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Les enquêteurs tentent de cerner la personnalité du Tunisien de 36 ans qui a égorgé une fonctionnaire de police vendredi à Rambouillet. Discret, Jamel Gorchene s’exprimait sur Facebook pour défendre les musulmans. Depuis le confinement, il semblait se tourner vers la religion.
Inconnu de la police, inconnu des renseignements. Originaire de M’Saken, près de Sousse en Tunisie, Jamel Gorchene menait une existence discrète en France. Jusqu’à ce qu’il égorge vendredi Stéphanie M. une agente administrative du commissariat de Rambouillet (Yvelines), où il habitait, avant d’être abattu par la police. Difficile de savoir qui était ce chauffeur-livreur de 36 ans, célibataire sans enfant.
Après avoir obtenu un diplôme de technicien en mécanique, il était arrivé clandestinement de Tunisie en France en 2009. Il avait ensuite été régularisé en 2019 et détenait une carte de séjour, valable jusqu’au mois de décembre.
Pour l’heure, seul son compte Facebook permet d’éclairer sa personnalité. Sur le réseau, où il était très actif depuis trois ans, la plupart de ses posts traduisent une sensibilité ancienne sur la question de la stigmatisation des musulmans, dénoncée depuis plusieurs années à travers des extraits d’émissions de polémique, de médias engagés, ou de vidéos d’humoristes.
Sur son fil, on croise Tariq Ramadan, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), ou encore Jean-Luc Mélenchon. Le propos est plus politique que religieux, avec de rares saillies complotistes. Mais aucun appel djihadiste ou violent ne s’en dégage.
Au pied de la tour Eiffel pour fêter les Bleus
Le 15 juillet 2018, un mois après avoir fêté la fin du ramadan à l’hippodrome de Rambouillet, il est au pied de la tour Eiffel pour fêter la victoire de la France à la Coupe du monde de football. La même année, pour son anniversaire, il propose à ses contacts Facebook de participer à une cagnotte pour aider une ONG qui œuvre en Syrie. Puis en décembre 2018, après l’attentat de Strasbourg, il s’insurge des débats sur la chaîne BFMTV dans l’un des rares posts qu’il a lui même écrit.
Quand arrive le confinement, en mars 2020, il filme en direct les Champs-Élysées vides : « C’est du jamais vu », commente simplement Jamel Gorchene.
Comment a-t-il basculé ? Les auditions de son père – qui vivait aussi à Rambouillet – et des trois autres personnes placées en garde à vue permettront peut-être aux enquêteurs de la DGSI et de la police judiciaire de le savoir, et d’établir s’il a bénéficié de soutiens, matériel ou idéologique.
Il « n’avait pas été porteur de menaces, on n’avait pas détecté de signes de radicalisation », a souligné à son sujet le coordonnateur national du renseignement Laurent Nuñez, interrogé samedi sur BFMTV.
« Les signes de radicalisation qu’ils donnent à voir sont très faibles », a-t-il insisté. Laurent Nuñez estime également qu’ »à (sa) connaissance il n’y a pas eu de faille des services de renseignements ».
Sur Facebook, les publications de Jamel Gorchene prennent en tout cas un tour religieux à partir d’avril 2020, tout en conservant une dimension politique. Il poste de nombreux versets du coran, rédigés en arabe. Le 24 octobre 2020, huit jours après l’assassinat de Samuel Paty dans le même département, Jamel Gorchene met en avant une image disant « Je suis Mohamed » et invitant les musulmans à « répondre aux abus de la France et de Macron à notre Prophète ». Le même jour, il change sa photo de profil, accompagnée d’une mention : « Respectez Mahomet ».
« Il n’était ni particulièrement religieux ni pieux », faisait remarquer samedi l’un de ses cousins tunisiens, interrogé par l’AFP, qui le décrit comme « un jeune calme et réservé ».
Au milieu de ces publications se glissent aussi des images sur la nature ou la famille, notamment l’amour des mères. Mi-février, il évoque aussi le froid qui règne en France : « -12 degrés ressentis ! », s’exclame-t-il. Fin mars, il prend en photo un jeune homme qui escalade à mains nues la tour Montparnasse à Paris, et publie le cliché. Rien que du très banal sur les réseaux sociaux.
Ses derniers posts, évoquant le ramadan, datent du 17 avril. Jamel Gorchene est ensuite resté muet six jours avant de passer à l’acte terroriste, une période longue au regard de son activité sur Facebook. Vendredi, après plusieurs passages devant le commissariat de Rambouillet, il aurait crié « Allah Akbar » au moment de tuer. Et des chants religieux musulmans, souvent utilisés pour la propagande, auraient été retrouvés dans son téléphone.
À M’Saken, la famille de Jamel Gorchene est sous le choc. Sa mère a été hospitalisée. Samedi, sa cousine indiquait qu’il était suivi par un psychiatre pour dépression, et qu’il comptait rentrer au bled : « Il était prévu qu’il arrive aujourd’hui ». Selon elle, l’assaillant de Rambouillet « a été une proie facile : des gens ont profité de sa fragilité pour le radicaliser ».
Le Dauphiné, 25 avr 2021
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