Le trafic aérien se remettra plus lentement que prévu de la pandémie de coronavirus, en raison du retard pris dans les campagnes de vaccination et de l’«aversion au risque» des Etats qui retardent la réouverture des liaisons, a, selon Reuters, déclaré la semaine dernière l’Association internationale du transport aérien (Iata).
Naviguant dans le flou de la stratégie nationale de vaccination et de la lutte contre la pandémie ainsi que des incertitudes de cette crise sanitaire mondiale, la compagnie nationale Air Algérie subit de plein fouet les conséquences de cette situation.
Déjà qu’elle s’est exposée comme nulle autre compagnie étrangère à la colère des nombreux citoyens algériens, restés bloqués dans le pays ou à l’étranger en raison de leur non-rapatriement.
Les vols de rapatriements d’Air Algérie étant suspendus depuis le 1er mars dernier. La gravité du sujet est telle qu’elle fait encore les manchettes de la presse. Des milliers seraient concernés par une mesure bureaucratique qui les soumet à une autorisation de sortie du territoire, a rapporté El Watan dans son édition d’hier, comme ils seraient tout aussi nombreux à l’étranger à espérer une hypothétique ouverture des frontières pour mettre les pieds en Algérie.
Dans ce capharnaüm où les uns et les autres ne savent plus où donner de la tête, la compagnie nationale de navigation aérienne continue d’accumuler les pertes et à puiser dans ses liquidités pour faire face à ses besoins et aux salaires de ses travailleurs.
Mais jusqu’à quand ? La question est d’autant plus posée que ni Air Algérie ne semble pouvoir tenir ainsi plus longtemps ni la campagne de vaccination, telle qu’elle se décline au regard de la lenteur criante qui la caractérise, n’incite à l’optimisme. Le tout nimbé d’une absence étonnante d’une vision claire sur l’évolution épidémiologique du virus de la Covid-19 dans le pays.
«Nous avons encore 65 milliards de dinars de trésorerie. Et en dépit de la crise, nous avons des charges incompressibles que nous devons honorer, à savoir la maintenance des avions, la location des sièges, les charges des fournisseurs et prestataires et évidemment les salaires», avait déjà souligné en juin dernier le responsable de la communication d’Air Algérie, Amine Andaloussi.
Presque une année après, la compagnie plane toujours dans le brouillard. Ayant suspendu son trafic aérien de passagers depuis 14 mois à cause de la pandémie, ses pertes sont estimées, selon des sources au fait du dossier, à peu près à 2 millions d’euros par jour, soit plus de 2,4 millions de dollars selon les parités en cours.
Le catering à l’arrêt
Le catering étant pratiquement à l’arrêt tandis que l’activité cargo n’a jamais été interrompue. Selon des sources généralement bien informées, la compagnie prévoit un manque à gagner de 260 millions de dollars pour l’année en cours, contre des pertes évaluées à 290 millions de dollars durant l’exercice 2020.
Avec un effectif pléthorique de 9600 employés, l’entreprise se demande si elle pourra tenir encore longtemps pour faire face à ses dépenses salariales, qui avoisineraient les 200 milliards de dinars, et s’inquiète d’ores et déjà pour son avenir.
«Cette crise est plus longue et plus profonde que ce que l’on aurait pu prévoir», a déclaré le directeur général de l’IATA, Willie Walsh. Selon nos sources toujours, «la crainte d’Air Algérie porte sur ses capacités le jour de la reprise parce qu’elle aura besoin de beaucoup de moyens».
L’Etat propriétaire va-t-il venir à sa rescousse ? Nos sources estiment les besoins d’aide de l’Etat à 2 milliards de dollars pour «pouvoir redécoller» dans de meilleures conditions. Sera-t-elle en mesure de retrouver son niveau de 2019, où elle arrivait à effectuer «quelque 250 vols par jour, sans compter les charters» ?
Si en effet la hantise est réelle, la difficulté semble l’être tout autant. Les Algériens en colère contre les décisions de fermeture des frontières et contre la compagnie publique n’ont pas manqué de souligner, non sans une pointe d’étonnement d’ailleurs, le fait que des transporteurs aériens étrangers continuent d’assurer la destination Algérie.
La flotte aérienne d’Air Algérie constituée de 56 appareils (Air bus, Boeing, ATR) semble aussi dans le besoin d’un rajeunissement. Bien que l’âge moyen de ses avions est de 12 ans, nous assure-t-on, la compagnie se prépare dès à présent pour entamer le renouvellement de sa flotte. «Le processus d’acquisition est une opération très complexe qui demanderait 4 à 5 ans, voire même 6 ans avant de conclure.»
Nos sources rappellent que l’Algérie avait entamé, il y a quelques années, le projet d’acquisition de 29 appareils et une enveloppe de près de 2 milliards de dollars était prévue à cet effet.
Ce projet, nous assure-t-on, est aujourd’hui à l’arrêt depuis l’avènement du hirak, dont le premier objectif atteint a été de mettre fin au projet du 5e mandat de Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République.
Depuis, ce mouvement populaire d’une ampleur extraordinaire et la pandémie de Covid-19 continuent d’impacter presque concomitamment l’avenir du pays, au point où les Algériens bloqués à l’étranger ou ceux n’ayant plus la possibilité de voyager à l’international semblent y déceler une volonté mal dissimulée du pouvoir de toucher à la «liberté de circulation».
La pandémie a certes révélé au monde entier la difficulté de choisir entre l’essor économique et la santé publique. Mais la transparence peut vraiment aider à supporter l’interdit quand on n’a rien à cacher.
El Watan, 29 avr 2021
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