Jeudi 23 juin, les Britanniques vont voter sur un Brexit, qui aura des effets non seulement sur le pays et l’Europe mais aussi sur les autres pays qui ont des relations commerciales et politiques avec le Royaume-Uni.
Le Maroc fait partie de ces pays, donc quelles seraient les conséquences directes pour lui d’un Brexit? Dans un article publié le 21 juin 2016, L’Usine nouvelle, a répondu sur cette question.
En cas de » Brexit « , les conséquences géopolitiques sont incalculables pour les 28 devenus 27 mais aussi pour les partenaires de l’Union, à commencer par ceux de la zone Méditerranée et le Maroc. Selon le magazine, le Maroc commerce surtout avec la France et l’Espagne, environ 40% de ses exportations. Au total, les exportations marocaines vers le Royaume-Uni représentent environ 500 millions d’euros (plus de 5 milliards de dirhams). Les échanges bilatéraux de biens et services s’élèvent au total à environ 2,3 milliards d’euros par an. Le Maroc exporte notamment des fruits et légumes, vêtements, des phosphates et des composants automobiles vers le Royaume-Uni. Celui-ci exportant des hydrocarbures, de l’acier, des pièces automobiles ou des équipements électriques vers le royaume chérifien. Au plan commercial, les conséquences d’un Brexit pourraient être les plus directes. Le Maroc est un partenaire étroit de l’Union européenne à travers le « statut avancé » de 2008 mais aussi plusieurs importants accords de libre-échange, notamment agricole (sauf que celui-ci est partiellement suspendu actuellement à propos d’un différent sur le Sahara occidental).
Les produits agricoles et de la pêche pèsent ainsi 22 % des exportations marocaines vers l’UE. L’Europe négocie actuellement un accord de libre échange « complet et approfondi » (ALECA) avec le Maroc, mais le royaume bénéficie déjà pour ses produits agricoles et industriels d’un accès privilégié et de droits de douane réduits vers tous les membres de l’Union, Royaume-Uni compris .
En cas de scission de Londres, à l’issue d’une période de transition, les Britanniques ne seront plus tenus pas les accords commerciaux UE-Maroc. Pour le Maroc, le Royaume-Uni pourrait devenir comme un « nouveau pays » avec ses propres règles.
En la matière, tout dépendra du choix du Royaume-Uni. Au lendemain d’un Brexit, cette décision complexe dépendra du contexte politique, de l’attitude du Parlement britannique (majoritairement pour le « Bremain » et du choix in fine du gouvernement dont on ne sait qui sera le chef (Boris Johnson ?).
Comme l’a détaillé la fondation Robert Schuman, techniquement, une bonne demi-douzaine de solutions sont possibles façon norvégienne, suisse ou islandaise au sein de l’Espace économique européen ou de l’Association européenne de libre-échange, notamment. Avec pour hypothèse maximaliste, un simple statut de pays tiers pour le Royaume-Uni vis-à-vis de ses anciens partenaires.
De nouvelles règles commerciales à négocier
Selon les cas, le Maroc, comme tous les pays partenaires de l’Union européenne pourrait devoir négocier de nouvelles règles commerciales avec le Royaume-Uni sur l’accès de ses produits agricoles, halieutiques ou industriels. Et s’accorder sur les conditions d’accès et aussi les droits de douane.
Ce processus sera long. Il faudra d’abord que Londres s’accorde sur son nouveau statut via à vis de l’Union et que celui-ci soit ratifié par l’ensemble des pays européens et le Parlement européen. Avant, ensuite, que Londres ne passe aux négociations commerciales avec des dizaines de pays tiers. On imagine bien qu’à côté de la Chine, des Etats-Unis ou de l’Inde, le Maroc ne sera pas le premier pays sur la liste du 10, Downing street.
Outre la politique commerciale, en cas de Brexit, et selon, là encore le statut qui sera négocié, le Royaume-Uni pourrait choisir, non plus, de se référer aux normes techniques européennes (comme depuis 1992 au sein du Marché unique) mais d’établir les siennes sur des sujets comme la sécurité alimentaire et phytosanitaire ou encore les produits automobiles. A moyen terme, les exportateurs vers le Royaume-Uni devraient alors entamer des procédures de mise en conformité ou de tests distincts des normes européennes qu’ils connaissent. Difficilement quantifiable, cette contrainte serait néanmoins un facteur de coût supplémentaire pour les entreprises de pays tiers comme le Maroc. Dans les faits, il semble peu probable que Londres remette tout à plat en terme de normes techniques vis-à-vis des pays tiers. Dans le cadre de programmes pluriannuels de dons, et dans le cadre de sa « politique de voisinage », l’Union européenne est un bailleur de fonds important de la rive sud de la Méditerranée et notamment du Maroc. Pour la période 2014-2020, le Maroc doit ainsi recevoir de 728 millions à 890 millions d’euros d’aides directes de l’Union européenne. A cela s’ajoutent divers programmes, par exemple sur le contrôle des migrations ou les énergies renouvelables sans compter les prêts de la BEI. Ces engagements s’inscrivent dans le « cadre financier pluriannuel 2014-2020 », en clair le budget de l’Europe, qui s’élève à 960 milliards d’euros sur cinq ans. Du simple fait du Brexit, les aides au Maroc ou à la Tunisie ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Mais lors de la négociation du futur budget européen, celui de l’après 2020, le retrait de Londres pèsera de tout son poids.
Le Royaume-Uni contribue directement pour 14% environ du budget européen. Mécaniquement, celui-ci devrait donc être réduit d’autant ! D’où un immense programme d’économies à attendre sur les dépenses de l’Union, notamment sur l’aide extérieure. Toutes choses étant égales par ailleurs, un calcul arithmétique appliqué à la situation actuelle montre que potentiellement cette « perte » serait de l’ordre de 100 millions d’euros sur 7 ans pour le Maroc.
D’autre part, les ressortissants marocains doivent déjà solliciter un visa pour se rendre dans le pays. Néanmoins pour certaines catégories d’entre eux, un Brexit pourrait avoir des implications. C’est le cas des membres étrangers de la famille (conjoint, enfants) d’un citoyen européen mais n’ayant pas eux-mêmes la nationalité d’un des pays de Schengen : par exemple le conjoint marocain d’une citoyenne française résidant tous deux en France. Aujourd’hui, celui-ci bénéficie, non d’exemption de visa mais de certaines facilités de séjour et d’entrée au Royaume-Uni, ce qu’a confirmé un arrêt de la Cour de justice européenne de 2004. Cette disposition serait amenée à disparaître en cas de Brexit, pour être ensuite renégociée dans un cadre bilatéral entre le Royaume-Uni et les pays tiers. Ce qui prendra du temps
. De plus, l’immigration étant devenue un thème central de la campagne du Brexit cela ne sera pas une priorité du gouvernement britannique. A noter que neuf pays européens dont le Royaume-Uni ont conclu avec le Maroc en 2013 un accord sur la mobilité, concernant essentiellement le contrôle des migrations que Londres pourrait remettre en cause en cas de Brexit. Pour le reste, le Royaume-uni a fait valoir pour l’essentiel son « opt-out » dans la plupart des directives européennes sur l’immigration et les visas. La situation actuelle changerait donc peu en cas de victoire du « leave ».
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