par Hadamin Moulud Said
En résumé, les accords de Madrid voulaient dire qu’il n’y a rien qu’on puisse qualifier de « peuple sahraoui ». Ou, plus précisément, que les Sahraouis n’existaient qu’en tant que marocains ou mauritaniens. Tel était l’esprit et la volonté des trois pays signataires de ces accords aussi abominables.
Le Maroc et la Mauritanie se sont tellement appliquées dans cette tâche au point d’envahir militairement le territoire. L’Espagne, quant à elle, a tout fait pour faire disparaître toute trace du mot « sahraoui ». Au point que, à titre d’exemple, en 1978, l’Etat espagnol publiait encore des décrets aussi infâmes que celui-ci:
« Arrêté du 1er Mars 1977, fixant les règles pour le retrait du personnel sahraoui de la Police Territoriale du Sahara ».
Premièrement.- Les sous-officiers et soldats sahroauis appartenant à la police territoriales du Sahara le 31 Janvier 1976 auront droit à une pension de retraite conforme aux années de service qui correspondent.
Deuxièmement.- Ce qui est établi dans la règle précédente s’applique aux sous-officiers et soldats sahraouis ayant prêté leurs services aux Forces armées royales marocaines ou aux forces armées mauritaniennes ».
Comme vous voyez, cette règle est une expression claire et concrète de l’esprit et de la volonté des dispositions des Accords de Madrid. C’est-à-dire, Ies sahraouis n’existent pas. Autrement dit, les habitants de celle qui était la province numéro 53 sont soit marocains soit mauritaniens.
Cependant, dans un arrêt célèbre, la Cour suprême du Royaume d’Espagne vient d’affirmer que, loin de disparaître, les Sahraouis existent. Et ils existent non seulement comme des éléments libres ou répandus dans le monde en tant que réfugiés ou autre, mais ils existent en tant qu’entité politique qui englobe tous les Sahraouis .
Plus de 35 ans après, la Cour suprême du Royaume d’Espagne, constate qu’il ya encore des Sahraouis qui ne sont ni marocains ni mauritaniens ni Algériens. La Cour affirme, en plus, que ces Sahraouis ne sont assistés ni protégés par aucune agence des Nations Unies.
Dans son effort visant à valider les accords de Madrid, le ministère de l’Intérieur d’Espagne prétend : « s’agissant d’une naissance ayant lieu dans le territoire sahraoui, elle a la possibilité de la nationalité marocaine, d’où peut-on déduire que si le Maroc reconnaît la marocanité de l’intéressé la Convention d’Apatridie ne serait pas applicable » .
Dans sa réponse, la Cour utilise une terminologie, sans doute, lourde en disant: » Il n’est pas recevable de nier la condition d’apatride – comme le fait le ministère de l’Intérieur – avec pour preuve qu’il est possible d’opter pour la nationalité marocaine, puisqu’il s’agit de la nationalité du pays qui a occupé le territoire anciennement occupé par les sahraouis, qui, d’une façon tacite mais clair, ont rejeté cette option ». En langage vulgaire, la Cour veut dire au ministère plus ou moins ceci : »Je n’admes pas ce vous dites ».
Dans un autre arrêt, la Cour suprême dit, s’adressant au ministère de l’Intérieur: » et soutient même la thèse selon laquelle ce cas est une fraude possible de la loi de la part d’un groupe de personnes pour affirmer l’existence d’un État, qui, pour le moment, n’a pas de reconnaissance internationale « .
La Cour connaît très bien les accords de Madrid et elle pourrait bien en faire usage pour donner raison au ministère de l’Intérieur d’Espagne. Mais elle ne l’a pas fait. Alors, comment un tribunal espagnol peut rendre inapplicable une règle ( via Traité trilatéral ) espagnole ?
La Haute Cour affirme qu’une personne née à Haouza ( Smara ) en 1968 ( comme c’est le cas de l’appelant ) n’est pas marocain. Alors, que faisons-nous des accords de Madrid ? Les accords de Madrid, n’ont-ils pas dit que Haouza et toute la région de Smara appartenaient au Maroc ?
Aux yeux de la Cour, la nullité des accords de Madrid est tellement évidente qu’elle n’ose même pas en parler. Avec raison. En le faisant, elle aurait balayé tout le prestige d’une institution judiciaire aussi distinguée. Il convient de rappeler à ce stade que la Cour suprême a rendu plusieurs décisions sur la condition d’apatrides des Sahraouis, mais aucune de ses décisions ne parle des accords de Madrid .
Mais ce n’est pas tout. La Cour, non seulement constate l’entière nullité des accords de Madrid. La Cour constate qu’il y a encore des Sahraouis qui ne sont ni marocains ni mauritaniens ni Algériens. A cause d’une force mystique, la Cour semble dire que les Sahraouis existent en tant que sahraouis. Il est évident et logique que la Force mystique que la Haute Cour ne veut en parler n’est rien d’autre que la RASD. C’est cette force, qu’on le veuille ou non, la seule force qui a assuré la survie du peuple sahraoui après les ignominieux accords de Madrid.
Et même s’il semble paradoxale, c’est précisément l’existence de la RASD qui assure, par exemple, que vous, cher lecteur, puissiez demander et obtenir la reconnaissance de la condition d’apatride si vous prouvez que vous êtes sahraoui .
Et puisque, ces jours-ci, le Parlement Européen, où se trouvent de nombreux parlementaires espagnols, débat sur l’accord de pêche entre l’Union européenne et le Maroc, nous pourrions nous poser la question suivante : Si la Cour suprême nie que les natifs du Sahara occidental soient Marocains, que dirait-on du banc de sardines qui habite dans les eaux du Sahara occidental ? Avez-vous, mesdames et messieurs, les arguments pour réfuter les arguments de la Haute Cour espagnole ? Ou bien, dans la sage Europe il n’y a que le principe de l’infaillibilité de leurs décisions comme guide ?
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