Une guerre entre l’Algérie et le Maroc n’est pas envisageable – Israël, Sahara Occidental, Front Polisario, Lobbying, diplomatie
Alors que le risque d’un conflit militaire entre Rabat et Alger augmente, il semble peu probable que les deux pays s’affrontent sur ce terrain. L’heure est plutôt à une « guerre froide ».
L’heure est au comparatif entre les arsenaux militaires du Maroc et de l’Algérie. Au comparatif des alliances aussi. Selon les journalistes, si une guerre avait lieu entre les deux pays, elle pourrait ressembler à un conflit à distance entre la Russie et Israël. Mais dans les faits, difficile de croire en une intervention armée entre les deux pays. Même si l’Algérie et le Maroc se sont déjà affrontés de façon militaire en 1963, lors de la « guerre des sables ». Depuis cette époque, on assiste à une guerre froide qui ne s’est jamais à nouveau traduite sur le terrain.
Pourtant, depuis décembre, la tension est montée d’un cran. La faute à l’annonce par l’administration Trump de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, et la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. La région est, depuis longtemps déjà, un sujet de disputes entre les deux pays nord-africains. Et au fur et à mesure que Rabat avance ses pions aux côtés de l’Etat hébreu, le ton monte du côté d’Alger. Jusqu’au 1er novembre, date à laquelle trois Algériens circulant à bord de camion ont été tués lors d’un bombardement qu’Alger a attribué au Maroc.
Une guerre sur le terrain numérique
De quoi laisser penser à un conflit armé ? Pour la politologue Khadija Mohsen-Finan, « on s’engage dans un affrontement nouveau, qui n’est pas une guerre totale et ouverte sur le plan militaire, entre le Maroc et l’Algérie ». Selon la spécialiste de la région, si un conflit militaire est à écarter, « les escarmouches entre les deux pays vont se multiplier ». Difficile en effet de croire que les deux peuples frères vont s’affronter militairement — d’autant que les armées de terre de ces deux pays sont composées de ces mêmes peuples —, même si les déclarations vont dans ce sens. Une séquence d’intimidation logique, qui a pour but pour les deux pays de montrer leur détermination. L’an dernier, la modification constitutionnelle de l’Algérie, dont les textes autorisent désormais le pays à intervenir militairement hors de ses frontières, a servi à prévenir les autres puissances qu’Alger comptait avoir un rôle à l’international.
Mais dans les faits, le conflit latent a d’ores et déjà pris d’autres formes. Sur l’espace digital, notamment. Fin novembre, rappelle Jeune Afrique, le site de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a été victime d’un piratage informatique, tandis que le groupe de pirates informatiques marocains « MoroccoHack Team » avait attaqué le site du ministère algérien des Finances quelques jours plus tôt. Sur les réseaux sociaux, le Maroc a également lâché ses troupes : l’influence passe aussi par des commentaires positifs sur la relation nouvelle entre le royaume et Israël.
Diplomatie et lobbying, plutôt que les armes
Autre terrain de guerre : le front diplomatique. Autrefois amorphe, le régime algérien s’est repris ces dernières années pour discuter à l’international. En se lançant dans la production de vaccins, en passant des accords avec Moscou ou en tentant de faire reculer l’Union africaine suite à l’obtention par Israël d’un statut d’observateur, Alger a quasiment rattrapé son retard sur le terrain de la diplomatie, là où Rabat a perdu de nombreux points en s’alliant avec l’Etat hébreu, qui ne peut en aucun cas être un allié crédible.
Or, en Algérie, on indique que « ce qui se joue, c’est le leadership en Afrique du Nord », selon une source citée par L’Opinion. C’est exactement de cela dont il s’agit : Alger a tout fait pour retrouver une place de choix dans la région. Et la normalisation des relations entre le Maroc et Israël a permis à Alger d’effectuer un retour rapide sur le devant de la scène. Désormais, il s’agit pour les deux pays de plaider leur cause au sein des instances internationales, notamment dans le dossier sahraoui.
Une bataille à distance au Sahara occidental ?
Actuellement, Rabat tente de convaincre l’Union européenne de faire reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Ce qui est techniquement impossible, le royaume devant convaincre chaque pays européen d’effectuer cette démarche. Pendant ce temps, Alger plaide sa cause auprès de l’ONU. L’Algérie déplore l’« approche fondamentalement déséquilibrée » des Nations unies dans ce dossier, alors que l’instance internationale s’est toujours positionnée en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui.
En attendant, si une intervention militaire peut effectivement avoir lieu, ce ne sera dans aucun des deux pays mais au Sahara occidental. Entre le mur de sable construit par le Maroc et la présence du Front Polisario dans l’est, le conflit armé peut éclater. Mais tout dépendra des velléités du Maroc : si Rabat ne bouge pas, le calme sera assuré dans la région. Si le royaume, en revanche, tente de déployer ses troupes sur tout le Sahara occidental, nul doute qu’Alger interviendra pour aider le Front Polisario. Mais on n’en est pas encore là, car Rabat n’a aucun intérêt à envoyer ses forces terrestres sur place. Car l’Algérie est largement supérieure sur ce plan.
Le journal de l’Afrique, 01/12/2021
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