Les démarches entamées par le Maroc pour intégrer l’Union africaine se heurtent à de sérieux problèmes. Quarante-huit heures après la réaction algérienne, laquelle a fait savoir que cette intégration ne pouvait être conditionnée par un retrait des Sahraouis de cette délégation, la RASD (République arabe sahraouie démocratique) a fait savoir à son tour que la volonté marocaine ne répondait en fait qu’à une manœuvre destinée à flouer l’opinion internationale.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – La Rasd s’est exprimée, hier, à travers son ministre des Affaires étrangères, M. Ould Salek, lors d’une conférence de presse où il s’est particulièrement interrogé sur la finalité de l’offensive diplomatique lancée par Mohammed VI en vue d’intégrer l’UA.
Le roi a, en effet, surpris l’opinion internationale en dépêchant des émissaires de haut niveau aux quatre coins du continent africain pour faire part de son désir de réintégrer l’Union africaine (nouvelle appellation de l’OUA) que son père, Hassan II, avait décidé de quitter en 1984 pour protester contre l’admission de la RASD. Il se trouve que cette demande, adressée y compris à Idriss Deby, président en exercice de l’UA, ne s’est officiellement accompagnée d’aucune condition émise publiquement aux destinataires des émissaires du palais royal.
Les responsables algériens qui se sont exprimés par trois voix officielles ce week-end, le Premier ministre, le MAE ainsi que le ministre chargé des Affaires maghrébines, ont fait savoir qu’il n’était pas question pour l’Algérie de reculer d’un pouce sur les acquis engrangés toutes ces années durant par le Front polisario.
Évitant d’entrer dans les détails d’une visite inattendue, nos responsables ont axé l’essentiel de leurs interventions sur leur refus d’adhérer au principe d’une démarche conditionnée par le retrait des Sahraouis de l’UA. Le Maroc ne semble pourtant pas s’être risqué à une demande vouée d’emblée à l’échec. L’affaire soulève l’intrigue. Pour cette raison, le ministre sahraoui des Affaires étrangères s’est interrogé hier sur une telle décision qui «amènerait les Marocains à s’assoir aux côtés des Sahraouis». «Assistons-nous à l’ouverture d’une nouvelle ère, de nouvelles positions responsables qui tourneront la page d’un passé pour se tourner vers la paix, ou s’agit-il d’une nouvelle manœuvre faite de tromperie et de désir de détourner l’opinion marocaine de la situation dans laquelle se trouve le pays ?».
Selon M. Ould Salek, le roi a peut-être été contraint à imaginer une telle démarche «pour faire croire à son peuple qu’il était à l’orée d’une grande victoire diplomatique après avoir été contraint pas les Nations-Unies à revenir sur sa décision d’expulser les membres de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental)». Il est vrai que cette décision d’intégrer l’UA intervient au moment où il est contraint par une résolution onusienne de laisser les 83 membres de la Minurso expulsés en mars dernier rejoindre leur base. Ne pouvant aller plus loin que le bras de fer engagé avec Ban Ki-moon auquel il reproche de soutenir les thèses sahraouies en appelant à un référendum d’autodétermination rapide, Mohammed VI aurait donc imaginé (ou conseillé) de faire un grand coup pour frapper les esprits. Méfiants, les Sahraouis doutent de la bonne foi de l’occupant marocain et affirment avoir toutes les raisons du monde pour cela.
Le regard pensif, M. Ould Salek répète aux journalistes présents à la conférence cette phrase prononcée par Hassan II au moment de l’entrée de la RASD à l’OUA : «Je suis triste de vous quitter mais je refuse de m’assoir devant des joueurs de tam-tam». Les joueurs de tam-tam «c’est nous, les Sahraouis qui luttons pour notre indépendance».
Au cours de cette conférence, M. Ould Salek a également réitéré le refus de la RASD d’adhérer à la proposition marocaine d’aller vers une autonomie large sous tutelle marocaine. Le terrain est balisé. Mohammed VI maintiendra-t-il sa décision d’intégrer l’UA en se pliant aux exigences des membres de l’organisation ?
A. C.
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