Fayçal GNAOUI
La Voix d’Algérie, 20/03/2017
80% du cannabis consommé en Europe provient de la seule région du Rif Marocain. Tous les membres du réseau terroriste franco-belge ayant commis les attentats à Paris et Bruxelles sont des Rifains. Une connexion de trafic de drogue et d’embrigadement de terroristes marocains a été établie et admise par tous les Etats de l’Union Européenne.
Ces Etats l’admettent mais sans pour autant l’annoncer publiquement au risque de fâcher Sa Majesté, le Roi du Maroc. Bien au contraire, le Maroc est le pays le mieux aidé par le vieux continent sur la rive sud de la Méditerranée.
Dans une interview accordée à l’AFP, l’historien Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb et des mondes arabo-berbères reconnaît que pour enrayer le trafic de drogue originaire du Rif, et mettre les réseaux maffieux hors d’état de nuire, nécessite « de grandes politiques ».
Pour ce spécialiste des pays du Maghreb, « la solution serait de discuter et de négocier avec le Maroc (…) qui est le pays méditerranéen le plus aidé par l’Union européenne ». Des négociations à mener pour stopper la déferlante des milliers de tonnes de Hachich marocain, qui inonde par ailleurs l’ensemble du pourtour méditerranéen serait de l’hypocrisie diplomatique dont les Européens, notamment les Français, excelle pour ne pas fâcher leur « ami le Roi ».
Que faire ? Continuer à pomper les euros ou se soumettre aux caprices chérifiens sur la question du Sahara occidental pour que Sa Majesté daigne dresser des barrières douanières à l’exportation des drogues qui restent la première source de devise pour le pays ?
Pierre Vermeren confirme dans l’entretien à l’AFP que « l’accord doit être gagnant-gagnant. » Et de préciser que « L’Europe, qui accepte de facto ce trafic sur son sol, et qui sert de déversoir au haschisch marocain et à la cocaïne d’Amérique latine, doit exprimer une volonté en échange de l’éradication de la plantation sur son sol ».
Pour ce qui est de l’émergence de réseaux djihadistes marocains, entre autre rifains, sur le sol européen, l’historien met en avant la politique de persécution et d’appauvrissement de la population de cette région marocaine qui « s’est structurée historiquement dans l’adversité. »
« Surpopulation, tremblements de terre, soumission, le Rif paye au prix fort sa marginalité et sa dissidence historique. La plupart des Rifains sont les porteurs de mémoire des tragédies du 20e siècle. Ils se sont emmurés dans leurs histoires. La religion, dans ses versions rigoristes, voire salafistes, mais aussi le business, y compris illégal et criminel, ont été des échappatoires et des remèdes apportés à ces maux, en situation d’omerta et de replis communautaires, claniques et familiaux », croit savoir Pierre Vermeren.
« Les Rifains, leurs enfants et petits-enfants, même nés en Europe, n’échappent pas à cette histoire. Parmi eux, des enfants perdus se sont structurés en réseau de solidarité et de camaraderie, fut-ce avec des objectifs criminels avérés, et ont versé dans le jihadisme, en Belgique et en France, mais plus encore au sein de l’Etat islamique »
Quant à savoir le comment de l’interconnexion entre trafic de cannabis et islam radical, l’historien la qualifie de « continuum », c’est-à-dire, une évolution logique des réseaux de trafic de drogue à la radicalisation. « Il ne faut pas y voir un lien logique, mais une sorte de continuum. Cela tient autant du hasard que de la nécessité ». Une nécessité de manier les armes et les guerres, selon lui : « nécessité de connaître le métier des armes, le franchissement des frontières, la clandestinité et les habitudes des truands et du milieu des trafiquants, pour mener à bien des opérations de guerre, même terroristes. »
L’historien qui tentant d’affranchir de leurs responsabilités les chefs des Etats de son continent et le Roi du pays pourvoyeurs « des milliers de tonnes de haschisch vers l’Europe qui alimentent l’économie de la cité », s’est versé dans un discours de résignation qui, à vrai dire, témoigne de ce qu’est la politique à deux vitesses des européens à l’égard des pays de la rive sud de la Méditerranée.
Fayçal GNAOUI