La proposition d’autonomie pour le Sahara Occidental est américaine et date de 1977 (docs déclassifiés)

"Nous n’avons pas à accepter comme vérité la version de l’histoire que les Marocains prônent" sur le Sahara Occidental (William Quandt)

213. Mémorandum de William Quandt, membre du personnel du Conseil de sécurité nationale, à l’assistant du Président pour les affaires de sécurité nationale (Brzezinski)

Washington, le 15 septembre 1977

OBJET : Le conflit du Sahara occidental

Le conflit entre le Maroc et l’Algérie concernant le Sahara occidental n’est pas une priorité élevée en matière de politique étrangère pour le moment, mais nous n’avons aucun intérêt à voir cette tension perdurer. Le Maroc est manifestement mécontent du fardeau que représente la lutte contre les insaisissables guérilleros du Polisario, et l’Algérie a laissé entendre qu’elle souhaite une résolution qui sauve la face. Il n’est pas inconcevable que les deux parties se tournent vers nous pour offrir nos bons offices.

Contexte du différend

Vous savez sans doute que le Maroc a revendiqué historiquement l’ensemble de la Mauritanie jusqu’en 1970, et une partie de l’Algérie jusqu’en 1972. (Ces dernières revendications restent non résolues.) Comme l’a noté le ministre des Affaires étrangères Laraki lors de votre entretien, le Maroc ne souscrit pas au principe de l’intangibilité des frontières héritées de la période coloniale, tel que prôné par l’OUA.

La revendication marocaine sur le Sahara occidental n’est pas particulièrement convaincante, mais l’alternative consistant à permettre à une petite population nomade de 70 000 à 80 000 personnes d’exercer son droit à l’autodétermination n’a pas non plus suscité un grand enthousiasme. Cependant, nous n’avons pas à accepter comme vérité la version de l’histoire que les Marocains promeuvent.

Contrairement à ce que Laraki vous a dit, la division de la zone entre le Maroc et la Mauritanie a été assez arbitraire, comme le montre la ligne de division. Elle n’était pas basée de manière précise sur les allégeances tribales. (Voir les cartes à l’onglet A.) En tout état de cause, les allégeances tribales nomades n’ont pas été très stables, et le sentiment dominant est celui d’une farouche indépendance et d’un mépris pour des subtilités telles que les frontières.

L’article de Tom Franck à l’onglet B résume les principales étapes ayant conduit au partage du Sahara occidental. Les Marocains tentent de renforcer leur position par des arguments juridiques, mais le simple fait est qu’ils ont annexé le territoire par la force. Une partie de la population les a sans doute accueillis favorablement ; d’autres ont fui et vivent maintenant dans des camps de réfugiés en Algérie. Le Polisario, qui remonte à 1968, a réussi à obtenir le soutien de l’Algérie et a décidé de se battre. Les motivations de l’Algérie sont sans doute multiples, mais Boumediene a clairement été irrité par la manière dont Hassan l’a surpassé, et il voit dans le Polisario, composé de bons combattants connaissant bien le territoire, un moyen peu coûteux de déstabiliser le Maroc. Le danger, bien sûr, est que les combats s’intensifient au point d’impliquer directement le Maroc et l’Algérie.

Comme la plupart des observateurs, je vois peu de chances que le fait accompli marocain puisse être inversé. Je ne pense pas non plus que cela soit nécessairement souhaitable, bien que je trouve les prétentions juridiques du Maroc un peu difficiles à accepter. (Je suis sûr que les Somaliens trouveront des arguments comparables s’ils annexent un jour l’Ogaden, Djibouti et une partie du Kenya.)

Avant l’arrivée du roi Hassan pour sa visite des 7 et 8 décembre, il pourrait être utile de réfléchir à l’opportunité d’offrir nos bons offices pour réduire la tension entre le Maroc et l’Algérie. Le maximum que nous pourrions espérer que Hassan concède serait un degré limité d’autonomie pour le Sahara occidental et la réintégration de certains dirigeants du Polisario au Maroc. Un acte symbolique constituant une autodétermination – comme un vote pour une assemblée régionale – devrait alors avoir lieu. À ce stade, cela donnerait probablement à Boumediene suffisamment de latitude pour se désengager de manière honorable d’une position trop étendue. Contrairement au conflit arabo-israélien, auquel nous consacrons tout notre temps, celui-ci n’est pas vital pour la paix mondiale. Mais il pourrait néanmoins être résolu, à très peu de frais pour nous en termes de temps ou d’efforts. Les Marocains affirment qu’il n’y a rien à décider, mais ils semblent préoccupés par l’évolution de la situation. Le moment est donc peut-être venu de dépasser les absurdités juridiques sur qui a raison ou tort et de tenter de trouver une solution à un problème qui détourne inutilement le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie de questions plus sérieuses de développement.


1. Source : Carter Library, National Security Affairs, Staff Material, Middle East, Subject File, Box 87, Spanish Sahara: 5–12/77. Confidentiel. Envoyé pour information. Inderfurth a paraphé le mémorandum. Une copie a été envoyée à Richardson.↩

2. Aucun compte-rendu d’une rencontre entre Brzezinski et Laraki lors de la visite de ce dernier à Washington les 12-13 septembre n’a été retrouvé. Vance a rencontré Laraki le 13 septembre ; voir note 2, document 152.↩

3. L’onglet A est joint mais non imprimé.↩

4. L’onglet B, intitulé « Le Sahara espagnol et le Timor portugais comme précédent », est joint mais non imprimé.↩

5. Brzezinski a surligné les deux premières phrases de ce paragraphe, a placé un point d’interrogation dans la marge de gauche et a écrit : « Pourquoi ne pas laisser cela à la France ? »↩

Source : Département d’Etat

#SaharaOccidental #Maroc #EtatsUnis #Algérie #Polisario #WilliamQuandt

Visited 13 times, 13 visit(s) today

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*