Par Mostefa Zeghlache
Quelle stratégie pour la RASD et ses alliés ?
Quelle est l’attitude des dirigeants sahraouis et de leurs alliés, notamment algériens, face à l’offensive politico-médiatique du royaume du Maroc et de ses alliés africains ?
Les dirigeants sahraouis sereins
Logiquement, les premiers dirigeants africains à se préoccuper du remue-ménage créé par l’initiative marocaine devraient être les nationalistes sahraouis. Et pourtant, on relève une certaine sérénité dans leurs déclarations à l’image de celle du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould-Salek, qui n’exclut pas le recours aux armes, en dernière instance(11).
Pour le ministre, l’initiative marocaine est destinée à couvrir l’échec du Palais à assumer les conséquences de ce qu’il avait décrit comme décision «souveraine et irrévocable», celle concernant l’expulsion de la Minurso, alors que la résolution du Conseil de sécurité d’avril 2016 le contraint aujourd’hui à revoir de fond en comble cette décision, puisque la mission est en train de rejoindre ses lieux d’affectation, même à doses «homéopathiques».
Par ailleurs, le ministre explique que la démarche marocaine s’identifie à une demande d’adhésion et non de réintégration, conformément à l’acte constitutif de l’Union. Il prévoit l’échec de cette démarche qu’il compare à une autre tentative du genre datant de 1998, lors du Sommet de l’OUA, à Ouagadougou, et qui avait échoué. La motion de soutien au Maroc est qualifiée de «grand mensonge et hold-up» et de volonté marocaine de «falsifier les faits». De même, il rappelle que le Conseil de sécurité qui est censé être le garant de l’application du plan de règlement signé en 1991 par le Front Polisario et le Maroc, «se trouve bloqué… et partie prenante du problème»(12) en raison de «complicités» en son sein en faveur d’une partie au conflit, le Maroc. A ce sujet, le diplomate sahraoui n’hésite pas à nommer la France, membre du Conseil de sécurité, qui s’est politiquement impliquée dans le conflit en ajoutant que «le peuple sahraoui ne combat pas uniquement le Maroc, mais plutôt un autre pays à travers le Maroc qui est la France».
Dans ce contexte, signalons que dans le sillage du rapport que devait lui présenter le Secrétaire général sur le degré d’application de la résolution 2285 du 29 avril 2016 sur le Sahara occidental et plus particulièrement le retour de la Minurso, le Conseil de sécurité a tenu, le 26 juillet, une réunion à huis clos consacrée à cette question. C’est son président, le représentant du Japon, Koro Bessho, qui a communiqué les résultats de la réunion. A cet effet, il a déclaré que «les membres du Conseil ont souligné l’importance de la relance des négociations directes (entre les 2 parties en conflit) pour parvenir à une solution politique garantissant le droit à l’autodétermination au peuple sahraoui».
Au sujet de la Minurso dont seulement 25 des 85 membres civils expulsés ont rejoint leurs postes de travail à Laâyoune, le Conseil considère que (à cause de ce retour partiel) la «mission n’a pas atteint la fonctionnalité complète», qu’elle doit atteindre «le plus tôt possible»(13). Il faut souligner tout de même que la référence du Conseil au dialogue direct est la conséquence de l’appel formulé, il y a peu de temps, par le président du Conseil national sahraoui, au moment où il assurait l’intérim de la présidence sahraouie, suite au décès du président Mohamed Abdelaziz.
Dans cette lettre, le responsable sahraoui déplorait le manque de progrès dans le processus parrainé par l’ONU et «exhortait le Conseil à adopter une approche urgente pour la reprise des négociations». Par ailleurs, interrogé sur l’éventualité de la reprise du conflit armé, Ould Salek rappelle que le blocage et le statu quo ne constituent pas la solution au conflit et c’est la raison pour laquelle «les Sahraouis sont, aujourd’hui, unanimes pour le retour à la lutte armée».
Dans ce contexte, un nouveau paramètre est apparu avec l’élection, le 9 juillet 2016, de Brahim Ghali à la tête du Front Polisario et de la RASD. Ce vétéran de la lutte de libération est une figure historique du mouvement indépendantiste. En tant que tel, son élection est perçue par le Maroc comme «le pire scénario». Ayant eu à occuper de hautes charges politiques, diplomatiques et militaires, Ghali est connu et respecté tant à l’intérieur, parmi ses concitoyens, que sur la scène politique internationale. C’est en homme politique et diplomate chevronné qu’il a, lors de sa première déclaration, soufflé le chaud et le froid en soulignant : «Nous sommes partisans de la paix et nous sommes prêts à coopérer avec le royaume du Maroc en vue d’exploiter les possibilités d’une solution qui existe encore, qui bénéficie du consensus du monde, fondée sur le respect du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance.» En militaire et homme d’action, il n’hésite pas à ajouter : «Il est une porte ouverte vers une paix réelle et le royaume marocain en assumera toutes les conséquences lors de sa fermeture, parce que le peuple sahraoui défendra ses droits sans relâche et par tous les moyens… Il faut poursuivre et intensifier le renforcement de l’armée et la préparer à toute éventualité.»(14) Simple manœuvre politique destinée à rassurer l’aile dure indépendantiste tout en préservant le lien avec les jeunes Sahraouis épris de paix et désireux de vivre dans de meilleures conditions socioéconomiques que la permanence de l’occupation et la vie des camps de réfugiés n’arrangent nullement ? En tout cas, le message a certainement été reçu à Rabat qui ne s’attendait pas à mieux. Ce qui semble par contre arranger les autorités algériennes qui pourraient voir en Ghali le digne héritier de Mohamed Abdelaziz et Mustapha El Ouali.
Alger et l’imbroglio sahraoui
L’actualité politique maghrébine en Algérie a connu, au mois de juillet, deux événements significatifs. Il y a eu d’abord la visite de Brahim Ghali à Alger, le 13 juillet, et ensuite celle d’une délégation marocaine, le 17 du même mois. Concernant la visite du président sahraoui, signalons qu’il s’est entretenu avec le Premier ministre Abdelmalek Sellal et non pas le président Bouteflika. C’est un cas inhabituel à Alger où le chef de l’Etat a reçu, malgré son état de santé fragile, de nombreux responsables étrangers, y compris de simples maires de villes françaises. Le communiqué publié à l’issue de cette visite est conforme à
la langue de bois en usage dans notre pays puisqu’il est dit que les deux dirigeants ont «procédé à une évaluation des relations historiques qui lient les deux pays» et que le Premier ministre «a réitéré l’engagement de l’Algérie pour le règlement de cette question conformément aux résolutions pertinentes des Nations unies pour le droit légitime à l’autodétermination du peuple sahraoui». Pourquoi cet accueil par le Premier ministre et ce ton apparemment «pondéré» du communiqué concernant le soutien au référendum d’autodétermination ? A ce stade, on ne peut qu’extrapoler alors qu’il ne devrait pas y avoir place à la spéculation qui risque d’être sciemment mal interprétée par des parties en quête de sensations. Le mystère demeure. Quant à la délégation marocaine, elle se composait du ministre délégué aux Affaires étrangères, Nacer Bourita, du directeur général des études et de la documentation, Yacine El Mansouri, et de l’ambassadeur marocain à Alger, Abdallah Belkeziz(15). Quoique porteuse d’un message du souverain marocain au président algérien, elle a été reçue par le Premier ministre algérien et non par le chef de l’Etat. Là aussi, la visite a été sanctionnée par un communiqué type «langue de bois» qui indique que l’audience a porté sur «les relations bilatérales, tout comme elle a permis un échange de vues sur les défis auxquels sont confrontés l’Afrique et le monde arabe»(16). En Algérie les médias non officiels ont tous révélé que la délégation marocaine était venue sonder l’Algérie sur son initiative envers l’UA. Plus que ce communiqué habituel, la presse algérienne a beaucoup spéculé sur la présence à l’entrevue du DG des services de sécurité marocains et de son vis-à-vis algérien, Athmane Tartag, conseiller du président, chargé de la coordination des services de sécurité. Ce qui a fait dire à cette même presse que la lutte contre le terrorisme était au menu de la rencontre. Du côté de la presse marocaine, elle estime que «cette visite a, d’un côté, un attrait de courtoisie des responsables marocains, et de l’autre elle s’inscrit dans une approche unitaire de coopération». L’objet de la visite aurait été «d’informer l’Algérie du nouvel esprit du Maroc à l’encontre de l’Union africaine»(17).
la langue de bois en usage dans notre pays puisqu’il est dit que les deux dirigeants ont «procédé à une évaluation des relations historiques qui lient les deux pays» et que le Premier ministre «a réitéré l’engagement de l’Algérie pour le règlement de cette question conformément aux résolutions pertinentes des Nations unies pour le droit légitime à l’autodétermination du peuple sahraoui». Pourquoi cet accueil par le Premier ministre et ce ton apparemment «pondéré» du communiqué concernant le soutien au référendum d’autodétermination ? A ce stade, on ne peut qu’extrapoler alors qu’il ne devrait pas y avoir place à la spéculation qui risque d’être sciemment mal interprétée par des parties en quête de sensations. Le mystère demeure. Quant à la délégation marocaine, elle se composait du ministre délégué aux Affaires étrangères, Nacer Bourita, du directeur général des études et de la documentation, Yacine El Mansouri, et de l’ambassadeur marocain à Alger, Abdallah Belkeziz(15). Quoique porteuse d’un message du souverain marocain au président algérien, elle a été reçue par le Premier ministre algérien et non par le chef de l’Etat. Là aussi, la visite a été sanctionnée par un communiqué type «langue de bois» qui indique que l’audience a porté sur «les relations bilatérales, tout comme elle a permis un échange de vues sur les défis auxquels sont confrontés l’Afrique et le monde arabe»(16). En Algérie les médias non officiels ont tous révélé que la délégation marocaine était venue sonder l’Algérie sur son initiative envers l’UA. Plus que ce communiqué habituel, la presse algérienne a beaucoup spéculé sur la présence à l’entrevue du DG des services de sécurité marocains et de son vis-à-vis algérien, Athmane Tartag, conseiller du président, chargé de la coordination des services de sécurité. Ce qui a fait dire à cette même presse que la lutte contre le terrorisme était au menu de la rencontre. Du côté de la presse marocaine, elle estime que «cette visite a, d’un côté, un attrait de courtoisie des responsables marocains, et de l’autre elle s’inscrit dans une approche unitaire de coopération». L’objet de la visite aurait été «d’informer l’Algérie du nouvel esprit du Maroc à l’encontre de l’Union africaine»(17).
Revenons à la démarche marocaine envers l’UA et examinons la réaction algérienne à travers les déclarations du Premier ministre et des deux ministres des Affaires étrangères. En marge de la clôture de la session parlementaire, le 21 juillet, le Premier ministre cité par la presse aurait déclaré que «la suspension de la République sahraouie de l’UA est impossible»(18). Le ministre d’Etat aux Affaires étrangères a été moins incisif dans ses propos en rappelant «diplomatiquement» les conditions réglementaires (acte constitutif) se rattachant à l’adhésion de tout Etat africain à l’UA. De même, le ministre des Affaires étrangères chargé notamment des Affaires africaines a lui aussi rappelé sur les ondes d’une radio les dispositions relatives à l’adhésion et la suspension d’un Etat membre.
Néanmoins le ton péremptoire et plein d’assurance du Premier ministre algérien paraît peu conforme aux impondérables qui caractérisent les situations dans l’univers politique. Ce qui est vrai aujourd’hui peut ne plus l’être demain. De plus, se prononcer catégoriquement sur une décision qui relève de la compétence de toute une organisation continentale souveraine pourrait être mal interprété par certains dirigeants africains qui s’offusqueraient d’une attitude tutélaire qui ne dit pas son nom. Et pourtant, d’aucuns devraient se demander quel sens attribuer au refus des autorités marocaines d’accorder un visa d’entrée au Maroc au leader du MAK, Ferhat Mahenni, le 16 juillet 2016 ? Un geste politique ? Un geste d’apaisement ? En tout cas on est loin de l’appel, en novembre 2015, du représentant marocain aux Nations unies «à faire émerger les voix de plus de 8 millions de Kabyles…» et assister «le peuple kabyle» pour «la reconnaissance de ses besoins et de ses attentes» et de «ses droits légitimes à l’autodétermination et à l’autonomie» !
Moins de six mois nous séparent du prochain sommet ordinaire de l’Union africaine. Un sommet qui pourrait focaliser les regards sur l’initiative marocaine et la stratégie de riposte de la RASD et de ses partenaires, en particulier l’Algérie. Chaque camp voudra mobiliser ses alliés et l’UA risque de faire les frais d’une division prévisible entre pro et anti-RASD. Ce qui risque de voir l’Union gaspiller de l’énergie et des ressources en raison d’un conflit interafricain qui dure depuis 40 ans et qui a engendré de la lassitude devant l’incapacité tant de l’UMA, de l’UA, que de l’ONU à concevoir et faire appliquer un plan de règlement acceptable pour toutes les parties.
Les positions figées des deux parties en conflit ont fait avorter toutes les tentatives de dialogue sous l’égide de l’ONU qui vient, en ce mois de juillet, de lancer, à travers le Conseil de sécurité, un énième appel en faveur du dialogue. Un appel sans écho, à ce jour.
Le discours algérien s’abreuve aux sources de son nationalisme et du principe de soutien au combat des peuples pour leur liberté. Ce que nous rappelle le défunt président Houari Boumediene dans un entretien avec un journaliste du quotidien français L’Humanité paru le 22 novembre 1975 dans le quotidien El Moudjahid, soit environ deux semaines après le lancement de la marche verte par le roi Hassan II. A la question du journaliste «pourquoi l’Algérie s’interesse-t-elle au problème (sahraoui) ?», le Président a répondu : «L’Algérie demande l’application des résolutions des Nations unies, le respect des décisions de la Cour internationale de justice et l’application du principe du droit universel des peuples à l’autodétermination.»(19) Cette position de principe s’est renforcée avec le temps au point de s’apparenter aujourd’hui à un dogme, tant elle est assimilée à une cause nationale. Mais ce discours qui était valable il y a 40 ans est-il toujours d’actualité ?
L’Algérie d’aujourd’hui connaît des problèmes de gouvernance politique et économique qui ont influé négativement sur ses capacités politiques et diplomatiques, malgré la présence d’un appareil diplomatique chevronné et consciencieux. De l’autre côté de notre frontière occidentale on est conscient de cette situation et la presse nous rappelle qu’en ce qui concerne l’Afrique, «à part l’aide financière, l’Algérie n’a pas développé ses investissements et ses échanges commerciaux avec l’Afrique», sous-entendu, comme l’a fait le Maroc. De même le discours du roi Mohammed VI prononcé il y a quelques jours et qui s’inscrit en droite ligne de celui de son défunt père dans les années 1960 et 1970 du siècle passé est-il en totale conformité avec les réalités nationales, régionales et internationales de ce début du XXIe siècle ? Enfin, en référence à la première déclaration du président sahraoui Brahim Ghali, peut-on affirmer que ce discours a évolué par rapport à celui de ses prédécesseurs ? Il y a lieu d’être sceptique dans les trois cas. Depuis la fin de la Guerre Froide, le monde n’est plus mû par le dogmatisme mais par le réalisme et le pragmatisme. Le statu quo actuel interpelle autant les dirigeants sahraouis que marocains et la recherche d’un
e solution devrait inclure les autres pays de l’Union du Maghreb arabe. Ce Maghreb dont les prémisses avaient été évoquées en avril 1958, lors de la Conférence maghrébine de Tanger par les dirigeants du FLN, du parti de l’Istiqlal et du Néo Destour qui étaient convaincus que leurs peuples étaient «unis par la communauté du destin, de la langue et de la religion»(20).
e solution devrait inclure les autres pays de l’Union du Maghreb arabe. Ce Maghreb dont les prémisses avaient été évoquées en avril 1958, lors de la Conférence maghrébine de Tanger par les dirigeants du FLN, du parti de l’Istiqlal et du Néo Destour qui étaient convaincus que leurs peuples étaient «unis par la communauté du destin, de la langue et de la religion»(20).
Le monde évolue inexorablement et ne restent à la traîne que ceux qui… refusent d’avancer. Et c’est le cas pour le Grand Maghreb qui pourrait être le cadre idéal pour transcender les divergences du moment et concevoir un avenir commun, pourvu que la volonté et la sincérité politiques soient présentes, dans l’intérêt des peuples maghrébins, de l’Union africaine, de la paix et de la sécurité dans le monde.
M. Z.
Bibliographie/ web graphie
11-http://www.algeriepatriotique.com/fr/article/exclusif-mohamed-salem-ould-salek-le-maroc-est-completement-dans-le-desarroi
12-http://www.algeriepatriotique.com/fr/article/exclusif-mohamed-salem-ould-salek-il-y-a-des-disaines-de-conseillers-israeliens-au-maroc(II)
13 http://www.lexpressiondz.com/actualite/le-conseil-de-securite-convoque-les-é-parties.htlm
14-http://www.jeuneafrique.com/mag/politique/sahara-occidental-brahim-ghali-front-polisario-sera-t-il-chef-de-guerre-de-paix
15- http://www.bladi.net/maroc.le-roi-mohammed-vi-envoie-des-emissaires-en-algerie.htlm
16-http://www.tsa-algerie.com/category/actualite/
Algérie – Maroc : ce –que- cache- la- visite- de- responsables- marocains- en-Algérie/17-07-2016/htlm
17-http://lesinfos.ma/news/details/202923/Ce-que-signifie-la-visite-de-la-dlgation-marocaine-en-Algerie
18-http://www.lexpressiondz.com/actualite/la-suspension-de-la-republique-sahraouie-est-impossible.htlm
19-Interview du Président Houari Boumediene accordée
à M. Lambotte, journaliste du quotidien français de l’Humanité in El Moudjahid du 22.11.1975
20-http://www.algeria-watch.org/fr/article/hist/1954-1962.commemoration-conference-tanger.htlm
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