Elle est l’objet de toutes les polémiques lorsque survient un attentat : à quoi sert vraiment la fiche S ? Décryptage.
Fiche S, un outil de renseignement
La fiche S, pour « sûreté de l’État », est l’une des catégories du fichier des personnes recherchées (FRP). Il s’agit d’un outil utilisé principalement par les services de renseignements et d’enquête, police et gendarmerie. Elles sont principalement émises par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Elle sert à « procéder à la surveillance de ceux sur lesquels ne repose aucune incrimination pénale, mais qui peuvent, par leur activité, représenter à un moment ou à un autre un risque de trouble à l’ordre public ou une atteinte à la sûreté de l’État ».
Ainsi, faire l’objet d’une fiche S ne signifie pas être surveillé en permanence, ou même occasionnellement. Dans les cas les plus sérieux, la fiche S permet de déclencher une surveillance plus poussée : écoutes, filatures, balises posées sur un véhicule, sonorisation de locaux (micros), surveillance électronique (mails).
Cette fiche comporte plusieurs renseignements comme l’état civil de l’individu fiché, sa photographie, les motifs de sa recherche et la conduite à adopter si le fiché S est contrôlé.
Elle peut concerner des personnes radicalisées mais pas uniquement. Ainsi, des militants de l’ultradroite ou de l’ultragauche, ou des hooligans par exemple, peuvent aussi faire l’objet d’une fiche S.
Combien de fichés S en France ?
Environ 20 000 individus font l’objet d’une fiche S, dont 12 000 pour radicalisation, selon des chiffres de février 2018.
Un autre indicateur est celui du nombre d’individus figurant au Fichier de signalement pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT. Créé en 2015, spécialement pour prévenir la menace terroriste, il comportait, en février 2018, environ 20 000 individus. Certains d’entre eux peuvent être fiché S tout en figurant au FSPRT.
Pourquoi la fiche S fait débat ?
A chaque attentat, plusieurs responsables politiques réclament l’incarcération préventive des fichés S ou le renforcement des moyens de surveillance à leur encontre. Des demandes difficiles, voire impossibles à mettre en oeuvre.
Concernant le renforcement de la surveillance des fichés S, cela n’est matériellement pas possible : il n’y a pas assez d’agents du renseignement pour surveiller, 24 h sur 24 h et 7 jours sur 7 la totalité des fichés S. Certains d’entre eux font néanmoins l’objet d’une surveillance renforcée.
Impossible d’enfermer préventivement un individu
Concernant la rétention administrative des fichés S, elle pose un problème légale. Être fiché S ne signifie pas que l’individu a commis une infraction. Or, il est impossible d’enfermer préventivement un individu, avant la commission d’une infraction.
« Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d’une procédure pénale. C’est le socle de l’Etat de droit. On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction », rappelait ainsi, dès 2016, François Molins, alors procureur de la République de Paris.
Des terroristes fichés S
Ces dernières années, plusieurs terroristes passés à l’acte étaient fichés S.
– Mohamed Merah, auteur de plusieurs attentats à Toulouse et Montauban, en mars 2012 ;
– Mehdi Nemmouche, soupçonné d’être l’auteur de la tuerie du musée juif de Bruxelles, en 2014 ;
– Les frères Saïd et Cherif Kouachi, et Amedy Coulibaly, auteurs des attentats contre Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’HyperCacher, en janvier 2015 ;
– Ayoub El Khazzani, soupçonné d’être l’auteur de l’attentat manqué du Thalys, en août 2015 ;
– Ismaël Omar Mostefaï, Samy Amimour et Foued Mohamed-Aggad, trois des membres des commandos terroristes du 13-Novembre ;
– Larossi Abballa, auteur de l’assassinat terroriste d’un couple de policiers à Magnanville, en juin 2016 ;
– Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, les djihadistes de l’attaque de Saint-Étienne-du-Rouvray, en juillet 2016 ;
– Redouane Lakdim, auteur des attaques de Trèbes et de Carcassonne, en mars 2018
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