Le roi du Maroc a missionné un envoyé spécial – Nacer Bourita, ministre délégué aux Affaires étrangères – pour porter un message au Président Bouteflika. C’est le Premier ministre Abdelmalek Sellal qui a reçu en audience l’envoyé spécial marocain. La qualité des membres présents à cette audience, les sujets évoqués lors de celle-ci et le climat général qui a précédé cette audience indiquent que quelque chose est en train de bouger. Comment et dans quel sens ?
Une dépêche de l’agence algérienne officielle de presse APS, reprenant un communiqué du Premier ministère, nous apprend que le Premier ministre a reçu en audience Nacer Bourita, l’envoyé spécial du roi du Maroc «porteur d’un message du souverain marocain au président de la République, Abdelaziz Bouteflika…». Si la rencontre a mis particulièrement l’accent sur «la sécurité régionale, notamment la lutte contre le terrorisme et le crime transnational organisé, les questions liées à la migration et la problématique du développement», le communiqué de l’APS évoque en premier lieu «les questions bilatérales» qui auraient été examinées.
Cela fait bien longtemps que ces questions ne font plus l’objet de rencontre à un tel niveau. Lorsque l’on sait par ailleurs et que l’on voit (JT de 20h de vendredi) qu’à cette audience, a pris part outre Abdelkader Messahel (ministre des Affaires maghrébines de l’UA et de la Ligue des Etats arabes), Athmane Tartag conseiller du président et patron des services, l’on est en droit de se dire que quelque chose est en train de bouger. Dans la journée de ce même vendredi, le patron algérien de la sécurité aurait déjà rencontré à son bureau Yacine Mansouri, le directeur général des études et de la documentation qui accompagne l’envoyé spécial marocain.
Pour tenter de restituer dans son contexte cette visite du porteur de la lettre du roi à Bouteflika, il n’est pas inutile de rappeler que le message royal en direction du Président algérien est venu le lendemain du rétablissement de la mission des Nations-Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental pour exercer pleinement ses missions. Début mars dernier, le Maroc avait pris des mesures de renvoi de cette mission onusienne en annonçant alors que sa décision était irrévocable et qu’il suspendait sa contribution financière au fonctionnement de la Minusro. Le roi a dû faire marche arrière en acceptant de se soumettre à la décision du Conseil de sécurité pour rétablir la Minusro «dans la plénitude de son mandat et de ré/accueillir tous ses membres avant fin juillet, une partie étant déjà retournée».
L’envoyé spécial du roi arrive à Alger à la veille de la tenue de la 27e conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine dans la capitale rwandaise. Pour rappel, l’Union africaine a pris des positions très nettes contre l’expulsion par le Maroc des membres de la Minusro et pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, ce qui a fait dire à notre ministre des AE, Ramtane Lamamra, présent aux travaux préparatoires de la conférence de l’UA que celle-ci était «partie prenante aux efforts internationaux pour l’autodétermination du peuple sahraoui» et que ses positions allaient être réitérées. A cette conférence, se rendra aussi le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, comme s’y rendra aussi Brahim Ghali, le nouveau secrétaire général du Polisario et président de la Rasd élu à une majorité écrasante en remplacement du défunt Mohamed Abdelaziz.
Cette élection, d’un «proche de l’Algérie» selon le Maroc, avait très fortement irrité la monarchie marocaine. A la veille de la tenue de cette conférence de l’UA, le Maroc semble avoir de fortes velléités, selon la presse marocaine elle-même (Akhbar El Youm, notamment) d’officialiser son retour au sein de l’Union africaine. Le Maroc, pour rappel, a quitté l’organisation de l’Unité africaine le 12 novembre 1984 après que cette organisation eut admis en son sein la Rasd en tant que membre à part entière. La réaction internationale avec l’hommage au défunt et les chaleureuses félicitations exprimées au nouveau président de la Rasd semblent aujourd’hui avoir contraint le royaume de faire avec et de revenir à la réalité.
Si le Maroc est revenu quelque peu sur ses positions intransigeantes et sa persistance à vouloir occuper le Sahara occidental, qui l’ont condamné par les plus hautes instances internationale (ONU, UA…) qui lui reprochent son refus de laisser les Sahraouis s’exprimer sur leur devenir, ce revirement a tout l’air d’avoir été suggéré par son plus grand soutien, en l’occurrence la France.
L’accueil en Algérie de l’envoyé spécial marocain est en effet venu après que Bouteflika eut transmis un message à Hollande, à l’occasion du 14 Juillet. La teneur de ce message, venu après une période quelque peu froide entre les deux capitales, est plus qu’amicale et ne semble pas relever du simple message protocolaire. Bouteflika s’est félicité «du dialogue politique entre nos deux pays que conforte la régularité de nos échanges et consultations à différents niveaux». Il n’est donc pas exclu que ces échanges ont concerné les relations algéro-marocaines et que la France agit aujourd’hui pour rapprocher les positions sur le Sahara occidental.
Khedidja Baba-Ahmed
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