Maroc : Le Makhzen de plus en plus isolé

Tags : Parlement européen, corruption, Pegasus, espionnage, droits de l’homme,

En Méditerranée Occidentale, le Maroc ne s’entend avec personne. Ou presque. Hormis en effet l’Espagne qu’il soumet à ses quatre volontés en exerçant sur les dirigeants espagnols divers chantages, le Makhzen est en conflit avec tout le monde. C’est le cas avec l’Algérie, la Tunisie et la France.

L’état calamiteux des relations du Maroc avec ces pays s’explique assez aisément. Rabat veut imposer ses vues à tout le monde. Les autorités marocaines apparaissent être des adeptes de la stratégie de la tension et des passages en force. Elles refusent de s’amender même quand elles sont dans l’erreur ou qu’elles sont prises la main dans le sac.

Le constat se vérifie dans l’affaire Pégasus, une sinistre histoire d’espionnage à grande échelle, et le lourd dossier de corruption qui vient d’éclabousser le Parlement européen. Bien qu’il soit fautif sur toute la ligne et au lieu de faire amende honorable, le Makhzen s’enfonce dans son entêtement. Il se croit tout permis. Cette conduite faite d’agressivité, de défiance et de provocations n’est plus admise par beaucoup de partenaires du Maroc. C’est ce qui a d’ailleurs convaincu l’Algérie de rompre carrément ses relations diplomatiques avec ce voisin irrévérencieux et belliqueux. Rabat est toutefois tombé de haut lorsque le Parlement européen a adopté à la majorité une résolution sur la situation des droits de l’homme au Maroc. Humiliante, cette résolution confirme ce que tout le monde savait déjà : le Maroc n’est qu’une monarchie moyenâgeuse hideuse où la liberté d’expression est inexistante et où les militants des droits de l’homme sont embastillés pour un oui ou pour un non sur la base de dossiers vides.

Il a été notamment reproché au Maroc son « abus » dans le recours aux accusations de crimes sexuels contre les journalistes indépendants, dont plusieurs ont été condamnés à de lourdes peines de prison. La résolution a aussi condamné le rôle des services marocains dans la corruption de députés européens afin d’influencer la politique étrangère de l’Europe. Le scandale a éclaté il y a quelques semaines et l’enquête de la justice belge, toujours en cours, a pu déterminer formellement l’implication de DGED (renseignement extérieur) et de la diplomatie marocaine. L’enquête avance à grands pas. Le Maroc est discrédité auprès des opinions européennes.

Comme il fallait s’y attendre, les députés espagnols ont voté contre le texte condamnant le Makhzen. Leur vote était attendu car ils se sont tous fait graisser la patte par la police politique de Mohammed VI. Les preuves existent désormais. Et ils sont tous du PSOE, le parti socialiste espagnol. Humilié publiquement, le Maroc a entrepris depuis de se venger des pays qui ont appuyé la résolution en question. Sa principale cible est désormais la France qu’il soupçonne d’avoir inspiré le texte en question. La résolution, votée jeudi 19 janvier, a été proposée par le groupe Renew Europe, comprenant entre autres des députés français du parti d’Emmanuel Macron.

Alors que les relations franco-marocaines étaient dans une phase de réchauffement, Rabat à décidé d’annuler deux rencontres présentées comme importantes avec des responsables français. Les autorités marocaines ont invoqué des « motifs d’agenda et d’organisation logistique » pour annuler ces rencontres. Un argument que la partie française aurait trouvé peu convaincant. Mais officiellement, Paris considère que la France n’est pas en crise avec le Maroc. « Nous sommes au contraire dans un partenariat d’exception que nous entendons nourrir», a déclaré le 25 janvier Anne-Claire Legendre, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, en réponse aux critiques de parlementaires marocains et à une virulente campagne de presse anti-française des médias locaux, soulignant la volonté de Paris d’inscrire cette relation bilatérale «dans les 10 à 20 ans» à venir.

Si du côté français on estime donc que la résolution du Parlement européen ne constitue pas un motif valable pour plonger les relations franco-marocaines dans une nouvelle crise, ce n’est le cas pour les Marocains. Rabat croit que la France a carrément «orchestré» une campagne anti-marocaine à Bruxelles. «Dans les coulisses de cette décision se cache un pays que l’on croyait ami et partenaire sûr mais l’odeur du gaz lui a fait perdre sa tête», a lancé Ahmed Touizi, un député marocain, en référence au rapprochement entre Paris et Alger. Il apparaît clairement que les autorités marocaines ne seront tranquilles que lorsqu’elles auront dynamité les relations algéro-françaises et amené Paris à les soutenir publiquement dans leur entreprise de colonisation du Sahara Occidental. Mais il est peu probable que cela arrive. Les pays européens ont désormais pris conscience de la réalité de la monarchie marocaine. Le Makhzen n’est plus en terrain conquis dans les institutions européennes. Plus le temps passe, plus il s’isole. Le roi es nu !

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