Une visite du Premier ministre à Alger, prévue dimanche, a été reportée sine die, officiellement pour cause sanitaire, mais vraisemblablement pour raisons diplomatiques
Taille de la délégation ministérielle française, « provocation » sur la question du Sahara occidental, « armada de journalistes » parisiens, soutien au mouvement pro-démocratie du Hirak… Les médias algériens tirent samedi à boulets rouges sur Paris, après l’annulation à la demande d’Alger de la visite prévue ce week-end du Premier ministre français Jean Castex.
La question du Sahara occidental est « sensible » pour l’Algérie et la décision de LREM d’ouvrir un bureau à Dakhla, sous contrôle marocain mais faisant partie du territoire revendiqué par le Polisario, est considérée comme « une provocation » de la France, explique le chercheur Hasni Abidi.
« On est en droit de s’interroger sur le jeu trouble des autorités françaises », écrit l’éditorialiste du quotidien francophone El Watan sous le titre : « Graves hostilités françaises ».
« Des lobbys travaillent contre une entente cordiale entre l’Algérie et la France », avance également l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud, dans El Watan. Ces accusations récurrentes visent l’extrême droite et les partisans de l’ex-Algérie française.
Coopération économique
La visite du Premier ministre français devait marquer une nouvelle étape dans le réchauffement bilatéral engagé par les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune. Après des tensions lors du soulèvement populaire du Hirak il y a deux ans, Emmanuel Macron a opté pour un soutien ouvert au président Tebboune, dont l’élection fin 2019 a été massivement rejetée par la population et qui reste contesté dans la rue.
La réunion de dimanche avait pour but de tenir pour la première fois depuis décembre 2017 un « Comité intergouvernemental de haut niveau », co-présidée par Castex et son homologue Djerad, afin de faire le point notamment sur la coopération économique entre les deux pays.
Relations tumultueuses
Les deux pays entretiennent des relations tumultueuses depuis des décennies, fruit de l’histoire coloniale et de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Emmanuel Macron, premier président français né après la guerre d’Algérie, a fait certains gestes d’ouverture pour tenter d’apaiser cette relation, comme la reconnaissance de l’assassinat d’un militant indépendantiste, ou encore une ouverture des archives françaises de la période de la guerre. Les initiatives d’Emmanuel Macron font partie des recommandations mémorielles de l’historien Benjamin Stora dont le rapport a été critiqué en Algérie parce qu’il ne préconise pas notamment des « excuses » de Paris.
Le chef de l’État algérien a réaffirmé dimanche que la mémoire nationale « ne saurait faire l’objet de renonciation ni de marchandage ».
« Ennemi traditionnel et éternel »
Tandis que certains médias algériens vantaient le réchauffement franco-algérien, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Hachemi Djaâboub, a lancé jeudi devant le Sénat une virulente attaque contre la France, qualifiée d’« ennemi traditionnel et éternel », selon le site en ligne TSA.
Sud-Ouest, 10 avr 2021
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