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L’Algérie et la résolution 2797 du Conseil de sécurité : un pas intelligent qui a déjoué les calculs des grandes puissances
Mohamed Kandeel – Blogueur, activiste marocain indépendant des droits de l’homme et politique
La position de l’Algérie concernant la résolution 2797 du Conseil de sécurité relative au Sahara Occidental n’était pas une simple abstention diplomatique lors du vote. C’était un pas politique méticuleusement calculé qui a révélé l’échec du Conseil de sécurité à imposer une approche réaliste du conflit, et qui a dérouté les grandes puissances, en particulier les États-Unis, détenteurs du « porte-plume », et la France qui misait sur l’adoption d’une résolution accordant au Maroc un nouvel avantage politique.
La décision de l’Algérie de ne pas voter, ni rejet ni acceptation, n’était pas de la neutralité. C’était un message souverain clair signifiant que l’Algérie ne légitimerait pas une résolution piégée et ambiguë, qui combine la consolidation de la réalité de l’occupation marocaine d’une part, et la suggestion d’un soutien au droit à l’autodétermination d’autre part. L’État algérien est conscient que cette résolution a été formulée pour satisfaire tout le monde, mais qu’elle ne sert personne d’autre que les grandes puissances qui bénéficient de la poursuite du conflit.
D’un point de vue juridique et politique, la résolution 2797 tourne dans le même vide que ses prédécesseures depuis des décennies. Elle a été à nouveau adoptée sous le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, ce qui la rend non contraignante et non exécutoire. De plus, le texte final a supprimé toute référence explicite au référendum et s’est contenté de privilégier les « initiatives réalistes », notamment l’autonomie marocaine, sans pour autant la considérer comme une solution finale ou unique.
C’est ici qu’est apparue l’intelligence du pas algérien : en boycottant le vote, elle a coupé l’herbe sous le pied de la diplomatie américaine et a fait échouer l’image que le Makhzen tentait de vendre comme une victoire diplomatique. L’Algérie sait que toute résolution de ce type manque de force exécutoire sans sa participation, car en fin de compte, la solution ne peut être imposée de l’extérieur ; elle nécessite l’acceptation de toutes les parties concernées sur le terrain et politiquement.
La position algérienne a dérouté le Makhzen qui s’est empressé d’exploiter médiatiquement la résolution, tentant de convaincre le public marocain qu’il s’agissait d’une « victoire historique », alors qu’il s’agit d’une résolution grise qui ne reconnaît ni la souveraineté marocaine ni n’entérine de solution finale. Même le discours de Mohammed VI lui-même après l’adoption de la résolution reflétait un état de tension et de méfiance, s’adressant au peuple sahraoui et à la direction algérienne sur un ton plus proche de la supplication que de la confiance, essayant d’envelopper une décision fragile d’un revêtement religieux et national pour convaincre la rue.
Politiquement, par cette position, l’Algérie s’est placée en acteur et non en spectateur, refusant d’être un faux témoin d’un processus de négociation basé sur la logique de « l’autonomie sous souveraineté marocaine », qui contredit l’essence du principe d’autodétermination. Elle est consciente que participer à toute négociation sous l’égide de cette résolution serait considéré comme une reconnaissance implicite de son contenu, ce qu’elle n’acceptera ni diplomatiquement ni moralement.
La conséquence concrète aujourd’hui est que la résolution 2797 a perdu de son poids sur le terrain avant même d’être mise en œuvre, car l’Algérie a implicitement déclaré qu’il est impossible de parler d’une solution politique globale sans respecter le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, et sans la participation de toutes les parties à des négociations équitables basées sur la légitimité internationale, et non sur des propositions unilatérales imposées par la puissance occupante.
La position algérienne, dans ce sens, n’est pas une entrave au processus de l’ONU, mais une correction et un réorientation de la boussole vers l’essence du conflit que Washington et Paris ont tenté d’occulter sous un langage diplomatique vague. Tant que la résolution manque de base légale solide et qu’elle consacre une ambiguïté délibérée entre la « réalité politique » et la « légitimité internationale », l’Algérie a eu raison de refuser de s’engager dans un jeu dont les résultats sont connus d’avance.
En revanche, le Makhzen exploitera la résolution comme d’habitude pour justifier ses politiques internes et anesthésier la rue marocaine avec le discours de la prétendue victoire, tentant de détourner l’attention des véritables crises qui ravagent le pays : la cherté de la vie, la pauvreté et l’effondrement de la confiance dans les institutions. Cependant, la réalité n’est pas couverte par un discours, ni par un papier de l’ONU qui pourrait cacher la vérité que le Maroc n’a rien gagné politiquement ou juridiquement de cette résolution, si ce n’est une illusion temporaire pour apaiser l’intérieur.
En conclusion, l’Algérie a gagné la manche diplomatiquement par son silence, car l’abstention consciente est plus éloquente qu’un vote formel, tandis que le Maroc l’a perdue malgré tout le tapage de ses médias officiels, car la résolution dont il se vante ne change rien à la réalité de l’occupation, et ne lui confère aucune légitimité souveraine sur le Sahara Occidental.
C’est une nouvelle manche dans un long conflit, mais elle révèle une fois de plus que la conscience politique est parfois plus forte qu’une résolution de l’ONU, et que l’intelligence diplomatique ne se mesure pas au nombre de discours, mais à la capacité de l’État à dire « non » lorsque tout le monde applaudit un « oui » creux.