Intérêts stratégiques
Voilà que Mohammed VI est en visite à Washington, officiellement pour discuter exclusivement d’économie et de sécurité, que déjà tous les médias algériens et marocains s’agitent autour du contentieux entre les deux meilleurs ennemis du Maghreb, comme s’il s’agissait d’une première. Évidemment, le dossier du Sahara occidental pourrait être soulevé par Barack Obama et Mohammed VI, ce qui serait normal depuis que John Kerry dès sa prise de fonction à la tête de la diplomatie américaine a décidé d’en faire une question prioritaire. Le porte-parole de la présidence américaine a, par ailleurs, affirmé que Washington appuyait le plan d’autonomie proposé par le Maroc, le qualifiant de «réaliste et de bonne foi». Une déclaration qui a réussi à émouvoir une certaine presse marocaine qui parle d’ores et déjà de victoire du Makhzen et qui souligne le fait que Mohammed VI a été reçu deux fois en quatorze ans à la Maison-Blanche, alors que Bouteflika ne l’a été aucune fois. Cela n’est pas très étonnant quand on connaît les relations qui ont toujours existé entre Rabat et Washington qui considère le Maroc comme son relais dans la région et surtout quand on sait qu’Alger a toujours été davantage du côté de Moscou. La guerre froide a officiellement disparu, mais en diplomatie, l’Algérie demeure encore dans ce paradigme d’un autre temps. Un paradigme qui se base également sur le principe d’autodétermination des peuples, à la vogue lors de la décolonisation. Le Maroc, quant à lui, a décidé de prendre la voie de la modernisation et du libéralisme prôné par les Etats-Unis et rien de plus normal pour Washington que de soutenir un pays qui a toujours servi ses intérêts dans la région. Néanmoins, sur la question du Sahara occidental, il serait malvenu de croire que Washington a dit son dernier mot. En témoigne le récent rapprochement tenté par les Etats-Unis avec l’Algérie, tant ils connaissent qu’elle est un acteur indispensable dans la lutte antiterroriste au Sahel. Tenter de s’opposer frontalement à Alger sur le Sahara occidental serait prendre le risque de perdre un allié potentiel, et décevoir Rabat dans sa folie expansionniste serait prendre le risque de perdre un allié de longue date. Au final, Washington fera trainer la question le temps de trouver une solution pour endiguer les menaces dans la région, assurant ses intérêts stratégiques premiers, pendant que nous, en Algérie et au Maroc, nous continuerons à nous arracher un morceau de victoire ça et là.
par A. M. M.
Dimanche, 24 Novembre 2013
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Les Sahraouis entre «wait and see» et realpolitik
Écrit par Selma Allane et Younès Saadi
Dimanche, 24 Novembre 2013
Les services d’information de la RASD n’ont pas manqué de réagir, hier, aux déclarations des officiels américains sur la visite du roi du Maroc Mohammed VI aux Etats-Unis. Ils ont publié un communiqué de circonstance dans lequel ils réitèrent l’attachement du gouvernement sahraoui et du Front Polisario à l’autodétermination.
Ce document reste cependant très mesuré dans son contenu et est marqué d’une empreinte d’apaisement qu’on pourrait interpréter comme un «wait and see», pour les lectures les plus optimistes, ou comme l’expression d’un désaveu, pour ceux qui voient dans l’attachement américain à une solution d’autonomie élargie un soutien aux thèses marocaines et, donc, un camouflet pour les Sahraouis qui n’entendent pas autre scénario que celui d’un référendum sur l’indépendance du Sahara occidental sous domination de Rabat.
Entre les deux, il y a une large probabilité pour affirmer sans risque que les indépendantistes sahraouis optent pour la logique et le langage de l’apaisement, en marquant notamment leur satisfaction de voir la question des droits de l’Homme abordée à la Maison-Blanche lors des discussions entre les Américains et les Marocains.
«Nous accueillons avec satisfaction l’inscription de la question du respect des droits de l’Homme dans les pourparlers entre le Maroc et les USA», lit-on dans le communiqué sahraoui.
Pour ses auteurs, l’intérêt qu’accordent les Américains à la question des droits de l’Homme renforce la proposition relative à l’élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme. Un point considéré par les observateurs comme à l’origine de la nervosité marocaine enregistrée récemment et qui constitue un gain politique et diplomatique pour la cause sahraouie même si on est loin d’une condamnation ferme de Rabat par Washington sur les exactions à El Ayoun et les autres villes sahraouies sous domination marocaine.
Cet aspect, la RASD comme le Polisario ne le perdent pas de vue puisque, tout en se félicitant de la position américaine, ils disent attendre de la part des Etats-Unis des mesures concrètes pour résoudre le conflit sahraoui. Le représentant sahraoui à Washington, Mohamed Yeslem Beisat, a été à ce sujet plus précis en se félicitant que les deux chefs d’Etat américain et marocain ait consacré dans un communiqué «un chapitre spécial à la question du Sahara occidental au même titre que les autres volets relatifs à l’Afrique et à la paix au Moyen-Orient abordés» dans le texte, lequel, observe-t-il, mentionne clairement «le peuple du Sahara occidental» lorsqu’il évoque la question des droits de l’Homme.
Cependant, poursuit le diplomate sahraoui, «le peuple sahraoui s’attend, en conséquence, à ce que des mesures et des mécanismes pratiques de surveillance des droits de l’Homme soient instaurés pour la mise en œuvre de ce noble engagement des Etats-Unis».
Questionné sur la lecture qu’il fait du communiqué quant au mode de résolution de la question sahraouie, M. Beisat a d’ailleurs tenu à observer que le président Obama considère, également, le plan d’autonomie proposé par le Maroc comme une «approche potentielle», et dira que c’est au peuple sahraoui de se prononcer dans le cadre de l’exercice de son droit inaliénable à l’autodétermination sur les trois options incluses dans les résolutions de l’ONU depuis juillet 2003. Il s’agit de l’indépendance du Sahara occidental, l’intégration au Maroc ou l’autonomie. Un choix que feront les Sahraouis dans le référendum d’autodétermination».
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La Minurso et le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental
Écrit par Madjid Laribi
Dimanche, 24 Novembre 2013
Le Sahara occidental ne jouit aujourd’hui d’aucun statut juridique reconnu par les Nations unies. Pour le royaume chérifien, c’est une partie intégrante de son territoire national qu’il désigne sous le vocable de « Provinces du Sud ». Cette approche marocaine ne jouit, elle non plus, d’aucune reconnaissance diplomatique internationale. Pour les Sahraouis, c’est un territoire de la République arabe sahraouie démocratique occupé par le Maroc et ils luttent pour sa libération. L’ONU, pour sa part, ne reconnaît ni la RASD ni la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, considérant que ce territoire est non autonome et la décolonisation pas encore terminée. Aujourd’hui, sur la scène internationale, deux options sont mises sur la table pour solutionner un problème qui ne fait que durer. L’option onusienne, la Minurso, soutenue par l’Algérie et, en face, l’option marocaine pour l’autonomie.
La Minurso
La Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental a été établie par une résolution des Nations unies, entérinée par le Maroc et le Polisario, et déployée à partir de septembre 1991. Elle vise à surveiller le cessez-le-feu entre les deux belligérants et à organiser un référendum qui permettrait aux habitants du Sahara occidental, habilités à voter, de décider du statut de leur territoire. Le plan onusien est précédé d’une période de transition qui permettra d’organiser un référendum d’autodétermination. A travers ce dernier, le peuple sahraoui se prononcera sur l’indépendance ou sa dissolution dans le royaume chérifien. Un représentant spécial du secrétaire général de l’ONU est désigné avec pour mission la préparation du référendum et est assisté dans sa fonction par du personnel civil, policier et militaire. Néanmoins, ce plan de l’ONU n’a pas cessé d’être torpillé par le Maroc. Le premier représentant du Secrétaire général des Nations unies, James Becker, avait fini, suite aux blocages marocains, par démissionner. Le deuxième représentant actuellement en fonction, Christopher Ross, bute dans sa mission sur la question des droits de l’Homme, une question qui ne figure pas dans le plan onusien, alors que toutes les Minurso déployées à travers le monde sont dotées de ce mécanisme. Ce qui rend la mission de Ross impossible est le plan sur l’autonomie lancé plus tard par le Maroc.
Le plan marocain
Le dispositif marocain consiste à donner une autonomie au Sahara occidental tout en restant dans le giron du royaume chérifien. Les affaires sahraouies seront gérées par un Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas) qui établit une feuille de route soumise au souverain. Il comporte les spécificités culturelles, historiques et économiques des provinces du Sud, c’est-à-dire du Sahara occidental. Le Corcas dépend du roi et les grandes décisions ne peuvent se concrétiser sans son aval. Il est demandé aux Sahraouis, à travers ce plan, de renoncer à leur indépendance, c’est-à-dire à leur capitulation pure et simple. Il est rejeté par le Polisario, qui continue à réclamer l’indépendance de ses territoires.
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La presse américaine sur la visite de Mohammed VI aux Etats-Unis : Entre protocole et questions qui fâchent
Écrit par Racim Sbaa
Dimanche, 24 Novembre 2013
La visite du roi Mohammed VI aux Etats-Unis, le 22 novembre dernier, et la rencontre qui s’en est suivie avec le président Obama ont été différemment appréciées par la presse américaine, dont le commentaire s’est construit à partir d’un communiqué de la Maison-Blanche aux lignes très protocolaires.
Beaucoup de titres rapportaient dans leurs éditions d’hier les propos tenus par le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay M. Carney, sur diverses questions discutées entre Mohammed VI et Obama, particulièrement celle liée au Sahara occidental. Le New York Times et le Washington Post n’ont pas dérogé à la règle, vu que tous deux ont relayé une dépêche de l’agence américaine d’information, Associated Press, qui, elle aussi, est revenue sur les déclarations du même porte-parole.
C’était prévisible dans la mesure où avant même la visite du monarque marocain aux Etats-Unis, ce dernier a nettement refusé que soit inscrite dans l’agenda de la rencontre une conférence de presse commune entre les deux hommes. Néanmoins, seul le quotidien USA Today a décidé de sortir des sentiers battus, en donnant une autre grille de lecture à la visite de Mohammed VI aux Etats-Unis. Le journaliste Aamer Madhani écrit que le «Maroc estime qu’il peut jouer un rôle d’intermédiaire entre les Etats-Unis et les Etats du Golfe sur la question iranienne», en relevant que le royaume chérifien pourrait lisser l’image d’Israël et de l’Arabie saoudite, devenus des «partenaires improbables» aux yeux du monde arabe, car le Maroc entretient de «bonnes relations avec ces deux pays ».
Il revient, d’ailleurs, sur le discours du ministre marocain des Affaires étrangères prononcé à Washington, dans lequel il affirme que le Maroc veut être un acteur régional de poids. «Le roi se distingue comme un ami de confiance pour chacun des dirigeants des Etats du Golfe, capable de construire un consensus pour une politique concertée avec ses amis américains», poursuit-il.
Pour USA Today, le Maroc semble vouloir rappeler à l’«ami Obama» qu’il est prêt à servir les objectifs américains dans la région et à devenir un relais de l’administration américaine dans la question iranienne en particulier. Cependant, reprenant un analyste, le journaliste met le doigt sur les préoccupations marocaines depuis le départ de la Secrétaire d’Etat Hillary Rodham Clinton, craignant un «refroidissement» de ses relations avec les Etats-Unis. Il écrit à ce propos que la «monarchie a été secouée cette année par la décision de l’Administration Obama de soutenir une proposition de la mission de maintien de la paix des Nations unies au Sahara occidental d’intégrer les droits de l’Homme dans sa mandature », rappelant que cette proposition a été appuyée par des militants des droits humains, parmi lesquels Human Rights Watch, qui ont appelé Obama à aborder la question lors de son entretien avec Mohammed VI. Cette même problématique a été au centre d’une tribune signée par David Stamps et Jihane Bergaoui d’Amnesty International USA, publiée vendredi dernier par le Huffington Post.
Les auteurs parlent de façade qui cache la réalité «sur les portes de la prison qui peuvent claquer pour ceux qui osent dire ce qu’ils pensent du Maroc et du Sahara occidental», en citant le «cas Ali Anouzla», qu’ils considèrent comme un «prisonnier politique». L’organisation Amnesty International a elle aussi appelé le Président Obama à soulever «la question difficile au sujet des droits de l’Homme lors de sa rencontre avec le roi Mohammed VI». D. Stamps et J. Bergaoui écrivent que «les autorités marocaines ne devraient pas croire que leur relation avec les Etats-Unis est un chèque en blanc».
Reporters, 24/11/2013
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