Les passagers des relations algéro-françaises ont beau (bien) attacher leurs ceintures à chaque fois. Et chaque fois, le vol (ou le survol) des relations traverse toujours d’itératives zones de turbulences.
Cette fois-ci, c’est une visite de haut rang qui vient se « crasher » sur le tarmac des incompréhensions voire des différends.
Énième brouille dans les relations, a dit la presse. Pourtant, personne n’avait diagnostiqué cette énième poussée de fièvre (qui a annulé la visite de la délégation française) au vu de la relation personnelle, au beau fixe entre les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune.
Paris-Alger…un passé qui ne passe pas et un avenir qui a du mal à se dessiner ? Les gourous de la politique s’escriment et dessinent des thèses, s’épanchent sur des hypothèses qui vont de l’activisme(ou lobbyisme) diplomatique du Maroc qui s’attelle à démanteler toute initiative allant dans le sens d’une construction saine et pérenne des relations entre la France et l’Algérie, à la miniaturisation de la délégation française voire du problème sur le Sahara occidental.
Mais pas que. Car le roman franco-algérien est jonché de tonnes de vicissitudes qui égrènent la conquête génocidaire, la longue nuit coloniale , la guerre d’indépendance la torture , le napalm , les camps , les disparus , Reggane, les harkis , les accord d’Evian et tutti quanti.
Bel écheveau que ne dénouerait pas un magicien de la politique ! Et perception allégorique de la relation, qui croule sous les débris des promesses, des occasions manquées, des virages ratés.
Paris-Alger ou quand les aiguilles du temps sont restées figées dans une pendule qui indique minuit du siècle dernier. Et où la relation s’incrusta définitivement.
1962- 2021 : de De gaule à Macron et de Ben Bella à Tebboune…Presque 60 ans de mauvaises réponses aux bonnes questions et vice-versa. On approuve, on réfute, on sursaut, on s’indigne, on promet, on se débine. Paris-Alger ou l’impossible relation ?
Paris -Alger, paradis de l’oxymore et des humeurs prolongées. La relation, coincée sous la lorgnette de l’incident diplomatique, grince chaque fois qu’une ébauche se dessine.
Alacrité Hollandaise, érudition Macronienne, bagout Chiraquien, cynisme Sarkozien…Invention perpétuelle des formes qui s’échinent à modeler une relation sur des concepts qui datent des lumières et qui vont dans la sibylline accusation de la faute…à Voltaire.
Belle conception de la diplomatie, si ce n’est qu’elle n’est envisageable que dans l’Europe des chancelleries gloseuses.
Faire simple est peut-être plus judicieux. A commencer par essayer de mieux se redécouvrir. Bénéfice du doute plutôt que le bénéfice de la suspicion, traitement d’égal à égal dans les relations maghrébines, pour ne plus signer à Rabat ou à Tunis, ce qui a été convenu à Alger.
Détabouiser les dossiers qui gênent, les archives qui puent et les questions qui pendent.
Question : la France veut- elle des relations franches, directes, lavées de toute arrière- pensée ?
La réponse se dilue dans 60 ans de zones d’ombres…et de secrets-défense. Et la relation, terre trop promise, se craquelle sous les pas des brouilles.
Sous Boutef nous eûmes un déferlement de visiteurs-politiques … les jalons d’un partenariat d’exception furent posés : facilitation du commerce entre les deux pays, création de prestigieuses écoles, dont une en coopération avec la fameuse école des mines de Paris, des dizaines de projets industriels signés.
Exit le contentieux historique, les malentendus, le ciel des relations est dégagé comme dirait la météo. La circulation accélérée des affaires a évincé l’ex pointillisme bilatéral.
Ce fut chéquier et élégance : on plastronna, on fanfaronna. L’ambiance était à la frivolité.
Ministres et hommes d’affaires des deux rives s’adonnant à une glose charmante…un joli monde frotté de Fabre et de Darwin. On avait choisi de faire rapide. Fast and Good.
Tout ira mieux dans le meilleur des…ondes affairistes. Les projets passent à la surmultipliée. Tout doit se faire en cuisson rapide. Il faut saisir son sujet aux fourneaux, comme disent les cuistots. Et ce fut la course aux arts du moment…Commerce, voitures, transfert de technologie.
On n’a jamais été aussi vite avec l’ancienne colonie depuis Sidi-ferruch. La France retrouve du charme à son ancienne colonie. Et s’enrichir, sur le flou des relations fut le nouvel évangile de ce subit réchauffement entre Paris et Alger.
Sitôt ce joli monde Hexagonal rentré chez lui…Nous ne vîmes plus rien. Ou si : une relation grammaticale faite d’alacrité, de verbes inutiles, de photos volées (Manuel Valls jouant au paparazzi) et de tilt dans le mouvement ronronnant de la chose.
Avril 2021…Une énième délégation française programmée et confirmée fait le no show à la passerelle des relations. L’explication à ce énième rendez-vous manqué pullule de guillemets, de tirets, de points de suspension.
La relation algéro-française ou franco- algérienne a encore de beaux jours de faux-bonds devant elle.
A quand le nouvel épisode d’un feuilleton qui vire au nanar ? Le diable est dans les détails !
Madjid Khelassi
La Nation, 14 avr 2021
Etiquettes : Algérie, France, Alger, Paris, Mémoire, Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune, guerre d’indépendance, torture, napalm, camps, disparus, Reggane, harkis, accords d’Evian, Maroc, Sahara Occidental, lobby,
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