquement opposée aux intentions de changement de régime portées par l’Iran en Israël. Clarification est également faite qu’aucune alliance n’est nouée entre les deux grandes puissances, malgré leur coopération pragmatique anti-terroriste en Syrie.

Il s’agit d’un signal pour Israël : la Russie n’accourra pas au secours de l’Iran dès que l’« État juif » auto-proclamé bombardera ses positions supposées en Syrie, considérées par Tel Aviv comme une menace à sa propre existence. Mais la Russie tâchera de jouer les intermédiaires et de parvenir à une « compréhension » entre les deux, comme elle l’a fait l’été dernier, en encourageant l’Iran à reculer de 140 kilomètres du plateau du Golan occupé. Tout le monde aura ici compris que l’armée russe ne s’engagera en faveur d’aucune des parties si elles en viennent aux coups.

Mais cela risque ce ne pas arriver de sitôt, les déclarations iraniennes ne constituant rien de plus qu’une ré-affirmation idéologique de sa position déjà exposée, en réponse à la rhétorique pré-électorale de Netanyahou contre le rôle du Corps des gardiens de la révolution iranienne en Syrie ces dernières semaines, et non à la soi-disant « menace » qu’il plaît à certains de décrire.

Si les mots en soi sont effectivement menaçants à l’égard de la sécurité d’Israël, ces mots ne suffisent pas en soi à établir la volonté d’action imminente de la part de l’Iran – si tel était le cas, ces actions auraient déjà été lancées. La déclaration du Corps des gardiens de la révolution s’apparente plutôt à une action de se frapper le thorax, pour rallier ses alliés en Syrie contre les dernières attaques subies là-bas par Israël, et pas le début d’une guerre conventionnelle entre l’Iran et Israël.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le 1er février 2019.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Le Saker Francophone

Tags: Iran, Russie, Israël, Palestine, Hossein Salami,

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