Depuis le début de l’année, le roi Mohamed VI en est à son troisième voyage à l’étranger. Des déplacements de plus en plus longs et entourés d’un halo de mystère. Ainsi, après la France (le 4 janvier pour dix-neuf jours) et les Émirats arabes unis (le 26 avril pour treize jours), le roi du Maroc se trouve depuis le 10 mai en déplacement privé sans que nul ne soit capable d’affirmer avec certitude sa destination, ni la date de son retour au pays ! En l’absence de toute communication digne de ce nom, les rumeurs vont donc bon train sur la motivation réelle de ses pérégrinations. [Malade, Mohamed VI serait allé en France pour recevoir des soins, et il se reposerait dans son château de Betz (Oise).]
À l’évidence, poser la question de savoir si cette catégorie de congé est payée relève d’une pure perte de temps, le budget du palais ne souffrant aucune discussion et ses dépenses n’étant soumises à aucune sorte de contrôle, en vertu de la nouvelle Constitution [de juillet 2011] qui met la monarchie à l’abri de tout contrôle ou reddition de comptes. Cependant, une question d’importance demeure : conformément au texte constitutionnel qu’il s’est fait concocter, le roi semble déterminé à poursuivre dans la voie de la monarchie exécutive, en vertu de laquelle il règne et gouverne. Chef de l’État et de l’état-major des armées, il préside également le Conseil suprême de la magistrature et le Conseil des ministres, sans oublier la commanderie des croyants.
Celui qui s’octroie délibérément autant de pouvoirs et de responsabilités devrait également s’appliquer le principe de la reddition des comptes pour l’exercice de ses fonctions et accepter de dévoiler un minimum de sa vie privée : bulletins de santé, périodes de congés, voyages officiels ou privés – voire même son emploi du temps quotidien, comme il est de coutume à la Maison-Blanche ou à l’Élysée. Même en Arabie saoudite, régime théocratique, le roi se plie à l’exercice d’annoncer officiellement ses déplacements, y compris ses voyages privés, et délègue ses pouvoirs, comme il l’a fait dernièrement lorsqu’il s’est agi de sa dernière visite au Maroc [le roi Abdallah ben Abdelaziz d’Arabie saoudite est arrivé le 1er mai à Casablanca, pour une visite privée]. Pourtant au royaume wahhabite, un pays, gouverné par une famille, où la Constitution, les élections, le Parlement, la diversité politique et la liberté d’expression n’ont pas droit de cité, on témoigne de certains égards pour l’opinion publique et le petit peuple.
L’absentéisme du roi Mohamed VI pose aujourd’hui un réel problème constitutionnel, politique tout autant que moral. Un autre sujet de préoccupation, est l’intérim en l’absence du roi. C’est qu’il est tellement difficile d’imaginer voir confiés à une seule personne autant de pouvoirs. Sur le plan politique, le roi se considère comme un arbitre du jeu politique. Mais, dans la réalité, nombreux sont les événements qui ont démontré qu’il est un acteur de premier ordre. Un interventionnisme aux antipodes de tout arbitrage qui paralyse et qui constitue un obstacle à tout progrès.
Sur le plan diplomatique, la même préoccupation se pose quant à l’empreinte du roi sur la conduite des affaires étrangères. Que d’occasions manquées d’assister à des réunions et à des conférences internationales où se bousculait le gratin de la diplomatie mondiale et où le Maroc était représenté par des individus sans légitimité constitutionnelle, ni autorité, pour négocier avec les chefs d’État étrangers ou engager notre responsabilité. L’adage marocain dit : «L’absent a toujours sa justification avec lui». Mais chacun sait qu’aucun individu, aucune autorité, ni aucune institution n’osera jamais exiger de Mohammed VI qu’il s’explique sur les raisons de son absentéisme !
Le Courrier d’Algérie, 11 juin 2013
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