L’Arabie Saoudite: Etat terroriste ?

Depuis 15 ans, le rôle de l’Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre 2001 n’a jamais été démontré. Mais on sait qu’Oussama Ben Laden, le chef d’al-Qaïda, était d’origine saoudienne, tout comme 15 des 19 pirates de l’air. Quant au Français Zacarias Moussaoui, qui aurait lui aussi dû faire partie des kamikazes, il avait assuré que la famille royale saoudienne avait largement financé al-Qaïda dans les années 1990.
Si la Maison Blanche a manœuvré ces dernières semaines pour que la loi mettant en cause l’Arabie saoudite ne passe pas devant le Congrès, la polémique n’est cependant pas prête de s’éteindre.
Dans le rapport de la Commission d’enquête américaine, 28 pages sont restée confidentielles. Contiennent-elles des éléments à charge ? La Maison Blanche dit vouloir privilégier la diplomatie plutôt que de passer devant des tribunaux. Car remettre en cause le principe de l’immunité des Etats créerait un précédent dangereux, et les Etats-Unis pourraient à leur tour être attaqués en justice sur d’autres dossiers. Barack Obama a ainsi dit qu’il apposerait son veto si la loi devait être votée. Cela pourrait calmer les dirigeants saoudiens, qui menacent déjà de représailles économiques, par exemple en vendant les bons du trésor américain et les avoirs qu’il possède aux Etats-Unis à hauteur de 750 milliards de dollars. Le seul terroriste survivant du 11 Septembre, va-t-il provoquer une crise d’une ampleur sans précédent dans les relations entre les États-Unis et son allié moyen-oriental de toujours, l’Arabie saoudite ? Selon des révélations faites par le New York Times, Zacarias Moussaoui, un Français originaire de Montpellier qui purge une peine de prison à vie dans un pénitencier du Colorado pour sa participation à la préparation du 11 Septembre, aurait fait des aveux qui transformeraient en certitude la complicité supposée de responsables saoudiens dans l’attaque contre les tours du World Trade Center. Ces déclarations, Moussaoui les a faites à une équipe de magistrats d’une cour fédérale de New York, qui venaient l’interroger dans le cadre d’une plainte contre l’Arabie saoudite, déposée par certaines familles des victimes du 11 Septembre.
Selon sa déposition d’une centaine de pages, dont les magistrats disent qu’il l’a faite calmement et de façon parfaitement cohérente, les responsables d’al-Qaida lui ont demandé en 1998 de constituer une base de données permettant de tenir une comptabilité précise des financements de l’organisation par différentes personnalités saoudiennes. Il se souvient notamment avoir enregistré dans cette base les contributions du prince Turki Al-Fayçal, le chef des services secrets du royaume, du prince Bandar Ben Sultan, l’ambassadeur saoudien à Washington, ou encore du prince Al-Walid Ben Talal, un richissime investisseur, proche lui aussi de la famille royale. Selon le New York Times, Moussaoui précise « Cheikh Oussama Ben Laden voulait garder ainsi une trace de ceux qui nous donnaient de l’argent et donc participaient au djihad. »
Mais il y a encore plus dérangeant dans les aveux du terroriste : lorsqu’il était dans un camp d’entraînement en Afghanistan, il a participé aux répétitions des attaques d’août 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. Et notamment à la préparation de la bombe de 750 kg qui a fait 213 morts à Nairobi. Or, pendant cette période est venu le voir le responsable des affaires islamiques à l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington. « Avec lui, j’ai parlé de la faisabilité de tirer un missile sol-air Stinger contre Air Force One » (l’avion du président des États-Unis). Le diplomate était supposé l’aider à trouver un emplacement permettant de tirer sur l’avion et de s’enfuir avant que les forces de sécurité aient le temps d’intervenir.
Moussaoui ne pourra heureusement mener à bien ce projet. Envoyé aux États-Unis en 2001, avec une dotation de 14 000 dollars provenant du prince Turki Al-Fayçal, et transitant par les caisses d’al-Qaida, il est arrêté près de Minneapolis le 16 août 2001. Son comportement, alors qu’il suivait des cours de pilotage à la Panam Flight Accademy, avait éveillé l’attention du FBI. Pas assez cependant pour que les policiers américains anticipent que le Français faisait partie du terrible complot qui allait un mois plus tard précipiter des avions sur les tours de New York et sur le Pentagone à Washington.
Aucune preuve matérielle n’est venue jusqu’à présent conforter la déposition de Moussaoui, dont on peut évidemment penser qu’elle émane d’un condamné qui peut chercher à alléger sa peine par des aveux retentissants. D’ailleurs, l’ambassade d’Arabie saoudite n’a pas manqué de publier, dès que l’information a été connue, un communiqué réfutant toutes ces accusations. « Moussaoui, dit entre autres ce texte, est un criminel dérangé qui n’apporte aucune preuve. En 2004, la Commission du 11 Septembre avait exonéré l’Arabie saoudite de toute responsabilité. »
Il n’empêche que dès que les révélations de Moussaoui ont été connues, l’ancien sénateur Bob Graham, qui était vice-président de la commission du Congrès sur le 11 Septembre, a demandé que soient rendues publiques 28 pages du rapport sur les attentats qui explorent les liens entre l’Arabie saoudite et al-Qaida, et avaient été classifiées. Pourquoi elles et pas d’autres ?Dans les sous-sols du bâtiment du Capitole, tout près de l’entrée où des flots de touristes se présentent pour la visite du Congrès, il existe une pièce sécurisée où le Comité pour le renseignement de la Chambre des représentants conserve des documents secrets hautement classifiés. L’un d’eux, long de 28 pages, et intitulé «Éléments, discussion et récit concernant certains sujets sensibles de sécurité nationale», a fait couler beaucoup d’encre depuis treize ans.
Ce texte, qui pose la question du rôle de l’Arabie saoudite dans l’organisation des attentats du World Trade Center, faisait partie du fameux rapport sur le 11 septembre 2001, supervisé par le Comité du renseignement du Sénat, et son ancien président Bob Graham. Mais au moment de sa publication en 2002, ce sénateur démocrate de Floride, qui a depuis quitté le Congrès, a découvert avec stupéfaction que les 28 pages avaient été supprimées et classifiées à la demande de l’Administration Bush. «Raisons de sécurité nationale», avait expliqué à l’époque l’équipe de George W. Depuis toutes ces années, c’est ce même argument qui a empêché la déclassification du texte, malgré les efforts de Graham, l’un des rares à avoir lu le document, même s’il peut être accessible aux élus qui en font la demande.
«Ce rapport montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 Septembre», déclare l’ancien sénateur. «Nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont été soutenus aussi par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a é

té cachée au peuple américain», ajoute Graham. «On nous dit que cela ne peut être fait pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire», poursuit-il.

«Publier est important précisément pour notre sécurité nationale. Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi qu’ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir al-Qaida, puis plus récemment dans l’appui économique et idéologique à l’État islamique. C’est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d’extrémisme qui a frappé Paris», martèle l’ancien sénateur. Un autre élu qui a lu le document a confié au New Yorker que «les preuves du soutien du gouvernement saoudien pour les événements du 11 Septembre étaient très dérangeantes» et que la «vraie question est de savoir si cela a été approuvé au niveau de la famille royale ou en dessous».
En 2002, Graham était bien seul dans son combat pour «la vérité». Mais à la mi-janvier, il a tenu une conférence de presse au Sénat sur ce thème en compagnie de deux représentants, le républicain Walter Jones et le démocrate Stephen Lynch, qui ont présenté une résolution HR 428 appelant à la déclassification. «Le soutien grandit mais atteindra-t-il le seuil qui permettra au Congrès de faire pression sur l’Administration Obama? Ce n’est pas clair», note l’ancien élu. Jones et Lynch ont écrit au président pour lui demander d’agir. Selon l’un des membres de l’organisation des familles victimes du 11 Septembre, Terence Schiavo, Obama aurait promis de déclassifier un jour.
Les familles de victimes sont en première ligne dans ce combat. Si leurs avocats pouvaient prouver la participation de l’État saoudien aux attentats, Riyad serait forcé de leur verser des compensations. «Nous affirmons que des organismes de bienfaisance établis par le gouvernement du Royaume pour propager l’idéologie radicale wahhabite ont servi de sources majeures de financement et de soutien logistique à al-Qaida, pendant toute la décennie qui a mené au 11 Septembre», a confié l’un des avocats des familles, Sean Carter, au New Yorker. Selon l’hebdomadaire, deux des kamikazes auraient notamment été financés et hébergés à San Diego par un personnage en contact permanent avec la section du ministère des Affaires islamiques basée à Los Angeles. L’Arabie saoudite nie toutefois toute responsabilité et a appelé à la déclassification des 28 pages afin de laver sa réputation.
Bob Graham pense que derrière ces appels, le Royaume fait pression sur Washington pour que le rapport reste confidentiel. Mais certaines des personnes qui ont travaillé sur le document apportent de l’eau au moulin des Saoudiens, en soulignant que le texte n’établit pas de manière irrévocable la participation des autorités saoudiennes. C’est notamment le cas de Philip Zelikow, directeur de la commission du 11 Septembre, qui qualifie les 28 pages «d’accumulation de rapports préliminaires non confirmés». «Je ne suis pas d’accord. Si ce rapport est superficiel et peu convaincant, pourquoi en avoir empêché la publication depuis treize ans?» réagit Graham.
Pour lui, «la réponse est évidente concernant les Bush, qui sont très proches des Saoudiens» qui craignaient pour leur réputation. La raison pour laquelle Obama suit la même voie semble surtout venir des énormes implications géopolitiques que pourraient avoir de telles révélations sur une relation américano-saoudienne, toujours considérée comme vitale. Le fait que le président ait écourté sa visite en Inde la semaine dernière, pour aller saluer le nouveau roi d’Arabie en compagnie de 30 hautes responsables politiques – alors qu’aucun n’avait pris la peine de se rendre à la marche de Paris après les attaques terroristes – en dit long sur les priorités de Washington.
Avec les mouvements de plaques tectoniques qui secouent le Moyen Orient – l’opposition chiites-sunnites, la question du nucléaire iranien, la guerre d’Irak et de Syrie et la déstabilisation du Yémen -, «Obama ne veut pas introduire un nouveau facteur d’instabilité», dit Graham. Même si son jeu avec l’Iran semble indiquer une volonté de se distancer de l’Arabie, le choix est clairement de maintenir plusieurs fers au feu. Faute de mieux. Lors de sa récente visite à Washington, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Joubeir a transmis personnellement un message royal annonçant que les Saoudiens seraient obligés de vendre leurs titres du Trésor ainsi que d’autres actifs aux Etats-Unis d’une valeur totale de 750 milliards de dollars avant que ces derniers ne soient gelés par la justice américaine, rapporte The New York Times.
Selon le quotidien américain, l’administration de Barack Obama fait pression sur le Congrès afin de bloquer le passage du projet de loi qui risque d’avoir de graves conséquences économiques et financières pour Washington.
Les efforts intenses déployés par la Maison Blanche en vue de suspendre la loi ont attiré l’attention des familles des victimes des attaques. D’après elles, l’administration du président américain cherche à les empêcher d’apprendre la vérité sur le rôle des certains responsables saoudiens dans les attentats.
Certains experts cités par le journal notent que l’ultimatum de l’Arabie saoudite sera difficile à tenir, car le retrait des actifs pourrait « paralyser » l’économie du Royaume. Cependant, soulignent-ils, cette menace témoigne d’une escalade des tensions entre Riyad et Washington. L’ex-sénateur démocrate Bob Graham, qui a participé à l’enquête sur les attaques du 11 septembre menée par le Congrès, a annoncé que d’ici 60 jours, le président américain Barack Obama déciderait de la publication de la partie classifiée du rapport sur les attentats terroristes qui avaient frappé les Etats-Unis en 2001. Selon la chaîne Fox News, 28 pages du document en question pourraient confirmer l’implication des Saoudiens dans ces attaques.
Les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center à New York, qui ont fait environ 3.000 morts, ont été revendiqués par l’organisation djihadiste sunnite Al-Qaïda, fondée par Oussama ben Laden.
Fils d’une riche famille saoudienne, Oussama ben Laden avait été déchu de sa nationalité en 1994. Il a été tué le 2 mai 2011 par des forces spéciales américaines dans sa résidence d’Abbottabad, au Pakistan.
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