Indignation au Maroc après l’escale à Tanger d’un navire de guerre israélien

L’ONG marocaine Groupe d’action nationale pour la Palestine, dénonce un « acte honteux et lâche » des autorités marocaines qu’elle qualifie de « mépris et humiliation aux sentiments des Marocains », d’«atteinte à la Constitution » et à « l’héritage culturel et civilisationnel » du Maroc.

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Des activistes marocains félicitent le gouvernement espagnol pour avoir refusé l’escale à Carthagène du cargo danois avec des explosifs pour l’armée israélienne et dénoncent la « complicité » de Rabat.

Par Ignacio Cembrero

L’escale d’un navire de débarquement de la Marine israélienne, début juin, dans le port de Tanger a suscité des réactions indignées au Maroc où des manifestations, souvent massives, contre l’invasion de Gaza par l’armée israélienne sont fréquemment organisées.

L’INS Komemiyut a fait escale du 6 au 7 juin à Tanger Med pour se ravitailler en carburant et en nourriture, comme l’a révélé cette semaine le quotidien économique israélien Globes. En entrant dans les eaux marocaines, il a éteint son transpondeur, c’est-à-dire qu’il a cessé d’émettre un signal permettant de le localiser. Néanmoins, via le site Vessel Finder, sa trace est apparue au terminal de voitures de Tanger Med 1.

Le navire, de 90 mètres de long, a navigué des chantiers navals de Pascagoula (États-Unis), où il a été livré à la Marine israélienne, jusqu’à la base navale de Haïfa. En septembre, juste avant que la guerre n’éclate, Israël avait déjà reçu à Pascagoula un premier navire de débarquement identique, l’INS Nachshon, qui avait également fait escale à Tanger.

Les réactions enflammées dans les communiqués et sur les réseaux sociaux des Marocains alternent avec des applaudissements au gouvernement espagnol pour avoir refusé en mai que le cargo danois Marianne Danica, transportant 27 tonnes d’explosifs de Madras (Inde) à Haïfa, fasse escale à Carthagène. Pour éviter les attaques de la milice houthie, le navire a évité la mer Rouge et a contourné le cap de Bonne-Espérance avant d’entrer en Méditerranée.

« Le gouvernement de Sa Majesté le Roi Felipe VI refuse de conspirer contre les musulmans. Vive le Roi ! » a écrit, par exemple, sur Facebook, avec une photo d’un navire de guerre israélien, l’intellectuel islamiste marocain Rachid Boutarbouch, auteur de plusieurs livres publiés en Espagne.

Le Front Marocain de Soutien à la Palestine et contre la Normalisation avec Israël, organisateur de la majorité des manifestations, a regretté dans un communiqué que les autorités marocaines « n’aient pas suivi l’exemple espagnol ». L’escale de l’INS Komemiyut, qui « viole la décision de la Cour Internationale de Justice », constitue « un encouragement à l’ennemi sioniste », ajoute-t-il.

« Encore une fois, le sentiment général du peuple marocain est ému par un autre scandale (…) », a écrit sur les réseaux sociaux Aziz Hanaoui, secrétaire général de l’Observatoire National contre la Normalisation, c’est-à-dire les relations diplomatiques que le Maroc a établies avec Israël en décembre 2020. « C’est une honte alors que la Palestine est soumise à une guerre d’extermination », dénonce Hassan Benajah, membre de la direction politique de Justice et Bienfaisance, le grand mouvement islamiste non légal mais parfois toléré.

Plusieurs journaux marocains ont relayé la révélation de Globes et, par exemple, Le Desk l’annonce en première page de son site web avec le titre suivant : « L’État mis en cause sur l’accostage d’un navire israélien à Tanger ». Il ne pointe pas le gouvernement car permettre l’escale est une décision qui ne se prend pas à ce niveau, mais au niveau de la chefferie de l’État, c’est-à-dire du roi Mohammed VI. Le monarque préside par ailleurs le Comité Al Qods chargé de veiller sur les lieux saints de l’Islam à Jérusalem.

« Les navires de débarquement sont un nouveau moyen avec lequel se dote l’armée israélienne pour l’incursion rapide de forces terrestres », a expliqué le quotidien Globes. Leur construction a commencé il y a environ cinq ans et est financée par l’aide militaire que les États-Unis accordent à Israël. « Ils font partie de l’adaptation de la Marine à une guerre sur de multiples fronts (…) qui pourrait nécessiter le transport logistique d’équipements et le déplacement de forces spéciales vers des destinations comme le Liban (…) », précise-t-il.

Avant que ne soit connue l’escale dans le port de Tanger, le Baromètre Arabe de juin montre un rejet croissant des Marocains vis-à-vis de la normalisation avec Israël. Le pourcentage de ceux qui la soutenaient est passé de 31 % en 2022 à 13 % cette année. 26 % des Marocains décrivaient également les événements de Gaza comme un « massacre » ; 24 % comme une « guerre » ; 14 % comme un « génocide » et 14 % comme un « meurtre collectif ».

Les premiers concerts du grand festival de musique Mawazine de Rabat, présidé par Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi, ont compté cette année moins de spectateurs. Des appels au boycott ont été lancés sur les réseaux sociaux, dissuadant une partie du public. Leurs promoteurs soutenaient que les Marocains ne pouvaient pas chanter ni danser tandis que des milliers de Palestiniens mouraient à Gaza. Le festival se termine le 29 juin.

« Bien que certains aspects clés des relations entre Israël et le Maroc n’aient pas été affectés par la guerre de Gaza —le commerce bilatéral continue et les liens en matière de sécurité restent intacts—, d’autres domaines importants ont été touchés, notamment les relations diplomatiques, les visites officielles et le tourisme », soulignait, le 17 juin, un rapport de l’Institut National d’Études de Sécurité d’Israël.

« Israël ferait bien de se rappeler que le soutien du Maroc aux Palestiniens peut aller au-delà des paroles » comme c’est le cas actuellement, souligne l’étude. « Durant la Seconde Intifada (2000-2005), le Maroc avait rompu ses relations avec Israël en raison de l’escalade du conflit, et il a fallu près de vingt ans pour les rétablir », conclut-elle.

L’année suivant la reprise de ses relations avec Israël, à la demande du président Donald Trump, les autorités marocaines ont signé de multiples accords à commencer par un accord de coopération militaire en 2021. Israël est également devenu, l’année dernière, le troisième fournisseur d’armes du Maroc (11 % de ses importations) derrière les États-Unis et la France, selon l’Institut International de Recherche pour la Paix de Stockholm (SIPRI, selon ses initiales en anglais).

Source : El Confidencial 23/06/2024

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