Une nouvelle vague de protestations sociales secoue la Tunisie

Huit années, presque jour pour jour, séparent le geste désespéré de Mohamed Bouazizi et d’Andelrazak Zorgui.

Dans la mort par le feu de ces deux hommes se retrouve la même détresse sociale que la révolution tunisienne de 2011 n’a pas permis de surmonter.
Le premier était un vendeur ambulant âgé de 27 ans qui s’était immolé par le feu le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid déclenchant la révolution qui chassa le dictateur Ben Ali.

Le second était un journaliste indépendant de 32 ans et il s’est immolé lundi à Kasserine, à 260 km de Tunis, laissant une vidéo dans laquelle il espère que son geste forcera l’État à s’occuper de sa ville. « Ça fait 8 ans qu’on attend », disait-il.

Depuis lundi, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se sont produits à Kasserine et dans plusieurs autres localités. Pas dans la même ampleur, toutefois, qu’en 2010, en particulier à Kasserine où une vidéo tourné à l’hôpital avait marqué un tournant en montrant l’ampleur de la répression ni même de l’explosion sociale de 2016 partie, là encore, de Kasserine.

La Tunisie est la seule des révolutions arabes de 2011 à avoir survécu là où l’Egypte a replongé dans un régime policier et la Libye, la Syrie et le Yémen connaissent la guerre. Mais la liberté chèrement acquise, ne suffit pas. La révolution tunisienne qui fêtera son 8ème anniversaire le 14 janvier, a, certes, produit d’importants acquis politiques et sociétaux, à commencer par la constitution la plus avancée du monder arabe, une plus grande égalité pour les femmes et le pluralisme politique. Mais, elle n’a pas produit la transformation sociale et économique espérée, car le déclencheur de la révolution fut l’exaspération sociale des régions de l’intérieur comme Sidi Bouzid ou Kasserine.

Sur le plan social, la frustration sociale est même immense, avec un chômage qui monte à 25 % chez les jeunes de l’intérieur, y compris chez les jeunes diplômés.

Les tunisiens blâment leurs classes politiques qui restent ancrés dans un élitisme peu attentif aux régions défavorisées. Le gouvernement n’a pas réussi à casser le modèle économique qui s’appuie sur les exportations et le tourisme, deux activités côtières.

A intervalles réguliers, des explosions sociales viennent rappeler aux gouvernants que le feu couve. Mais à Tunis, ils semblent plus préoccupés par les jeux de pouvoir entre un vieux président, son jeune Premier Ministre et le chef des islamistes dans le rôle de faiseur de rois.

Les dirigeants tunisiens ont une lourde responsabilité dans cette impasse sociale, mais aussi l’Europe qui n’a pas aidé la Tunisie à la mesure de l’enjeu de cette dernière révolution démocratique encore en vie et dont l’échec serait dramatique pour les tunisiens, mais aussi pour tout l’espace méditerranéen, Nord et Sud.

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