Maroc-Espagne. Une immigration clandestine croissante – Ceuta, Melilla, Iles Canaries,
Nos frontières resteront à la merci de Rabat et de sa manipulation des migrants. Et pour l’instant, l’immigration clandestine continue de progresser
L’Espagne, frontière méridionale de l’Europe, continue de connaître une tendance constante à l’augmentation des entrées d’immigrants illégaux, que ce soit par Ceuta et Melilla ou par les îles Canaries. Comme le rapporte ABC dans un rapport détaillé publié aujourd’hui, les sauts de la clôture séparant Melilla du Maroc, ainsi que l’arrivée sans discernement de petits bateaux avec à leur bord des Africains subsahariens désespérés, ont augmenté l’immigration clandestine de 35 %. Les îles Canaries représentent également une fois de plus la majorité des arrivées sur nos côtes, qui ont augmenté de 71 % par rapport à l’année dernière. Les chiffres annuels totaux calculés par le ministère de l’intérieur sont toujours en suspens en raison de leur imprécision, car le ministère n’inclut toujours pas les plus de 10 000 personnes qui ont gagné les plages de Ceuta au printemps dernier, poussées par le Maroc pour faire pression sur l’Espagne.
Le phénomène se poursuit donc à grande échelle, dans l’espoir que le nouvel accord du gouvernement avec Rabat permettra au moins au Maroc de cesser de faire du chantage à notre pays de manière récurrente et stratégique. Le changement drastique de notre politique étrangère envers notre pays voisin, cédant nos positions traditionnelles vieilles d’un demi-siècle sur le Sahara, et reconnaissant implicitement la souveraineté du Maroc sur ce territoire, devrait persuader le Maroc de cesser d’utiliser les mafias migratoires comme bon lui semble pour tendre les relations avec l’Espagne. Toutefois, cela se verra au fil des mois. Pour l’instant, l’arrivée du beau temps menace d’inonder à nouveau l’Atlantique et une partie de la Méditerranée de petits bateaux et de pirogues.
Outre l’utilisation des mafias par le gouvernement marocain comme moyen de pression, plusieurs facteurs perpétuent l’arrivée de l’immigration clandestine. Tout d’abord, la recherche par des milliers de personnes d’un moyen de sortir de la misère de leur pays en quête d’une vie meilleure. Deuxièmement, la perception d’une politique migratoire faible au niveau de l’UE, incapable de trouver des solutions à un drame humanitaire qui est devenu une véritable invasion, générant un problème politique et social d’une ampleur incontestable. Troisièmement, la certitude pour les immigrants que la lenteur administrative de l’Europe en général, et de l’Espagne en particulier, est toujours une occasion de rester dans notre pays à la recherche d’opportunités. Ils préféreront toujours l’inconfort d’un centre de détention pour immigrés aux difficultés qu’ils ont connues auparavant, et ils préféreront toujours l’incertitude de l’obtention d’un permis de séjour temporaire à d’autres incertitudes, comme le fait de savoir que dans leur propre pays ils sont persécutés ou qu’ils n’ont même pas la possibilité de subvenir aux besoins de leur famille.
En outre, en Espagne, on constate un certain épuisement des membres des forces et corps de sécurité face aux afflux massifs. Il en va de même pour les moyens dont ils disposent pour lutter contre l’immigration clandestine, qui ne les protègent pas toujours comme ils le devraient. Il est clair que le discours du gouvernement est celui des bonnes intentions, voire de l’accueil, enveloppé dans un faux humanitarisme, mais les faits sont différents. Le même gouvernement qui allait abroger les « expulsions à chaud » prévues par la loi sur la sécurité des citoyens les applique en plus grand nombre que les gouvernements précédents. Tout au plus, la réforme de cette loi ne sert qu’à affaiblir nos forces de sécurité. C’est pourquoi la rhétorique triomphaliste du gouvernement après avoir cédé au Maroc est redondante. Nos frontières continueront à être à la merci de Rabat et de sa manipulation des immigrants. Et pour l’instant, l’immigration clandestine continue de croître.
ABC, 15/04/2022
#Espagne #Maroc #Ceuta #Melilla #Migration