Hanane Mourchid*
La décarbonisation est l’avenir de l’Afrique et de l’Europe, explique Hanane Mourchid.
Plusieurs études et avis scientifiques décrivent l’Afrique comme la région la plus vulnérable au changement. En effet, la nature même de nombreuses sociétés africaines dépend de facteurs liés au climat.
Les précipitations et les sécheresses affectent la production agricole, tandis que la pauvreté limite la capacité du continent à s’adapter ou à atténuer les effets du changement, autant de facteurs qui fragilisent la situation de départ.
Cependant, le continent n’est responsable que de trois pour cent des émissions mondiales de carbone, preuve tangible de sa sous-industrialisation.
Pourtant, malgré le besoin pressant de croissance et de développement de l’Afrique, nombre de ses pays ont rejoint avec enthousiasme le mouvement mondial de décarbonisation. En effet, de nombreux pays africains doivent être félicités pour leurs efforts visant à réduire leurs émissions nationales et à s’adapter aux effets du changement climatique dans le cadre de l’accord de Paris.
Bien que le dilemme de la décarbonisation de l’Afrique ne soit pas aussi difficile qu’il n’y paraît, car il est de plus en plus considéré comme une opportunité plutôt qu’un obstacle à la croissance.
Le fait d’être en retard en termes d’industrialisation permettrait à ces pays de développer plus rapidement des industries vertes, sans avoir à compenser un capital industriel vieillissant et surchargé.
L’avantage du « late mover » de l’Afrique est renforcé par l’abondance de soleil, de vent et de terres inexploitées, le tout mis en valeur par une jeune génération de plus en plus ambitieuse qui aspire au changement.
L’Afrique offre une solution solide aux problèmes de décarbonisation de l’Europe, en apportant une réponse unique à l’objectif européen de zéro carbone pour 2050.
L’Europe veut accélérer la transition verte du monde en mettant en place son mécanisme d’ajustement aux frontières du carbone. Bien que ce système soit motivé par un sentiment de responsabilité pour l’avenir de la planète, et non par un besoin apparemment latent de protectionnisme, cette approche aura certainement des effets systémiques sur les acteurs en amont de la chaîne d’approvisionnement.
D’ailleurs, l’Europe prévoit de subventionner ses industries vertes pour leur permettre de s’épanouir et d’abaisser leurs coûts au plus près pour devenir économiquement viables. Néanmoins, le coût supplémentaire généré par le mécanisme d’ajustement sera très probablement transféré à l’étranger, par exemple aux agriculteurs ou aux petits exploitants africains.
On peut alors s’attendre, du moins dans un avenir proche, à ce que cette barrière supplémentaire à l’entrée imposée par l’Europe affecte la création de valeur locale et réduise les produits fabriqués localement, au profit de l’approvisionnement de l’Europe en ressources en matières premières.
Selon de nombreuses sources européennes, les revenus du mécanisme d’ajustement à la frontière carbone de l’UE ont également pour objectif de contribuer au financement de la transition verte en Afrique. Cependant, une approche basée sur des « études de cas » ne peut fournir une solution durable, soutenable et économiquement viable pour la planète.
Toutes les parties prenantes, des deux côtés de la Méditerranée, auraient intérêt à travailler ensemble pour résoudre l’équation de la neutralité carbone.
L’Europe disposerait ainsi d’une opportunité fiable pour ses subventions indispensables au soutien de ses industries vertes, en partenariat avec les pays africains, en s’appuyant sur les ressources abondantes de l’Afrique.
Il ne s’agit donc pas d’offrir une aide à l’Afrique, mais plutôt d’explorer, ensemble, les possibilités de partenariat.
La décarbonisation est l’avenir de l’Afrique et de l’Europe en même temps, dans des perspectives différentes, mais complémentaires. La protection de la planète est finalement la responsabilité de tous.
Non loin de l’Europe se trouve le Maroc, un pays africain classé au quatrième rang du classement mondial de l’indice de performance en matière de changement climatique 2021, après la Suède, le Royaume-Uni et le Danemark.
Le pays abrite la plus grande centrale solaire concentrée du monde, le Maroc accueille également le plus grand producteur d’engrais phosphatés, une entreprise qui s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040.
Le Maroc est donc un partenaire idéal avec lequel l’Europe pourrait collaborer sur une « version étendue » du Green Deal.
*Hanane Mourchid est vice-présidente principale de la plateforme de développement durable du groupe OCP.
The Parliament Magazine, 23 mars 2021
Tags : Afrique, Europe, décarbonisation, énergie renouvelable, Maroc
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